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lundi 8 octobre 2012

L'audace d'un groupe de jeunes d'Errachidia : Rebranding Morocco !

Découvrir Ouarzazate, Zagora, Errachidia, Tinghir et la région Sud Est du Maroc

A Errachidia et à l'initiative d'Abdellah Smita, des jeunes ont pris l'initiative de redonner une fraicheur au paysage visuel de leur territoire de vie. Sous le nom d'une marque, "Maures", ils veulent créer, produire et diffuser les signes nouveaux d'un quotidien renouvelé, celui d'un Maroc nouveau. Perdus dans une cité qui ne les a pas encore reconnus, ils sont porteurs d'un magnifique message d'espoir pour toute la région Sud Est : la capacité à innover.


Originaires d'Errachidia, Abdellah Smita et Abdelmounaim Yousfi ont passé leurs études entre Meknès, Casablanca et Rabat où ils ont obtenu un BTS d'arts graphiques. De ce passage dans les grandes villes du Maroc, ils ont retenu le constat que le monde du graphisme et du design au Maroc, notamment dans la publicité, n'accueillait pas suffisamment la tradition marocaine dans toute la diversité qui la caractérise. Selon eux, il convient de mieux mettre en valeur l'héritage culturel de leur pays pour le faire vivre dans le quotidien de chacun au travers les objets usuels comme les vêtements, les produits de papeteries, les posters, les signalétiques urbaines, tout ce qui concoure à l'environnement visuel de la population. Leur souhait est ainsi de permettre, au travers le renouvellement de ce paysage visuel quotidien, une redécouverte de la culture marocaine.

Abdellah Smita et Abdelmounaim Yousfi - Maures - ErrachidiaIls sont âgés de 21 et 22 ans et cela fait près d'un an qu'ils ont retrouvé leur ville natale pour y lancer, en février 2012, leur propre entreprise et ainsi diffuser leurs idées sous la forme d'une marque au nom emblématique : Maures. Ils revendiquent clairement une double visée, commerciale et éducative, comme en réaction à une déplorable folklorisation de leur culture. Selon leurs propres mots, "soucieuse des aspects négligés ou ridiculisés de la société marocaine, Maures a l’ambition, à travers ses productions directement inspirées de la culture populaire, de promouvoir une culture visuelle, mais aussi une conscience identitaire et une fierté d’appartenance."
Ils conçoivent une première gamme de Tshirts et de posters avec l'impression de dessins originaux qui portent témoignage de cet héritage culturel dont ils se sont faits les messagers. A partir de contes traditionnels, de personnages populaires, d'expressions ancestrales, leurs produits se font l'écho vivant d'un imaginaire oublié. Ils construisent un site web qui leur sert de plateforme commerciale et entament en mai 2012 le lancement médiatique de leur création auprès de la presse marocaine.


A Errachidia même, le lancement de leurs produits n'est pas simple à mettre en œuvre. Ils ne reçoivent aucune attention de la part des pouvoirs publics et aucune aide pour soutenir leur initiative pourtant innovante et pertinente en regard de la nécessaire évolution de la promotion de la ville et de ses richesses culturelles. Ils peinent à susciter l'enthousiasme auprès d'un public peu enclin à s'intéresser à la nouveauté. De fait, ils restent perplexes sur le devenir de leur démarche d'entrepreneurs. L'ambiance d'Errachidia n'est pas pour les aider. D'un café à l'autre, tout se ressemble dans une monotonie soporifique. Pas de lieux culturels, pas de lieux de découverte, pas d’espaces d’expérimentation, la morosité gagne du terrain dans leur tête à se demander s'ils ne vont pas refaire leur baluchon et reprendre la route.
Cependant, et malgré ces déceptions, ils poursuivent leur élan et préparent, selon la même approche, la diffusion d'articles de scolarité comme des agendas, des marques pages, des cahiers.

Abdellah Smita de Maures - ErrachidiaAbdellah Smita est le fondateur de cette initiative, il répond aux questions d'almaouja.com pour mieux nous faire comprendre les raisons qui animent son entreprise.

Almaouja.com - Pourquoi avoir choisi le nom "Maures" pour votre marque ?
Abdellah Smita - Notre objectif était de raconter aux marocains l'histoire du Maroc, de leur raconter leur propre culture, leur héritage visuel, qu'ils ne connaissent pas. Nous avons voulu partager cette richesse en s'appuyant sur des éléments visuels issus de légendes, d’histoires populaires, de motifs traditionnels. En cherchant à comprendre le sens de chacun de ces symboles, le nom de Maures s'est imposé car il rassemble toutes les différentes racines de notre culture. C'est pour nous le point carrefour de toutes les parties qui composent le peuple marocain. Pour nous, ce nom rassemble métaphoriquement tout le Maroc.
Maintenir vivace notre capacité à créer

Almaouja.com - Votre slogan commercial est "Rebranding Morocco". Quel message voulez faire passer au travers cette formule choc qui pose le Maroc en tant que marque, et donc label de commercialisation ?
AS - Nous avons voulu par ces mots indiquer notre souhait de participer au « relookage » du Maroc. Il est temps selon nous de retravailler notre paysage visuel, de le rafraichir. Nous sommes fatigués d’être entourés de signaux visuels qui ne parlent pas de notre culture. Nous avons un patrimoine visuel très riche et, sans que je comprenne pourquoi, nous avons cessé à un moment de notre histoire d'être créatifs et nous nous sommes contentés de reproduire soit ce qui avait été fait jadis, soit, et c’est le cas aujourd’hui, ce qui est fait ailleurs à l’étranger. Or le monde ne cesse de changer, le regard sur la vie change, et nous estimons qu’il faut reprendre ce mouvement de créativité. Il ne faut pas se satisfaire de ce qui est. Et bien au contraire, il faut maintenir vivace notre capacité de créer l'harmonie entre la tradition, le présent et la marche vers l'avant. « Rebranding Morocco » est un concept dynamique qui dépasse nos seuls produits et qui engage le Maroc, et donc les marocains, à reprendre le geste de la créativité pour proposer ici et dans le monde une vision renouvelée de ce que nous sommes, une vision vivante et joyeuse parce qu’en harmonie avec nos racines culturelles et en résonance avec la diversité du monde d’aujourd’hui. Oui, le Maroc est une marque et nous sommes fiers d’appeler à son épanouissement au Maroc et dans le monde.

Almaouja.com Comment le public a-t-il accueilli ce message ?
AS - Pour tout dire, nous sommes déçus car ceux qui nous ont contacté, et qui ont compris le sens de notre travail et lui ont donné de la valeur, ce ne sont que les étrangers, pas des marocains. Et cela, c'est désolant. Nous nous adressons pourtant avant tout aux marocains et c'est triste de voir cette incapacité à accueillir la nouveauté.

Almaouja.com - Comment expliques-tu cela ?
AS - C'est difficile à comprendre car c'est quelque chose d'intime à l'être marocain. Je ressens que c'est la combinaison de beaucoup de choses, un mélange d'influence de l'école, de la rue, de la maison. C’est un mélange qui crée des êtres indifférents, indifférents à tout ce qui se passe autour de nous et qui ne cherchent que la futilité. Mêmes les créateurs marocains dans les grandes villes ne font que suivre la mode inspirée de ce qui se passe ailleurs dans le monde. Nous importons mais il n'y a pas vraiment une touche marocaine, une touche identitaire.
L'entreprise est le moteur du changement de la société marocaine

Almaouja.com - Comment changer cette situation ?
AS - En tant que jeunes marocains, nous n'attendons rien de l'Etat. De notre point de vue, c'est l'initiative privée, c’est l'entreprise, qui va pouvoir faire bouger la société marocaine et changer cette morosité qui englue tout. Si l’on prend le tourisme qui reste l'activité principale d'Errachidia, il est malheureux de voir que les potentialités du territoire ne sont pas assez mises en valeur comme par exemple les produits du terroir qui devraient être bien plus mis en avant. C’est le cas d’un café local fabriqué à base de datte et qui n'est pas du tout promu et encouragé. D’un point de vue général, les gens ont peur, ils ont peur de tout et donc ils ont peur de l'innovation, peur de l'audace du changement.

Almaouja.com - Votre initiative est donc fondée sur l'émergence d'une identité marocaine nouvelle ?
AS - C'est mon rêve, mais en vérité, je ne sais pas si j'y crois vraiment car la situation du Maroc est compliquée. Plusieurs histoires différentes se déroulent dans le même temps. Chaque ville a sa propre histoire sans lien avec celle des autres. A ce stade, le Maroc est un ensemble de contradictions.

Almaouja.com - Comment voyez-vous l’évolution de votre projet ?
AS - Nous voulons créer une association qui servira de laboratoire de recherche graphique et animera un travail d'équipe pour permettre d'appliquer le renouvellement du graphisme dans les situations concrètes de la vie quotidienne de la population. Nous avons la conviction que le graphisme doit se développer au Maroc. Il faut donc former les jeunes à mélanger les couleurs et les symboles. Cette association proposera des ateliers de formations, de créations et donc de productions pour ensuite diffuser des produits porteurs des thématiques de nos territoires et de nos cultures. D'un autre côté, nous voulons organiser une réflexion collective sur l’ensemble de ces sujets et principalement sur cette dynamique de renouvellement du paysage visuel de notre société. Nous devons parvenir à réunir les jeunes qui ne font rien, et qui tombent eux aussi dans le piège de la morosité et de l’immobilisme. Nous devons parvenir à faire émerger leurs talents créatifs, dans tous les domaines, afin de leur permettre de découvrir leur propre culture et de la faire vivre dans le quotidien de notre société.

Almaouja.com - Avez-vous envie d’aller à l’étranger pour mieux développer vos idées et vos projets ?
AS - J’ai passé autrefois quelques temps en Angleterre, j’y ai fourni à peine un 20ème de ce que j’ai fait depuis mon retour sur Errachidia et j’ai gagné beaucoup plus qu’ici, j’étais remercié pour mes créations. Ici, il n’y pas la reconnaissance nécessaire à la création. Mais en fin de compte, c’est pourtant ici au Maroc que nous voulons réussir car ici nous avons le sentiment d’appartenance. Reste à recueillir la reconnaissance.

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