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lundi 30 juillet 2012

Ce que j’ai vu à Bernoussi

 العفاريت والتماسيح والمخلوقات التي لا يعرف أحد أين Par Larbi, 24/7/ 2012

 Sommes-nous en démocratie ? Non, nous sommes au Maroc.

 Faut-il vous le confesser comme si on confessait un horrible crime ? 

Hier j’étais dans la manifestation du mouvement 20 février dans le quartier Bernoussi à Casablanca. Certes le cœur n’y est plus depuis un moment, mais je me fais un devoir d’assister au moins une fois par mois à une manifestation du mouvement. Parce que contrairement à ce que dit ce clown triste et personnage insignifiant faisant office de chef de gouvernement, la demande de réformes politiques est toujours présente et il faut être sourd et aveugle pour l’ignorer. 

Parce que des militants du mouvement dorment toujours derrière les barreaux pour des crimes qu’ils n’ont pas commis. Et parce que le mouvement 20 février, c’est un peu la famille, on n’arrive pas à s’en séparer et il faudrait bien se retrouver de temps en temps pour ne pas laisser la flamme vaciller. 

 Dimanche soir donc, un impressionnant comité d’accueil composé de diverses unités policières était massé au point de départ et attendait les irréductibles du mouvement. A croire que les forces d’ordre n’ont rien d’autres à faire qu’intimider les manifestants. Dans la même journée à Derb Kebir des trafiquants de drogue ont semé la terreur et attaqué les policiers et il faut croire que ces derniers sont venus se rattraper auprès des manifestants. Forts avec les faibles, faibles avec les forts telle est leur ligne de conduite lâche et nauséabonde.

 La manifestation est arrivée à démarrer à la faveur d’un changement de point de départ de dernière minute, prenant les bataillons de force de l’ordre de court. Pendant une heure, on a volé quelques moments de manifestation qu’on savait précaire. Voici Hamza Haddi, jeune du mouvement, sorti de prison il y a à peine trois jours, qui reprenait déjà service et donnait le ton avec abnégation et courage. Pendant une heure on a un peu retrouvé le mouvement qui milite pour un idéal : la dignité et la justice pour tous. Et s’en tient à une ligne de conduite : les actions pacifiques.
 Avec détermination, quand beaucoup d’autres ont renoncé. Avec courage, quand beaucoup d’autres se sont réfugiés dans la lâcheté et le silence. Pour de nobles idéaux, quand beaucoup d’autres ont choisi la médiocrité et la servilité.

 Et soudain les chiens sont lâchés. On n’est jamais préparé à une attaque de police, c’est lâche et soudain une attaque de police, d’autant plus que cette dernière a accumulé une longue expérience répressive. Il y a eu les motards qui essayaient d’écraser des manifestants avec leurs engins rappelant des scènes horribles de chiens lâchés sans laisse. Il y a eu les matraques qui pleuvaient pour chasser les manifestants faisant plusieurs blessés. 

C’est toujours spécial quand des policiers marocains matraquent des manifestants, ils se mettent à la tâche avec ardeur et à bras le corps, comme s’ils avaient un compte personnel à régler avec chaque manifestant. Quelqu’un m’a dit un jour qu’on les laissait toute la journée, exprès, sans repas pour qu’au moment du passage à l’acte ils le fassent avec la rage des affamés. Je me demande si dimanche soir on n’a pas fait exprès de ne pas les laisser rompre le jeune du ramadan. 

 Il y a eu les violents coups de pieds, qui paradoxalement passaient pour un moindre mal. Il y a eu des passants et des vendeurs qui prenaient eux aussi des coups parce qu’ils se trouvaient, là, sur le chemin d’un policier en rage qui a besoin d’atteindre son quota de matraqués.

 Puis il y a ce moment, peu glorieux où l’on se déteste. Ce moment où face aux matraques on commence à courir et à fuir pour ne pas prendre un coup, pour ne pas être interpellé, pour ne pas donner l’occasion à un médiocre élément des forces de l’ordre, ne sachant parler qu’en injures, de nous faire humilier. Ce moment où l’on se déteste parce qu’on se dit, après coup, qu’on aurait pu rester regroupé, résistant aux coups, accueillant les matraques avec dignité. Il y a eu ce moment où on commence à faire le compte, à chercher qui manque à l’appel et à déduire qui a été interpellé et qui est en train d’être ramené en ce moment dans un obscure poste de la police, subir l’arbitraire de la justice. Ce moment où l’on s’appelle pour se rassurer, prendre des nouvelles des disparus, chercher des infos…. 

Il y a eu enfin ce moment où l’on regarde les passants, les yeux dans les yeux. Où l’on lit la peur dans leurs yeux, elle se lit très bien la peur dans le regard des gens, et l’on se dit que ceux-là ils ne sortiront jamais manifester après avoir assisté à cette leçon de la politique de la peur. Ainsi apprend-on aux foules à bien se tenir. Ce que j’ai vu à Bernoussi, je ne l’oublierai pas. Il se rajoutera ce que j’ai vu avant à Rabat, à Sbata, à divers moments et endroits pendant un an et demi de manifs.

 Ce que j’ai vu à Bernoussi est révoltant, triste et abject. Et quand on échappe de cette épreuve sans blessure dans le corps, on garde fondamentalement des blessures dans le cœur. Mon dieu, ça en fait des séquelles ! 

 Beaucoup de ceux qui étaient présents hier vous le diront : par une alchimie mystérieuse, et assez paradoxale, on sort de ce genre d’épreuves encore plus fort et encore plus déterminé. Alors oui, à la prochaine manifestation pacifique du mouvement 20 février je sortirai dans la rue sans haine et sans crainte. Et si on est encore réprimé, tant pis, on sortira la fois suivante. Quelque chose est définitivement cassée dans le pays et ce n’est pas la répression qui va la réparer. 

Ils sont sortis manifester pacifiquement, ils ont été jetés en prison
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Un Journaliste tabassé par la police lors de la manifestation du M20F Casa à Bernoussi

Conférence de presse du M20
http://youtu.be/qI9pVhI6Kq0

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