Chers amis lecteurs de solidmar,

Solidmar est fatigué ! Trop nourri ! En 8 ans d’existence il s’est goinfré de près de 14 000 articles et n’arrive plus à publier correctement les actualités. RDV sur son jumeau solidmar !

Pages

lundi 30 juillet 2012

Le rappeur marocain Mouad Belghouat condamné en appel à un an de prison

Par Anne Bernas, RFI,  28/7/2012 -

 Devant la cour d'appel ce 27 juillet, la défense de Mouad Belghouat a réitéré que le poème de ce dernier était une « création artistique qu'il ne faut pas punir ».

 Devant la cour d'appel ce 27 juillet, la défense de Mouad Belghouat a réitéré que le poème de ce dernier était une « création artistique qu'il ne faut pas punir ». Facebook/DR 
 La sentence est tombée ce vendredi 27 juillet. La cour d’appel de Casablanca a confirmé la peine d’un an de prison pour le jeune rappeur marocain Mouad Belghouat. Agé de 24 ans, il s’est fait connaître pour ses chansons critiques vis-à-vis de la monarchie. Il a été arrêté le 28 mars dernier et condamné par le tribunal de première instance de la capitale économique marocaine en mai 2012. 
 La raison de cette condamnation à un an de prison et à une amende de 1 000 dirhams (90 euros) ? Pour la justice marocaine, un outrage à la police suite à la diffusion d’une vidéo sur YouTube dans laquelle chante Mouad Belghouat et où apparaissent des policiers marocains.
 La chanson polémique « Les chiens de l'Etat »: 
  La chanson s’intitule Les chiens de l’Etat et circule sur la Toile depuis 2008. Les paroles racontent une banale arrestation par les forces de l’ordre. Le clip est un montage photos où un policier a la tête d’un âne et où ses collègues tabassent violemment des manifestants. Le jeune condamné a nié tout lien avec cette vidéo, arguant que des inconnus avaient fait le montage des photos et de la musique. Rien n’y a fait. D’autant plus que le jeune magasinier devenu chanteur n’en était pas à ses premiers faits d’armes avec les autorités makhzeniennes. 
 Et Mouad devint « le rancunier » Mouad Belghouat a en effet déjà eu un démêlé avec les autorités marocaines. Le 9 septembre 2011, il est interpellé par la police pour avoir agressé et frappé un militant royaliste dans la rue, ce que démentent de nombreux témoins de la scène pour qui cette arrestation n’était rien d’autre qu’une entrave à la liberté d’expression. 
Après quatre mois de détention, Mouad Belghouat est libéré, mais toujours coupable aux yeux de la justice qui l’a condamné à quatre mois de prison, peine effectuée lors de sa détention provisoire de… quatre mois à la prison d’Oukacha, à Casablanca. 
 Moments partagés avant sa première arrestation en 2011.  
Devenu « al-haqed », « le rancunier » en arabe, Mouad Belghouat ne lâche rien malgré des mois passés derrière les barreaux. Il promet à ses fidèles admirateurs qu’il ne compte pas se taire.
 « Je vais continuer à faire du rap, je suis engagé pour le peuple, et pour me faire l’écho de ses problèmes. Il y a un nouveau gouvernement, mais ils n’ont pas encore jugé ceux qui ont volé dans l’ancien. Il faut changer tout cela, on ne lâchera pas » ,
 s’exclame-t-il le 12 janvier à sa sortie de prison. 
 Un militant des droits de l'homme de la première heure S'exprimant essentiellement en darija, le dialecte marocain, Mouad Belghouat est un militant des droits de l'homme de la première heure au Maroc. Il est comparé au rappeur engagé tunisien El Général et a été décrit comme « le Gavroche de la révolution marocaine », « représentant de la voix des opprimés » et le « troubadour des temps modernes ». Plusieurs de ses titres sont ainsi nés lors des protestations de 2011. Protestations dues en grande partie au Mouvement du 20 février, né il y a un an et demi et auquel fait partie al-Haqed. Le M20 est une coalition d'activistes, d'étudiants et de travailleurs réclamant plus de libertés et de justice sociale pour le peuple marocain, dans un pays où les injustices sont criantes et où certaines méthodes sont dignes d’un Etat policier. Le M20 a joué un rôle non négligeable dans les réformes du royaume. 
D’ailleurs, le nouveau gouvernement d’Abdelillah Benkirane l’a appelé au dialogue, mais le M20 s’y refuse, sans doute dans la crainte d'une manipulation. 
 Quoi qu’il en soit, le mouvement de contestation a brisé de nombreux tabous et permis de libérer la parole. Mais avec des limites à ne pas franchir dont Mouad Belghouat est le symbole. 
La liberté d’expression mise à mal 
Depuis le début de « l’affaire al-Haqed », de nombreuses voix se font entendre pour dénoncer son arrestation et la mobilisation s’organise pour dénoncer son cas. Un groupe Facebook a été ouvert rapidement après sa première arrestation, des comptes Twitter suivent leur « défenseur » des droits. Mouad Belghouat est admiré parce qu’il dénonce sans peur la corruption et les erreurs du roi. 
  Vidéo où apparaît l'une des images controversées. 
 Mais pour le procureur du roi, avec ses chansons très critiques, le rappeur est un danger potentiel pour l’ordre public. Une aberration, selon l’un de ses avocats, Me Hatim Begard. 
 « Il a été arrêté pour une chanson ! Franchement, dites-moi si une chanson peut être néfaste ou nuisible à un Etat ou à l’ordre public ! C’est vraiment fâcheux, c’est vraiment malheureux que l’on en soit arrivé là, ici au Maroc, avec une nouvelle Constitution qui stipule très clairement que toute personne a le droit d’être créatif au niveau artistique ! » 
 En effet, des associations de défense des droits de l’homme et de nombreux artistes déplorent, eux aussi, une insulte à la liberté artistique pourtant nouvellement garantie par l’article 25 de la Constitution. Devant la cour d'appel ce 27 juillet, la défense de Mouad Belghouat a réitéré que le poème de ce dernier était une « création artistique qu'il ne faut pas punir ». Pour un autre de ses avocats, Me Omar Benjelloun, « Il s'agit d'un procès contre la liberté d'expression ». L'ONG Human Rights Watch a plusieurs fois demandé aux autorités marocaines d’annuler les accusations contre le contestataire et de le libérer, jugeant que 
  « cette affaire est tout simplement une affaire de liberté d'expression. Chaque jour que le rappeur passe en prison rappelle la distance entre les lois du Maroc et sa pratique, ainsi que les droits garantis par sa nouvelle Constitution ».
  La liberté d’expression dans le royaume bute sur trois lignes rouges : le roi, l’islam et l’unité territoriale. Et le nouveau gouvernement semble ne pas vouloir faire bouger ces lignes. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire