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mercredi 7 décembre 2011

Echange de courrier entre une militante de la LDH, et Jean-Pierre Tartakowski, président de la LDH,

 Lettre ouverte d’une militante de la LDH, à Jean-Pierre Tartakowski, président de la LDH, à propos de son choix de Driss El Yazami pour défendre le Printemps Marocain.

Par M-J F, solidmar, 25/11/2011

Monsieur le Président ,

J’ai adhéré à la LDH il y a un an, et pour la deuxième fois je suis profondément déçue par la position peu conforme à la défense des droits de l’Homme que vous prenez.

La première fois, c’était à Gap où vous avez été invité par la jeune et éphémère section locale de la LDH pour une soirée sur les droits de l’Homme. Solidarité Maroc 05 y présentait un panneau sur les évènements de Gdeim Izik, au Sahara Occidental et sur la répression que subit au quotidien le peuple sahraoui… Défendre cette cause nous a valu un petit rire de votre part, et un grand mépris à l’égard de la souffrance de ce peuple qui, selon vous, est immature, incapable de se gouverner. La LDH est-elle en charge de délivrer des certificats d’aptitude à gouverner, à des peuples choisis qui mériteraient d’être défendus par elle ??

Et voici que pour la 17ème université d’automne de la LDH, qui aura lieu les 26 et 27 novembre à Paris, vous choisissez un représentant de l’État marocain, homme de confiance de sa majesté le roi du Maroc, M. Driss El Yazami, pour parler des « soulèvements dans le monde arabe et l’avancée des droits ». Choix consternant ! Certes il est l’ancien secrétaire général de la LDH et de la FIDH, mais, selon ce que nous avons appris, déjà contesté lorsqu’il occupait cette fonction …

M. El Yazami est-il vraiment bien placé pour parler du printemps marocain porté par le Mouvement du 20 février, lui à qui le roi a confié plusieurs fonctions et missions très importantes ? Il préside, depuis 2007, le Conseil de la Communauté Marocaine à l’Étranger (CCME) et, à ce titre, il a un statut de ministre. Il est également nommé président du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) depuis mars 2011.

Au nom de ces prestigieuses fonctions, a-t-il soutenu ces jeunes et ceux qui les soutiennent, qui, lors de leurs marches pacifiques, ne demandent que la dignité, la liberté, le travail, la démocratie, le respect des droits de l’Homme ? Est-il intervenu lorsque ces jeunes se font mépriser, insulter, incarcérer, tabasser, torturer, assassiner ? 

A-t-il défendu les citoyens marocains à l’étranger qui sont exclus du vote lors des élections du 25 novembre, alors qu’il est leur président ?

La présence de cette ambitieuse personnalité officielle a suscité légitimement une désapprobation chez de nombreux militants qui apportent au quotidien leur solidarité aux luttes du peuple marocain et à ses forces démocratiques. M. El Yazami risque fort de se faire huer lorsqu’il prendra la parole pour parler de droits de l’Homme et de démocratie au Maroc ! Cette nomination qui ressemble à une farce semble prouver que vous faites partie des admirateurs de ce roi autocrate plébiscité dernièrement à la manière des présidents de républiques bananières ou soviétiques…

Cette ligue des droits de l’Homme, que j’espère quand même ne pas être unanime derrière son président, ne répond pas du tout à ce que j’en attendais.

Je ne reprendrai pas mon adhésion.

Veuillez recevoir mes salutations militantes, et, croire, Monsieur le Président, à ma profonde déception.

Marie-José Fressard
Future ex militante de la LDH
Présidente de Solidarité Maroc 05
05000 Gap (France)
solidmar05@gmail.com 

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Réponse du président de la LDH,
Chère Madame,

Je prends connaissance de votre lettre ouverte avec effarement. Vous me permettrez d'en évoquer rapidement les raisons.
La tradition du débat, autant que le savoir vivre, veulent que l'on écrive aux gens à qui l'on veut parler et que, si ceux ci refusent le débat, on saisisse alors l'opinion par voie de lettre ouverte.
Vous avez choisi de simplifier la procédure en sautant la première étape; on y gagne certes en rapidité mais le risque est grand d'y perdre en qualité d'échange.
Votre libelle comporte au moins trois inexactitudes flagrantes, une tonne de rumeurs, une prévision erronnée et un espoir déçu.
C'est beaucoup, vous me permettrez donc d'être bref.
Première inexactitude, je ne m'appelle pas jean pierre. Comme je pense que c'est bien à moi que vous parlez, j'en conclus que vous n'avez pas vérifié la plus élémentaire des informations. Ce qui augure malheureusement de la suite.
Deuxième inexactitude; vous rapportez, des mois après l'événemnt notre rencontre, fort brève au demeurant en la chargeant d'un sens assez singulier. Oui, nous nous sommes rencontrés. Oui, nous avons parlé de la répression qui s'abattait - et s'abat toujours sur les saharaouis. Et bien évidemment je l'ai condamné, dans le droit fil des positins de la Fidh et de la Ldh. Si mes souvenir sont bons vous avez alors du évoquer le droit à l'autonomie, j'ai du dire, pensant avoir affaire a un adulte, que c'était une affaire assez compliquée, vous avez, me semble-t-il, rétorqué que non, pas du tout, ce qui a du me faire sourire. Au vu de la complexité du problème, si je n'étais pas tenté d'en pleurer, j'en sourirais encore... Je ne me souviens pas que vous ayez alors poussé le débat.
Troisième inexactitude: Driss El Yazami n'était pas invité à notre université pour parler du Maroc mais pour évoquer les relations de la région avec l'Europe. Ce qu'il a fort bien fait.
Les rumeurs: c'est ce qu'il y a de plus bas dans votre missive. Driss El Yazami est un militant engagé à visage découvert. Je comprends parfaitement que l'on puisse avoir a l'égard de ses choix stratégiques des doutes et ou des désaccords. Je trouve normal et sain qu'il s'expriment. Mais relisez vous et rougissez de honte! Non seulement vous pratiquez - sans doute par ignorance - les amalgames les plus vils, mais vous assumez le fait de corlporter des rumeurs. Je vous cite: "mais selon ce que nous avons appris, déjà contesté lorsqu'il ocupait ces fonctions" Qui est donc ce nous, et qu'a-t-il donc appris, on aimerait le savoir, on ne le saura pas. Le savez vous d'ailleurs vous même ?
Je pourrais évidemment vous dire que l'institution que préside Driss El Yazami correspond exactement à la Cncdh en France, dans laquelle siège la Ligue et que les Nations Unies en controlent le caractère indépendant. Je pourrais vous parler de sa lutte au Maroc. Je pourrais... Mais à vrai dire, je doute que cela vous intéresse vraiment. Je soupçonne hélas que vous êtes plus passionnée par vos questions que par mes réponses.
Déception, enfin : notre université s'est trés bien passé; Driss El yazami a passionné la salle et aucune des personnes qui nous ont adressé une "lettre ouverte" n'était présente pour lui opposer ces propos que vous tenez à la fois si brutalement et si légèrement. Après tout, à quoi bon débattre une fois qu'on a craché sa vérité...
Bien à vous.
Pierre Tartakowsky

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Réponse de la militante le 3/12/2011

A Monsieur le Président de la Ligue des droits de l’Homme,

Monsieur le Président,

J’ai bien reçu votre réponse. C’est vrai, il eût été plus réglo de ne pas commencer par la lettre « ouverte », un principe auquel habituellement je me tiens. Mais comme vous ne répondez pas aux lettres des ONG ni à celles des militants, et que nous étions à la veille de l’université d’automne de la LDH, il y avait pour moi une certaine urgence à « cracher la vérité », selon votre expression.
J’ai confondu Pierre et Jean-Pierre. Étourderie impardonnable ! Après un tel affront, bien sûr, vous vous attendiez au pire… ce pire que vous n’avez d’ailleurs pas supporté, au point de devenir arrogant et peu respectueux

Notre rencontre à Gap : Non, vos souvenirs ne sont pas bons. Je n’ai jamais évoqué le « droit à l’autonomie » ! Trou de mémoire de votre part, ou lapsus significatif… J’ai toujours eu la naïveté de croire que les défenseurs des droits de l’Homme militaient pour le droit des peuples à disposer de leur avenir par un référendum d’autodétermination, plutôt que de se voir imposer autocratiquement une « autonomie » !

Les personnes qui se trouvaient à côté de nous devant le panneau de Solidarité Maroc 05 ont toutes été choquées par votre attitude méprisante qui ne m’a pas du tout donné envie de pousser plus loin le débat. Sans doute n’étais-je pas assez adulte pour le souhaiter…

S’agissant de Driss El Yazami : Même si à cette université il n’était pas venu pour parler du printemps marocain, ce qui est étonnant quand il est question des « soulèvements dans le monde arabe et l’avancée des droits », il représentait quand même officiellement un État de non-droit, avec les fonctions très importantes que lui a confiées le roi. Un État qui ne bouge pas le petit doigt quand il y a répression violente organisée par son ministère de l’intérieur, atteinte grave aux droits des manifestants au Maroc, arrestations arbitraires, procès fabriqués, torture, assassinats... Il se dit pourtant chargé par la monarchie de la défense des droits de l’Homme …

Parler des relations du Maroc avec l’Europe, surtout avec la France, doit en effet bien lui convenir à Driss El Yazami …

Erreur de ma part, et non rumeur : il n’avait pas été président mais secrétaire général de la FIDH, ce qui au fond ne change rien au débat.  Les « rumeurs » le concernant sont depuis longtemps tellement connues, si souvent dénoncées  dans les milieux de militants des droits de l’Homme qu’elles sont devenues des certitudes banales  pour tous…

Moi-même j’ai pu constater cette attitude peu conforme à celle d’un défenseur des droits de l’Homme dans ma discussion que j’ai eue avec lui il y a quelques années à Grenoble où il était venu faire la promotion des résolutions de l’IER. Je lui avais demandé si l’IER avait évoqué l’incongruité de la trentaine de prisonniers politiques incarcérés pendant les années de plomb et toujours pas libérés. Tels les deux plus anciens, Ahmed Chahid et Ahmed Chaïb– depuis plus de vingt ans derrière les barreaux- que Solidarité  Maroc 05 parrainait. Sa réponse méprisante voire insultante pour ces hommes et leurs familles m’ont fait comprendre que ni lui, censé défendre les droits de l’Homme,  ni l’instance qu’il représentait, censée tourner la page des années de plomb, n’allaient œuvrer pour que les prisonniers politiques marocains qui n’avaient plus rien à faire dans les geôles de Hassan II, soient enfin libérés…


Plus récemment lorsque Abdelhamid Amine conteste devant des millions de téléspectateurs marocains le protocole archaïque du baise main, votre El Yazami, lui, défend cette pratique humiliante et va se plier devant un monarque de droit divin… C’est ce comportement vil qui « correspond exactement à la CNCDH en France » ?

Vous dites que dans ses interventions Driss El Yazami a passionné la salle.  Si la LDH l’applaudit, elle ne le connaît peut-être pas, ou elle s’est ralliée à son admiration pour son ami le roi, ce qui serait un affront à l’image de la LDH … Au Maroc les organisations très engagées dans la défense des droits humains dont les militants sont parfois victimes (et non acteurs !) du régime marocain, ne manquent pas… Les avez-vous invitées pour participer au débat ? J’ai vu la vidéo de la dernière université des Verts où Zineb El Ghazaoui a dit sa vérité au président du CNDH devant un public qui l’a longuement applaudie, tandis qu’il se ratatinait dans son fauteuil… C’est ce que vous vouliez éviter à votre ami ?

Des amis m’ont soutenue dans ma démarche par de nombreux témoignages indignés où il est question vous concernant d’ « arrogance déplacée », « pas digne d’occuper une telle situation », « potentat plein de suffisance imbécile », « indigne de militer pour la défense des droits de l’Homme », « condescendance pas acceptable », « affront aux militants de la Ligue… », donneur « de  leçons de comportement et de savoir vivre », « pas bien éduqué, ce président », « un ton méprisant inadmissible, de plus à l’égard d’une femme », et pour résumer ce que les militants pensent d’El Yazami : « un bouffon des puissants qui a déshonoré la cause des droits humains ».

Et puis s’adressant à moi: « Tu as mon soutien », « Tu n’as pas bien sûr, à rougir de honte » « Bravo ! », « Tu n’as rien à te reprocher », « que cette lettre chiffon ne te fasse pas douter de tes engagements. »

Veuillez recevoir mes salutations, et croire, Monsieur le Président, à ma déception encore plus grande après la lecture de votre réponse.

Marie-José Fressard
Solidarité Maroc 05

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