Par Bruno Marquis, Tolerance, 4/11/2011
Le rôle joué par le Canada en Libye au cours des récents mois a de quoi laisser sur leur faim les Québécois et Canadiens préoccupés par la lutte à la pauvreté dans le monde. L'insurrection était un merveilleux prétexte pour les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et la France. La Libye est l’une des plus grandes économies pétrolières au monde. Sa destruction, puis sa "reconstruction", parrainée par le Front monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, seront également payantes.
Sans oublier bien sûr la saisie des avoirs financiers étrangers de la Libye, qui sont estimés à 150 milliards de dollars, dont 100 milliards dans les pays de l’Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN)...
Il est ainsi avéré que dès le départ, les bombardements de l'OTAN ont eu pour objectif d’anéantir les infrastructures sanitaires, les écoles, les hôpitaux et le réseau de distribution d'eau du pays, pour qu’ils puissent être "reconstruits". On a compté près de neuf mille sorties de frappes de l'OTAN, dont des dizaines de milliers de frappes sur des cibles civiles, ce qui comprenait des zones résidentielles, des édifices gouvernementaux, des installations électrogènes et d'approvisionnement d'eau.1 Un pays en entier a ainsi été bombardé par l'artillerie la plus sophistiquée qui soit.
Je ne veux pas faire l'apologie de Mouammar Kadhafi. Il suffit de lire l'ouvrage "Au coeur de la Libye de Kadhafi" de Patrick Haimzadeh, publié cette année, pour s'en faire une idée assez claire.2
Mais le gouvernement Kadhafi a tout de même joué un rôle clé dans l'élimination de la pauvreté et le développement des infrastructures sanitaires et d'enseignement du pays. Avant l'intervention dite "humanitaire" de l'OTAN, le système de santé public en Libye était le meilleur d'Afrique. Tous les citoyens avaient accès gratuitement aux soins de santé publics. En Afrique du nord, le pays affichait les plus hauts taux d'alphabétisation et d'inscriptions dans les collèges et universités.
Où était la nécessité de tout ravager, de réduire des populations entières à la pauvreté et à la misère en détruisant tout ce qui a été mis en place pour eux au cours des dernières décennies?...
Ce n'est pas fini. Les données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de l’UNESCO ont confirmé que la Jamahiriya arabe libyenne fournissait à ses citoyens des services de santé gratuits et une éducation gratuite - ce qui n'est pas le cas pour nombre d'États-uniens. L'espérance de vie en Libye était de 72,3 ans en 2009, l'une des plus élevée des pays en développement. Le taux de mortalité infantile des moins de 5 ans était pour sa part passé de 71 pour 1000 naissances en 1991 à 14 pour 1000 naissances en 2009.3
Autres données révélatrices : le taux d’alphabétisme était de 89 % en 2009, soit de 94 % chez les hommes et 83 % chez les femmes, et 99,9 % des jeunes sont alphabètes. Le ratio brut d’effectifs scolarisés au primaire était de 97 % pour les garçons et les filles. En ce qui a trait aux effectifs scolarisés au niveau supérieur (postsecondaire, collège et université), le taux était de 54 % en 2002, soit de 52 % chez les hommes et 57 % chez les femmes.
En ce qui concerne les droits des femmes, les performances étaient remarquables : au cours d’une période relativement courte, la Libye a réussi à offrir un accès universel à l’éducation primaire avec 98 % d’effectifs scolarisés au secondaire et 46 % au niveau supérieur. Dans la dernière décennie, les effectifs féminins ont augmenté de 12 % à tous les niveaux d’éducation. Aux niveaux primaire et secondaire, les filles ont dépassé les garçons de 10 %
Dans la plupart des pays en développement, au cours des dernières années, les prix des denrées alimentaires essentielles ont monté en flèche en raison de la déréglementation des marchés, la levée du contrôle des prix et l’élimination des subventions, par suite de l’imposition des détestables politiques de la Banque mondiale et du FMI en faveur du libre marché. La Libye a été l’un des rares pays en développement à maintenir un système de contrôle des prix sur les denrées alimentaires de première nécessité, qui était toujours en vigueur au début de la guerre menée par l’OTAN.
Avant la guerre, la Libye n’avait pas de dettes. C’était au contraire un pays créancier investissant dans les pays voisins. L’intervention militaire en vertu de la "responsabilité de protéger" visait à pousser la Jamahiriya arabe libyenne dans le carcan d’un pays en développement endetté, sous la supervision des institutions de Bretton Woods établies à Washington - le FMI et la Banque mondiale.
Le capitalisme sans bornes promu par le FMI et la Banque mondiale marche main dans la main avec les guerres d'écrasement perpétrées par l'OTAN. Et les pays peu disposés à accepter les remèdes de cheval de la médecine économique de ces institutions non démocratiques feront peut-être taux ou tard, comme la Libye, l'objet d'une dure et meurtrière purge "humanitaire" de la part de l'OTAN.
Parmi les grands responsables de tout cela il y a, voyez-vous, les citoyens des riches "démocraties" comme la nôtre, trop abêtis par la propagande pour poser les quelques gestes de solidarité, sans grands risques, qui permettraient d'éviter ces tueries et ces destructions.
Le Canada devient un pays tout aussi criminel et meurtrier que les États-Unis quand il procède à de telles purges dans d'autres pays pour profiter de leurs richesses et de leurs faiblesses. Nous n'avons moralement pas le droit de rester les bras croisés à regarder partir les avions de guerre et les soldats ravager des existences ailleurs dans le monde...
1. Communiqué de l'OTAN du 5 septembre 2011
2. Patrick Haimzadeh, Au coeur de la Libye de Kadhafi, Patrick Haimzadeh, JC Lattès.
3. Ces données et celles qui suivent sont tirées de Mondialisation.ca.
http://www.tolerance.ca/Article.aspx?ID=122498&L=fr
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