Pour Amnesty International
Par Chakib Alkhayari, 28/ 09/2011
Mon arrestation arbitraire, qui a duré deux ans et deux mois et m’a conduit dans cinq prisons différentes à travers le royaume marocain, a été pour moi une expérience riche en découvertes et en leçons. Cette période m’a permis de voir le monde qui m’entourait d’un autre œil, et m’a amené à vivre une réalité humaine inconnue et inimaginable pour la plupart des gens.
L’arrestation
J’ai été arrêté le 17 Février 2009 pour « atteinte à corps constitué ». Quelques mois plus tard, on me condamnait à trois ans de prison ferme et à verser aux douanes marocaines plus de 753 000 dirhams (68 000 euros) pour le double motif d’« atteinte à corps constitué » et « infraction au code des changes », une nouvelle charge qui est venue s’ajouter à mon dossier.
Tout au long de l’instruction de l’affaire et du déroulement du procès, j’ai subi un certain nombre de violations flagrantes de mes droits, à commencer par cette arrestation arbitraire, mais également l’accompagnement au domicile familial pour une fouille non autorisée, le dépassement de la durée légale de la garde à vue, la falsification des procès-verbaux de la police, ainsi que tous les abus qui ont marqué ces procès en première instance et en appel, et notamment le fait qu’on m’ait attribué des déclarations à la presse que je n’ai jamais données.
Malgré le fait que le juge en charge de mon dossier n’ait pas réussi à motiver l’accusation «d’atteinte à corps constitué », ni à clairement identifier le « corps » en question, j’ai été condamné pour un motif dénué de toute signification.
Il est évident que la justice marocaine a fabriqué ces fausses accusations pour restreindre la liberté d’expression et réprimer les journalistes et les défenseurs des droits humains.
En réalité, j’ai été arrêté pour mon activisme et mes déclarations aux médias marocains et internationaux. J’ai dénoncé l’implication de dignitaires marocains dans un trafic mondial de drogues et l’intrusion de certains trafiquants au sein du parlement marocain pour user de la politique comme d’un moyen de facilitation de leur commerce illégal. Suite à ces mêmes déclarations, des dizaines d’agents de sécurité marocains, dont certains appartenant à l’armée, ont été arrêtés, avant que je ne les rejoigne ensuite dans la même prison.
Malgré ces faits, la cour de justice m’a quand même demandé si j’avais des preuves sur l’implication d’agents de sécurité dans le trafic mondial de drogue. Je répondais alors en vain : « vous avez arrêté des dizaines d’entre eux un mois avant mon arrestation, puis vous m’avez conduit à la même prison ».
De plus, j’ai fourni à la cour pour ma défense des déclarations de responsables de partis politiques participant au gouvernement et qui confirment l’irruption sur la scène politique de barons de la drogue, dont un témoignage de l’un d’entre eux à la deuxième chaine marocaine où il affirme que près du tiers du parlement marocain était infiltré par des trafiquants. Seulement, la cour n’a pas pris en compte ces éléments, et m’a condamné.
La solidarité
Amnesty International a été la première organisation de défense des droits humains à entrer en contact avec mon frère, deux jours seulement après mon arrestation. Au quatrième jour, Amnesty International a publié un communiqué pour exposer mon cas et demander aux autorités marocaines de me libérer immédiatement et sans conditions. Dans le même temps, Human Rights Watch a également publié un communiqué (auquel je dois aussi beaucoup), trois jours après mon arrestation. L’engagement de ces deux organisations pour ma cause a été déterminant et à l’origine du mouvement de solidarité national et international qui a contribué à affaiblir la position de ceux qui voulaient me nuire.
Depuis cet instant, Amnesty International a suivi de très près l’évolution de ma situation. A chacune de ses visites hebdomadaires en prison, mon frère était contacté par téléphone, avant et après notre rencontre, par des responsables d’Amnesty International qui cherchaient à s’informer sur ma situation personnelle. Cette attention m’a beaucoup réconforté sur le plan moral.
J’affirme sans exagération que je me suis senti libre grâce à Amnesty International. Comment ne pas avoir ce sentiment de liberté, alors que je recevais chaque semaine par l’intermédiaire de l’administration pénitentiaire des dizaines de lettres de soutien provenant de partout dans le monde, grâce aux campagnes organisées par Amnesty International pour « écrire contre l’oubli ».
Ce soutien m’était d’un grand secours : il m’a permis de faire face aux conditions dans lesquelles j’étais détenu, loin de ma famille et de mes amis. Ces mots reçus, emplis d’émotions et de sentiments chaleureux, écrits par des enfants, des adultes, des jeunes, et des femmes que je ne connaissais pas m’ont permis de ressentir que nous n’étions pas seuls, ma famille et moi; que par mon incarcération, nous ne faisions que notre devoir pour combattre la corruption et l’injustice. Malgré le fait que nous n’étions qu’une famille modeste habitant une région inconnue dans le monde, nous avions toute la considération d’Amnesty International, au point qu’elle nous dédiait une équipe entière qui travaillait jour et nuit pour suivre et s’informer sur notre situation et nous apporter du soutien.
Tout ce qu'Amnesty International a fait pour moi n’est pas vain, puisque j’ai finalement été libéré quatre mois après le « Marathon des signatures », et après que l’État marocain a annoncé la clôture de 190 affaires juridiques entachées d’irrégularités. Certes, il y a eu d’autres tentatives pour ma libération, une année avant ma sortie de prison, sous l’effet de la pression internationale.
Mais je n’ai pas souhaité répondre par la positive à ces tentatives, car elles visaient avant tout à me discréditer et à dédouaner l’Etat marocain de toute responsabilité et de toute faute.
Depuis ma libération, je participe activement auprès d’Amnesty International aux campagnes visant à défendre les victimes de procès iniques et les personnes dont les droits sont bafoués à travers le monde. Et je continuerai à le faire toute ma vie. De simples actions comme remplir cinq cases sur une page de pétition sur Internet et cliquer gratuitement sur un bouton peuvent aider beaucoup de gens dans le monde.
Envoyer une carte postale peut aider à redonner le sourire à des prisonniers innocents qui croupissent au fond de leurs geôles. Grâce à un don modeste, on peut aussi aider Amnesty International à veiller jour et nuit, sans relâche, à améliorer la condition humaine dans beaucoup d’endroits dans le monde, même ceux dont on ignore l’existence.
Je salue Amnesty International et toutes celles et ceux qui la soutiennent.
Chakib Alkhayari
شهادة في حق منظمة العفو الدولية
شكيب الخياري/ معتقل رأي سابق
28 /09/2011
كانت الفترة التي قضيتها أثناء اعتقالي التحكمي بخمسة سجون من غرب المملكة إلى شرقها، و التي ناهزت سنتين و شهرين، حافلة بالتجارب الغنية و العبر القيمة التي لم يكتب لي أن أعيشها أو أستخلصها من ذي قبل، حيث مكنتني من أن أرى العالم من حولي كما لم يسبق لي أن رأيته و لا كما أدركته، و جعلتني أحتك بواقع إنساني خفي لا تراه أعين كافة الناس و لا تعيه كل العقول.
الاعـتـقـال
اعتقلت بتاريخ 17 فبراير 2009 و تم إيداعي السجن بتهمة " إهانة هيئات منظمة " و بعد شهور ستضاف لي تهمة " مخالفة قوانين الصرف"، ليصدر في حقي لاحقا حكم بالحبس النافذ لمدة ثلاث سنوات و غرامة تناهز 75 ألف أورو.
و قد عرفت مختلف مراحل متابعتي و محاكمتي القضائية جملة من الخروقات القانونية الصارخة، ابتداء من اعتقالي غير القانوني و استقدامي لمنزل والداي لتفتيشه بدون إذن و تجاوز مدة الحراسة النظرية و تزوير المحاضر إلى كافة التجاوزات التي واكبت محاكمتي ابتدائيا و استئنافيا كان أبرزها اختلاق المحكمة لتصريح صحفي لم أدلي به و متابعتي على خلفيته. و ذلك رغم أن القاضي الذي أدانني كتب بالحرف في تعليله للحكم أن" المشرع المغربي لم يعرف الهيئات المنظمة "فأصبحت مدانا بتهمة غير ذات معنى محدد، تم اختلاقها من أجل الحد من حرية التعبير و التضييق على المدافعين عن حقوق الإنسان و رجال الإعلام.
اعتقالي جاء على خلفية تقديمي لتصريحات إعلامية في منابر مغربية و دولية وفق منهجية العمل الحقوقي كما هو متعارف عليها دوليا، حول تورط عناصر أمنية في التهريب الدولي للمخدرات، و اقتحام بارونات المخدرات لقبة البرلمان من أجل استغلالهم السياسة لدعم تجارتهم غير المشروعة، و هي التصريحات التي تلاها اعتقال العشرات من العناصر الأمنية حتى من الرتب العسكرية العليا قبل إلحاقي بهم إلى نفس السجن.
رغم ذلك أخذت المحكمة تسألني:" هل لديك دليل على تورط عناصر أمنية في التهريب الدولي للمخدرات؟" و كنت أجيب بلا جدوى:" لقد اعتقلتم العشرات منهم شهرا قبل اعتقالي و ألحقتموني فيما بعد بهم إلى السجن". إلى جانب ذلك زودت من خلال دفاعي هيئة المحكمة بتصريحات لمسؤولين في أحزاب سياسية مشاركة في الحكومة يؤكدون اقتحام بارونات المخدرات للمجال السياسي و صلت بأحدهم إلى التصريح عبر القناة الثانية المغربية أن ما يناهز ثلث البرلمان المغربي بارونات مخدرات، لكن المحكمة لم تكترث لكل ذلك، فتمت إدانتي.
الـتـضـامـن
لقد كانت أمنستي أول منظمة لحقوق الإنسان تتصل بأخي منذ اليوم الثاني لاعتقالي، و أصدرت في اليوم الرابع بلاغا للرأي العام بخصوص قضيتي مطالبة الدولة إطلاق سراحي بشكل فوري و بدون قيد أو شرط، و رافق ذلك تدخل فوري منذ اليوم الثالث لهيومن رايتس ووتش التي أصدرت كذلك بيانا للرأي العام حول وضعيتي ( كثير ما يقال حولها )، و هما التحركان اللذان تأكد لي فيما بعد أنهما أساهما بشكل فعال في تحريك التضامن الوطني و الدولي مع قضيتي و أضعفا من حدة ما كان يحبك ضدي.
منذ ذلك الحين و أمنستي تتابع أخباري أولا بأول، و في كل زيارة أسبوعية لأخي لي بالسجن، كان يتلقى اتصالا عبر الهاتف قبل و بعد الزيارة من طرف مسؤولي المنظمة بغية الإطمئنان على وضعيتي، و هو ما كان له عظيم الأثر على راحتي النفسية، و لا أبالغ إن قلت أن أمنستي قد نجحت في أن تجعلني أحس أني حر طليق ، كيف لا، و قد كنت أتلقى كل أسبوع من طرف إدارة السجن بالعشرات من الرسائل التضامنية عبر العالم بعد الحملة التي أطلقتها أمنستي للكتابة ضد النسيان، لقد كانت حافزا كبيرا لي كي أقاوم ظروف الاعتقال و البعد عن الأسرة و الأصدقاء، لأن تلك الكلمات الغنية بالمشاعر من طرف أطفال و كهول و شباب و نساء و فتيات لا أعرفهم جعلتني أحس أني و أسرتي لسنا لوحدنا و بأننا بهذا الاعتقال نؤدي واجبا إنسانيا في سبيل محاربة الفساد و الظلم و بأنه بالرغم من كوننا أسرة بسيطة على المستوى المادي و نقطن بمدينة في بقعة غير معروفة من العالم، إلا أننا بالنسبة لأمنستي نعني الكثير و نستحق أن تخصص لنا فرق للعمل تسهر ليل نهار على متابعة أخبارنا و الاطمئنان على أحوالنا و من أجل تقديم الدعم لنا.
إن ما فعلته أمنسي من أجلي لم يذهب سدى، فقد تم إطلاق سراحي أربعة أشهر بعد انطلاق مراطون التوقيعات، في إطار إعلان الدولة عن تصفيتها لـ 190 ملفا قضائيا تحكمت فيه خلفيات غير قانونية، و قبل ذلك بسنة و تحت ضغط التحركات الدولية بدأت محاولات لإطلاق سراحي بصيغ لم أرغب الاستجابة لها كونها تهدف إلى إذلالي و إفلات الدولة من الاعتراف بخطئها الجسيم.
و منذ خروجي من السجن و أنا مشارك مع أمنستي في حملاتها من أجل الدفاع عن ضحايا المحاكمات غير العادلة و ضحايا خروقات حقوق الانسان عبر العالم و سأستمر في ذلك طيلة حياتي، بعض الخطوات البسيطة كملء خمس خانات على صفحة الويب و بنقرة واحدة و بشكل مجاني يمكن أن تساعد الكثيرين عبر العالم، و ببطاقة بريدية عادية يمكن أن ترسم ابتسامة عريضة على شفاه معتقلين مظلومين قابعين في غياهب السجون، كما يمكنك بمبلغ جد بسيط تتبرع به أن تجعل فرق أمنستي تسهر ليل نهار بلا كلل و لا ملل من أجل جعلك تساهم في تغيير وضعية حقوق الانسان نحو الأفضل في العديد من بقاع العالم حتى المجهولة منها.
تحية لأمنستي و لكل من يدعمونها
Traduit de l'arabe par Amnesty International.
La transcription de son nom de l'arabe au français connait deux versions : Chekib el Khiari et Chakib Alkhayari. Nous avons retenu la plus couramment utilisée.
Photo 2 : Geneviève Garrigos, présidente d'Amnesty International France, et Chakib Alkhayari le 28 mai 2011 à Paris.
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