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vendredi 5 février 2010

Maroc : une néodictature sous couvert de transition

Par Diaspora Sahraoui, 5/2/ 2010
Au Maroc quand un journal est indésirable, le Makhzen fait tout pour le démolir et il y arrive toujours. Le moyen pour y arriver n’est pas important : Cela peut aller de la suspension pure et dure, à l’emprisonnement ou à l’étouffement financier. Si un journal pro-makhzen était dans la même situation, il est certain qu’il n’aurait pas été inquiété. D’ailleurs ce qu’il serait intéressant de savoir c’est combien de journaux sont-ils dans le même cas que le Journal Hebdomadaire ? Combien d’entreprises au Maroc ne sont pas en règle avec la direction des impôts ? Si le tribunal devait se prononcer comme il l’a fait pour le Journal Hebdomadaire (JH), seules quelques entreprises subsisteraient.
La moitié des entreprises du Maroc ont certainement de quoi avoir des craintes si elles devaient rendre des comptes sur ce plan-là, et ce, pour toutes sortes de raisons. En d’autres termes, si on devait poursuivre toutes les entreprises marocaines pour les mêmes raisons, c’est la moitié de l’économie marocaine probablement qui finirait en liquidation judiciaire. Il est fort connu le fiasco historique de la CNSS et l’impunité de ses dirigeants qui se sont enrichi par la corruption et le détournement de fonds, faisant d’eux les décideurs les plus craints du Maroc pour la majorité des entrepreneurs. Une véritable page noire de l’histoire économique du pays se situe à ce niveau.
Dans un pays démocratique, une publication de l’opposition qui se fait tabasser pour arriérés fiscaux n’est qu’un fait divers. Parce que l’opposition a les mêmes outils pour parvenir au pouvoir que la majorité. Au Maroc, pour avoir le pouvoir, il faut être le fils du précédent dictateur. Et les dictateurs n’aiment pas être remis en question. Ce qui explique les saisies de journaux, les gens en prison pour délit d’opinion, et la censure qui ne surprend plus personne.
La situation est dans l’impasse, chacun doit lutter par tous ses moyens pour avoir sa part ou pour y survivre dans une concurrence totalement déloyale. Le Maroc est une proie livrée aux prédateurs. Il y a ceux qui se taillent la part du lion ( la sphère du pouvoir ou ceux qui ont des euro-dollars ), et il y a d’autres qui ne trouvent que des os. Le fait de dénoncer ça est considéré comme un crime par les maîtres de la situation. La première chose que craint un voleur c’est la liberté de parler de lui.
Pratiquement tout le monde au Maroc parle d’une "transition démocratique" que vivrait le pays, particulièrement depuis l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI en 1999. Par ce terme, on cherche à illustrer une libéralisation imaginaire qui s’opère depuis la fin du règne de Hassan II. Plusieurs signes témoignent de tout le contraire :
L’article 28 de la Constitution dit : "Le Roi peut adresser des messages à la Nation et au Parlement. Les messages sont lus devant l’une et l’autre Chambre et ne peuvent y faire l’objet d’aucun débat." Qu’est ce que vous n’avez pas compris dans le "aucun débat"? Le Maroc est une dictature où le roi dicte ses volontés et ses hommes de main obéissent. Ne pas faire de lèche-botte explicite pourrait potentiellement exposer la personne ou le journal a de sérieux ennuis (atteinte aux sacralités, traîtrise, etc.)
L’omniprésence de la religion. 
 Le roi ne rend pas de comptes, la Bai’a (cérémonie d’allégeance) est un leg du système féodal et il s’ingère dans tous les aspects de la vie du citoyen. Le chef d’état parle de Dieu sans arrêt et c’est au nom de ce même Dieu que les libertés civiles sont sacrifiées.
On ne peut discuter ou débattre sur la scène publique de la personne du Roi, ce qui engendre quelquefois des poursuites judiciaires et des condamnations contre des journaux, des journalistes ou caricaturistes. Ce premier interdit débouche sans aucun doute sur une forte auto-censure de la part des journalistes puisque la ligne est parfois mince entre ce qui relève de la vie privée du Roi et ce qui concerne ses décisions politiques... En 2009, on a même interdit de publication un sondage - fort positif par ailleurs - sur la gouverne de Mohammed VI sous prétexte qu’on ne peut discuter de la personne du Roi... La photo du Roi et de son père est littéralement partout, dans tous les commerces, sur les bords des autoroutes, etc. C’est à se demander s’il n’y a pas une contrainte envers ceux qui osent «oublier» d’afficher un tel hommage à la dynastie au pouvoir... En tout cas, le culte de la personnalitédu Roi se porte assez bien.
Le roi "dicte" et l’État s’exécute sans poser de questions. Le palais concentre tous les pouvoirs entre ses mains.
Lorsqu’on consulte la constitution marocaine, on y lit que les libertés d’expression et d’association sont garanties, que l’homme et la femme sont égaux, etc. Bref, le Maroc veut se comparer à toutes les démocraties occidentales sur le plan des droits proclamés pour chacun. Mais on ajoute à plusieurs reprises dans la constitution marocaine que ces droits peuvent être limités par les lois du pays. C’est ici que nous pouvons faire une première constatation : En Europe, les lois doivent respecter les droits proclamés dans la constitution (sans quoi elles peuvent être jugées anti-constitutionnelles) alors qu’au Maroc, ce sont les lois qui peuvent limiter l’exercice des droits constitutionnels. C’est un inversement des normes juridiques inquiétant puisque les lois sont placées devant la constitution alors que c’est la constitution qui devrait être au-dessus des lois en démocratie.
Les minorités sont opprimées.
La propagande du régime est partout (enseignement primaire comme secondaire, médias, etc).
Les proches du pouvoir sont au-dessus de la loi.
Malgré le nouveau code de la famille, les mariages arrangés existent encore, les femmes sont encore sous-éduquées, sous représentées en politique (on a toutefois instauré des quotas récemment pour augmenter leur représentation) et largement confinées au foyer (on qualifie souvent la femme marocaine de «Reine du logis»)...
La question du Sahara Occidental, déguisée en "problème d’intégrité territoriale" ne peut être débattue.
Les victimes d’injustice finissent souvent par quémander la clémence du dictateur, alors que l’appareil judiciaire suit les instructions du palais à la lettre.
Les forces de sécurité sont omniprésentes. Partout sur le territoire, il y a des barrages policiers pour vérifier l’identité des individus et rappeler que l’ordre et la discipline règnent (il est d’ailleurs interdit de photographier les forces de l’ordre).
La liberté d’expression au Maroc tourne autour d’une seule chose : à qui appartient le Maroc, qui pompe illégalement le Maroc ? Si les richesses et un peu de pouvoir avaient été équitablement distribuées, il n’y aurait pas eu de problème de liberté d’expression au Maroc.
Quand les salaires sont débattus au parlement, même dans les pays non démocratiques, au Maroc on débat sur l’absence d’une école par-ci, d’un puits d’eau par-là, d’un dispensaire dans cette montagne... Au lieu de mettre à plat les 20000 premiers salaires du royaume ( hormis celui du roi, des princes et des princesses qui ne se discutent pas ) le pouvoir continue de dissimuler ces fardeaux que le peuple traîne sur son dos. On sait, à titre d’exemple, qu’un général ou un haut gradé de la sécuritas marocaine touche mieux que son homologue en Europe, sans parler du droit à la corruption qui peut doubler ou tripler sans salaire.
Tout le monde sait maintenant que la cocaïne qui est entrain d’inonder le Maroc et l’Europe est en partie l’œuvre des responsables militaires au Sahara Occidental, qui déchargent les bateaux venant de l’Amerique de Sud avec des tonnes de cocaïne et ce sont les troupes des bataillons qui jouent le rôle des dockers de cete drogue sur le port de El Aaiun. Le système est pervers partout, le peuple a encore des decennies à souffrir et à être piétiné par le Makhzen et même par d’autres peuples hôtes du Makhzen ou de ses maîtres.
La façade du Maroc qui se présente sous cette belle diversité et cette libéralisation cache mal un néo-autoritarisme fort intelligent et habile.

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