Par Samih Baaziz, 7/1/2010
Monsieur le président,
Je m’adresse à vous aujourd’hui car vous avez décidé de franchir aujourd’hui l’inadmissible, l’insupportable, en l’institutionnalisant.
En effet il m’est impossible, en tant que français né en France de le faire.
J’ai eu plusieurs discussions avec des amis autour de la nécessité ou de la non nécessité d’être présent ici ce soir, et je vous avoue que je n’ai pas trouvé de raisons objectives d’être présent ce soir. Sauf que je me suis dit que vous appeliez l’inconscience collective, c’est donc en toute inconscience que je vous interpelle. Je me suis dit que peut être une partie de mon sort pouvait se jouer ce soir… Pour moi l’immigré né en France…. De parents nés dans un département français à Annaba.
Je voulais entendre, écouter, à quel point il était nécessaire pour moi d’être français, je voulais savoir si j’étais français, objectivement cette question est stupide (pardonnez moi), mais pour moi elle a en réalité toujours existée et ce depuis mes premiers pas dans les classes où j’étudiais Victor Hugo, et autres auteurs faisant l’apologie de la France en tant que terre promise de la diversité et de la laïcité.
Je suis venu écouter mais je suis venu vous dire sans détour que de votre France je n’en voulais pas M Sarkozy. Mieux votre France je n’en suis pas, gardez là et faites en une réserve pour une seule espèce de citoyens sans racaille envahissante que nous sommes nous autres.
J’ai 35 ans et il m’a fallu du temps pour me sentir intégré à votre France, ça fait 35 ans que j’essaie, sans succès, pourtant j’ai tout essayé, j’ai tenté de réunir toutes les conditions et paramètres optimums pour être français.
Je me suis battu pour naître sur le territoire, ensuite je me suis inscrit en tant qu’écolier docile à l’école française, puis à l’université, je n’ai plus mis de baskets et de casquettes à l’envers ( signe hautement républicain ), j’ai trouvé un travail, mangé du fromage, bu du vin et payé des impôts, mais rien à faire. Je ne suis pas un pur produit français.
Je vous assure monsieur le président que je n’ai jamais sifflé la Marseillaise et il est certain que je n’aime pas entendre la marseillaise être sifflée car ces sifflements témoignent d’un malaise.
Mais je n’en tire pas les mêmes conclusions que vous monsieur Sarkozy, je ne pense pas que mes semblables soient des racailles, bêtes sanguinaires… J’ai la furieuse impression que c’est juste qu’ils ne se sentent pas français. Ils ne se sentent rien monsieur le président, ou plutôt ce qu’on les a laissé être.
Monsieur Sarkozy, je n’en peux plus de courir après votre France, votre identité n’est qu’un mirage, une notion impalpable dont vous usez dangereusement. La vérité française se trouve ailleurs. Je crois même qu’il n’y a pas de vérité nationale.
J’en ai assez de porter le doute, je n’ai pas à vous prouver ma fidélité française à cause de ma couleur de peau et de mes croyances.
Dorénavant je ne recevrai plus et ne défendrai plus l’identité française, je rejette en bloc tout idée d’identité, cette notion est bien trop dangereuse, ce socle n’est qu’un leurre
A partir de maintenant j’en appelle à l’objection de conscience identitaire.
C’est avec une grande colère que j’interviens ce soir, car c’en est trop.
Vos discours et ceux de vos ministres et de vos députés de la majorité (pour bon nombre) distillent impunément et à longueur de médias cette idée venimeuse qu’un fossé infranchissable sépare les bons français des métèques, des musulmans, des marrons, des gris par mariage, des noirs, des casquettes à l’envers…Bref ces hordes, ces rejetons, ces impures voire ces impies d’une France et d’une Europe si radicalement chrétienne qu’elle ne saurait accueillir en son sein ces turcs musulmans.
Vos méthodes ressemblent à s’y méprendre à quelque stratégie consciente ou inconsciente d’apartheid. Et à mon niveau j’ai comme le sentiment que vous savez ce que vous faites.
Tout semble illustrer d’un état d’esprit ségrégationniste.
Votre jeu consiste à mettre au pas les mauvais le moment venu.
Vous rassurez les vôtres et les protégez de toute mixité contagieuse.
Depuis 15 ans ce pays bascule de jour en jour dans le repli.
Les prochaines échéances électorales vont vous permettre de jouer encore un peu plus à votre jeu dangereux, vous surenchérirez dans les insultes, les humiliations, et nous serons encore plus non intégrables.
Mais je n’accepte plus cette injonction à être français.
J’affirme ne plus me sentir français, ne vous en déplaise je suis citoyen du monde.
Votre façon de vous sentir français me fait honte. Non je ne suis pas de votre France ; repliée sur elle-même, je ne suis pas de cette France avec des relents collaborationnistes.
Aussi je voudrais faire partie d’une France, une autre si tant est que nos politiques nous en offrent les perspectives, d’une France qui a combattu l’esclavage et le colonialisme.
samihbaazie@yahoo.fr
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