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dimanche 10 janvier 2010

" Fuir son pays à cause de la misère c’est bien mais,le désert est une galère"


Par Merlin O, propos recueillis à Bouarfa par Huges Seumo, camer.be, 10/1/2010
La personne interviewée est un jeune homme d'origine camerounaise, d’environ trente ans, marié, sans enfant, diplômé en sciences économiques à l'université de Douala, parti du Cameroun depuis 2005 pour le Tchad , le Sénégal où il a été jeté en prison dans ce dernier pays et qui a échoué au Maroc à la suite de son évasion. Il nous relate les circonstances dans lesquelles il s'est retrouvé dans le désert marocain, ses déboires et ses multiples tentatives sans succès de la traversée par voie maritimes de la côte marocaine pour l'Europe. Lisez plutôt
Bonjour M. et bonne année. Est-ce que vous pouvez nous raconter les circonstances dans lesquelles vous vous êtes retrouvés ici dans le désert marocain ?
Je tiens d'abord à vous féliciter d'être venu jusqu'ici à Bouarfa pour nous rencontrer. Je suis Camerounais d'origine, parti du Cameroun depuis 2005 pour le Tchad où j'ai passé une année en exerçant comme cordonnier ambulant pour amasser un peu d'argent. Parti du Tchad en 2006 pour le Sénégal, j'ai tenté en octobre 2006 la première traversée vers l'Europe par voie de mer sans succès. Notre navire avait heurté une pirogue abandonnée et notre barque avait prise de l’eau. Après avoir été sauvé par les gardes côtes sénégalaises, j'ai été jeté en prison d'où j'ai pu m'évader en décembre 2006. J'ai sur le champ, avec la complicité de certains commerçants camerounais de Ziguinchor, pris la route pour le Maroc.
Au Maroc, j'ai été plusieurs fois arrêté et tabassé par la gendarmerie royale marocaine. J'ai été rapatrié en Lybie car je disposais des documents de la Lybie. En 2007, j'ai pris une autre pirogue dans laquelle se trouvait, entre autres passagers, une jeune nigériane qui va mourir, laissant son bébé, son corps a été jeté à la mer, la pirogue avait chaviré à cause d’une tempête. Nous avons été repêchés par des policiers italiens qui nous ont renvoyé au Maroc. J'ai tenté à quatre reprises à quitter le Maroc pour l'Espagne sans succès et fuyant la police marocaine qui embête les immigrés je me suis caché ici au désert afin de préparer le prochain voyage.
Comment allez-vous voyager quand on sait que les conditions de la traversée par voie maritimes sont difficiles ?
Ayant vendu mes bijoux et certains de mes objets de valeur, les passeurs vont venir vers la fin du mois de janvier 2010. Le passeur c'est un individu qui viendra ici pour enregistrer ceux parmi nous qui aurons réuni la somme d'argent nécessaire à payer. Dès qu'il a établi sa liste, il prend contact avec le transporteur qui a pour mission, argent en main,  à nous conduire vers la côte. Il doit également nous héberger pour attendre le moment propice pour partir. C'est ce dernier qui héberge les voyageurs qui doit nous nourrir. Une baguette de pain coûte quatre dirhams. Idem pour les sandwiches
Comment se passe la traversée ?
Dès que le transporteur revient vers nos logements pour nous demander d'embarquer à bord de sa pirogue, l'on doit s'assurer que l'on est psychologiquement prêt, le trajet s’étale sur 30 à 60 kilomètres. On est obligé car à chaque tentive, ils y a ceux qui réussissent et ceux qui échouent. La traversée dans la haute mer se fait toujours dans des conditions très difficiles à bord de pateras jusqu'à Tarifa, dans le sud de l’Espagne. Pour ceux qui réussissent, ils se trouvent en territoire espagnol. Là, chacun se débrouille pour éviter la police espagnole
Vous qui avez tenté à plusieurs reprises à traverser sans succès, combien coûte en moyenne le voyage ?
Pour ceux qui choisissent la voie de la mer, il faut débourser entre 400 à 500 euros. Si l'on dispose des doublures plus connues ici sous le nom de Via-via, on peut débourser jusqu’à 2 000 euros pour prendre l'avion à Casablanca afin d'atterrir soit en France, soit à Bruxelles ou même encore à Madrid.
Revenons sur votre aventure ici dans le désert marocain, vous êtes combien de camerounais ici à Bouarfa?
Pour vous dire vrai, il n'y a pas de nombre fixe. Il y a ceux qui décèdent au cours de leur séjour, il y a ceux qui partent avec succès et il ya ceux qui viennent nouvellement. Chaque jour l'on enregistre des départs et des arrivées. Il n’y a pas que des camerounais, l’on rencontre également ici de l’autre côté de notre campement des Mauritaniens, Maliens, Sénégalais. En tant que doyen ici, j’ai décompté la semaine dernière 75 Camerounais, 23 Mauritaniens, 15 Sénégalais, 12 Nigérians et 9 Ivoiriens.

Nous sommes sortis de nos familles et de nos pays respectifs la rage au cœur avec l'envie de réussir. Quand on voit des camerounais vivant en Europe rentrer au pays pour investir, avoir de belles maisons, et que nous, qui sommes là et qui mourons à la tâche, ne pouvons rien gagner, alors on est tenté d’aller en Europe. Nous mourons et personne ne se soucie de nous. L’Etat mauritanien est venu chercher ses ressortissants à Merzouga le 15 décembre dernier pour leur trouver du boulot.
Avez-vous essayé de rencontrer les autorités camerounaises ici au Maroc ?
J’ai personnellement envoyé un message à l’ambassade du Cameroun située à 20, Rue du Rif, Souissi, BP 1790, Rabat pour leur faire part de notre situation. Depuis bientôt un an, nous n’avons jamais reçu de réponse pourtant ils ont mon mail. Je consulte mon mail à Oujda non loin de la frontière algérienne où j’y vais de temps en temps pour passer mes coups de fils.
Tout à l’heure vous avez remercié les organisations de la diaspora camerounaise qui vous ont remis un message de la main de l’un de leur représentant. Pouvez-vous nous livrer le contenu de ce message si cela ne vous embête pas ?
Ça ne m’embête pas. Le message est celui du Code dont je dois livrer la teneur à toute la communauté africaine ici à Bouarfa. Le Code affirme avoir interpellé la commission Européenne, les différents Etats africains sur notre situation et exhorte ces Etats à s’occuper de leurs citoyens respectifs abandonnés dans le désert marocain. Le même Code nous demande de nous rapprocher des organisations humanitaires présentes au Maroc afin qu’elles puissent nous aider sur le plan sanitaire, logistique etc.
Avez-vous un message particulier à délivrer en direction de ceux qui veulent vous imiter dans votre aventure ?
Le message est clair. Fuir son pays à cause de la misère c’est bien mais, se retrouver dans le désert est une galère. Le paradis c’est chez nous et non ici (Bouarfa, ndlr). Je remercie grandement le président du Code Brice Nitcheu d’avoir pensé à nous à travers son geste qui nous a permis non seulement de savoir qu’il existe des camerounais qui pensent à ceux qui souffrent, mais aussi de bien passer la fête de nouvel an. Je remercie aussi Camer.be et les autres journalistes présents ici tout en vous souhaitant une bonne et heureuse année 2010

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