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mardi 11 août 2009

HAUTES-PYRÉNÉES : Il fait travailler ses compatriotes gratuitement : esclavage ou bénévolat ?


Par Hélène Dubarry, La Dépêche du Midi, 11/8/2009

Le chef d'équipe marocain qui recrutait des compatriotes pour travailler dans les vignobles du Madiran a profité de « leurs coups de main » pour construire sa maison. Esclavage ou bénévolat ? La justice doit trancher.

Dans la salle, une douzaine de couples de Marocains est présente et écoute sagement. Sans rien comprendre puisque ne parlant pas le français. À la barre, un de leurs compatriotes, Hassan : il est chef d'équipe et chargé du recrutement, au Maroc, d'ouvriers agricoles pour un vignoble du Madiran. Tous les six mois, l'équipe de 18 ouvriers est renouvelée. Mais en octobre, un des Marocains porte plainte à la gendarmerie. Et ce qu'il raconte va stupéfier les enquêteurs.

Au Maroc, Hassan recrute : chaque ouvrier doit payer les frais administratifs, et doit en outre, pour « service rendu », c'est-à-dire avoir eu la chance d'être recruté, payer 3.000 € à Hassan. Avec 144 contrats, l'administration a calculé que ça faisait la bagatelle de 432. 000 € pour Hassan. Une fois en France, l'ouvrier doit s'acquitter du versement en liquide de 50 € par semaine. Et surtout, il y a la maison qu'Hassan se fait construire sur un terrain qu'il a acheté. Cette maison, dont il ne manque que le crépi, n'a pas vu un seul professionnel du bâtiment : tous les travaux ont été effectués par les ouvriers marocains, sur leurs congés ou leurs temps de repos. Le tout, « bénévolement ». Les gendarmes, au cours de leur enquête, ne trouveront aucune facture de travaux et les matériaux sont payés en liquide. Et si on ne marche pas dans le plan d'Hassan, c'est la menace du contrat non renouvelé.
Les 3.000 € de « passage » ? Hassan semble tomber des nues et ouvre des yeux comme des billes. Les 50 € par semaine ? Là, il y a une réponse : « C'est une collecte pour aider quelqu'un s'il se blesse, ou pour payer les poussettes des enfants, aider les familles, les accompagner partout, ils ne savent pas le Français… ». Sauf que personne n'a jamais vu la couleur de cet argent. Et les travaux non payés de la maison ? : « Mais c'est juste des coups de main. Ils viennent quand ils veulent, je ne les force pas ; ils prennent le café à la maison. Comme ça, on reste entre compatriotes. Ils sont venus m'aider à titre d'amitié. » Pourtant, il n'y a aucun lien entre Hassan et ses ouvriers. Ni familial, ni d'amitié. La procureure Marie-Gabrielle Viché va lâcher le mot que tout le monde a en tête dans le prétoire : esclavage. « C'est l'illustration de l'exploitation incroyable de la misère humaine dans ce qu'elle a de plus pervers et de plus ignoble. »
Le jugement sera rendu le 18 août.


L'accusation : « C'est de l'exploitation, de l'esclavage. »
« Je suis sidérée devant ses explications et l'indécence de ses positions, déplore la procureure. Il est en position de force pour embaucher et il l'utilise à des fins de pur enrichissement. C'est absolument incroyable : il fait travailler et se fait rémunérer pour avoir embauché. Quant à la construction de la maison pour laquelle il n'a engagé aucun frais, il n'y a aucun bénévolat là-dedans : il n'a aucun lien familial ou amical avec ses ouvriers. Ils viennent travailler sur leurs repos ou leurs congés : c'est une fraude destinée à l'enrichir. C'est véritablement de l'exploitation, de l'esclavage. C'est intolérable. C'est l'illustration de l'exploitation incroyable de la misère humaine dans ce qu'elle a de plus pervers et de plus ignoble. Je réclame deux ans de prison. »

La défense : « Le bénévolat n'est pas interdit. La relaxe s'impose. »
Pour Me Fillastre, le défenseur d'Hassan, les propos de la procureure ne tiennent pas la route.
« C'est à l'accusation de prouver ce qu'elle avance. Or, elle ne démontre rien. Et parce qu'un ouvrier évincé du groupe porte plainte pour baver sur mon client, on déclenche tout ça ? Ces Marocains se retrouvent perdus au fin fond du Vic-Bilh, sans parler un mot de français, sans moyen de locomotion, sans connaître personne. Alors, ils se serrent les coudes, restent entre eux et s'entraident. Il ne leur demande rien. Il n'impose rien, ni horaires ni travail précis. Le bénévolat n'est pas interdit, que je sache. Mon client n'a commis aucune faute. La relaxe s'impose d'elle-même. Au lieu de venir pousser des cris d'orfraie maintenant, on aurait mieux fait d'établir de vrais faits avant.





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