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mardi 11 août 2009

Casablanca, le règne du faste et de la misère

Par Chafâa Bouaiche,La Tribune, Alger, 8/9/2008

Dessin de Waga, Le gri-gri international



Derrière le luxe affiché de ses beaux quartiers, la capitale économique du Maroc cache une terrible précarité. La ville de Casablanca est déchirée par ses contradictions. D'un côté, des
quartiers populaires où se côtoient débauche, vols, crimes et autres fléaux, de l'autre, des quartiers riches qui poussent comme des champignons, à l'ombre d'une monarchie autoritaire.

Dans cette ville, les autorités ont confié presque tous les services à des entreprises étrangères. "On fait appel à des étrangers pour gérer les affaires de la collectivité, comme si nous étions incapables de le faire nous-mêmes", regrette un cadre marocain. Le service de propreté de la ville est dirigé depuis 2004 par trois entreprises espagnoles. Si les Espagnols occupent des postes clés dans ces entreprises, les Marocains assurent, quant à eux, la tâche d'éboueurs. Par ailleurs, tout comme à Alger, c'est une société française – la Lyonnaise des eaux – qui gère l'eau et l'électricité de la ville de Casablanca. "C'est vraiment malheureux de voir notre pays confier la gestion de son eau, donc de sa vie, à un pays qui nous a colonisés !" nous confie un journaliste marocain. "A Casablanca, même les autobus sont gérés par une société française", poursuit-il.
Casablanca n'arrive pas à cacher la misère de sa population. La pauvreté atteint des proportions alarmantes. A chaque coin de rue, nous rencontrons des enfants, des jeunes filles, des femmes âgées, des pères de famille qui tendent la main pour demander quelques pièces. A la tombée de la nuit, la ville se métamorphose. En dehors de quelques bars ouverts jusqu'à une heure tardive, on ne rencontre dans les rues que des SDF et autres marginaux. Les artères sont envahies par des prostitués, hommes et femmes. Une simple virée à la Corniche, une zone connue pour son animation et ses restaurants prisés, vous renseigne sur l'ampleur de la prostitution.
Autre visage de la ville : Anfa. C'est aujourd'hui le quartier le plus cher de Casablanca. Y louer un appartement coûte pas moins de 15 000 DH par mois [1 330 euros]. C'est d'ailleurs ce boulevard qu'a choisi Saadi Kadhafi, l'un des fils du dirigeant libyen, pour y construire deux immeubles : un hôtel et un centre commercial.
Le lieu le plus fréquenté par la jeunesse de Casa est Maarif. Ce quartier commerçant est apprécié pour ses tours jumelles baptisées Twin Center et ses grands magasins européens. Il est essentiellement peuplé de classes moyennes. Ici, pas d'école publique. "Les gens envoient leurs enfants dans des écoles privées. Elles sont de plus en plus nombreuses et les autorités ont finalement détruit les établissements publics puisque plus personne ne s'y inscrivait", nous explique Mohamed, un architecte de Maarif. Pour acquérir un bien immobilier ici, il faut un budget exorbitant. "Pour permettre l'achat des terrains, l'Etat a décidé d'accorder des crédits sans intérêt, remboursables sur vingt-cinq ans", souligne notre interlocuteur.
Les grosses légumes, les riches, les hommes d'affaires résident quant à eux sur le boulevard Panoramique. "Alors que des Marocains crèvent de faim, les gens du régime ont amassé des sommes colossales et érigé de luxueuses villas. Ce quartier est habité par des notables qui font la pluie et le beau temps. Ce sont eux qui détiennent le monopole des affaires et du business aujourd'hui chez nous", déclare un journaliste.
Nous avons quitté ces quartiers huppés pour nous rendre à Derb Sultan, où habitent des milliers de familles pauvres et marginalisées. En dépit des promesses faites par les autorités d'améliorer les conditions de vie des habitants, la situation n'a pas évolué. Elles ne semblent pas retenir les leçons de l'Histoire. En effet, c'est dans cette zone que se sont déroulées les émeutes urbaines de 1981. Les habitants s'étaient alors révoltés suite à l'appel du parti d'opposition, l'USFP [Union socialiste des forces populaires]. Les autorités avaient réprimé la manifestation dans le sang. Aujourd'hui, l'USFP participe à la gestion des affaires publiques, mais rien n'a changé à Derb Sultan.
Repères
- Casablanca englobe environ 70 % de l'activité économique du Maroc, réalisant 50 % du PIB. Avec ses 3 millions d'habitants, elle est aujourd'hui, après Alger, la ville la plus peuplée du Maghreb.

- La région du Grand Casablanca compte près de 480 bidonvilles, soit un tiers des abris de fortune du pays. En 2004, le roi Mohamed VI a annoncé un programme "villes sans bidonville", financé à hauteur de 700 millions d'euros, destiné à améliorer la situation d'ici à 2012.- Les avantages de la fiscalité marocaine poussent de nombreuses entreprises européennes à s'implanter dans le royaume. A titre d‘exemple, le quartier de Sidi Maarouf, à Casablanca, s'est transformé au cours des dernières années en un important centre d'affaires. Plusieurs entreprises étrangères y ont installé leur siège (Nokia, DHL, Meditel…). La société Dell y a créé plus de 4 000 emplois.

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