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Le 29 juillet 2009
Sa Majesté le Roi Mohamed VI du Maroc
C/o Son Excellence M. Aziz Mekouar, ambassadeur du Royaume du Maroc aux États-Unis d'Amérique
1601 21st Street NW
Washington, D.C. 20009
Fax: 202-265-0161
Votre Majesté,
À la veille du 10e anniversaire de votre ascension au trône, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) vous écrit pour exprimer notre déception face à l'utilisation continue du pouvoir judicaire pour réprimer la liberté d'expression au Maroc. Des organisations internationales des droits de l'homme avaient félicité le Maroc avant votre ascension pour avoir fait d'importants progrès allant dans le sens du respect de l'État de droit. Malheureusement, quelques années plus tard, votre royaume s'est retrouvé parmi les 10 nations du monde entier où la liberté de la presse s'est dégradée le plus.
Le gouvernement du Maroc utilise systématiquement le pouvoir judiciaire pour régler des comptes avec les journalistes contestataires et n'a pas mis en œuvre une loi sur la presse qui mettrait fin à la pénalisation de la liberté d'expression.
Les attaques croissantes contre les journalistes contestataires, notamment les peines de prison et les décisions des tribunaux qui imposent des amendes écrasantes et privent les journalistes de leur droit d'exercer leur profession, avait amené le CPJ à envoyer une mission d'enquête au Maroc en 2007. De hauts responsables marocains, notamment l'ancien Premier ministre Driss Jettou, avaient ainsi déclaré à la délégation du CPJ que les autorités marocaines feraient de leur mieux pour promouvoir et protéger la liberté de la presse et qu'une loi moins restrictive sur la presse serait bientôt adoptée par le Parlement, à la suite de « larges consultations » avec les professionnels des médias.
Cependant, à ce jour, le nombre de peines de prison et d'amendes excessives prononcées contre des journalistes contestataires dans des affaires de diffamation reste croissant et les journalistes ainsi que les avocats des droits humains continuent de déplorer l'absence d'un pouvoir judiciaire indépendant au Maroc, ce que même l'actuel Premier ministre marocain Abbas Al-Fassi, alors ministre, avait reconnu dans une interview en 2007 avec Al-Massae, le principal quotidien du pays.
Par exemple, plus de 20 quotidiens et hebdomadaires ont été publiés le 10 juillet courant sans éditoriaux pour protester contre les récentes décisions des tribunaux d'imposer de lourdes amendes à trois quotidiens et un mensuel financier pour diffamation. Le plus scandaleux de ces verdicts a été prononcé le 29 juin dernier lorsqu'un tribunal de Casablanca a ordonné à Al-Massae, Al-Jarida Al-Oula et Al-Ahdath Al-Maghrebia de payer chacun une amende de 100.000 dirhams (soit 12.484 dollars américains) et des dommages-intérêts d'1 million de dirhams (soit 125.213 dollars américains) au dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi
Beaucoup de journalistes et de défenseurs des droits humains ont déclaré au CPJ que la principale menace planant sur le journalisme indépendant au Maroc est le manque d'indépendance de la justice. « Le vrai problème ne vient pas de la loi restrictive sur la presse, mais plutôt du pouvoir judiciaire lui-même, surtout lorsque le pouvoir exécutif est à l'origine d'une affaire portée en justice contre un journaliste », a déclaré au CPJ un éminent avocat des droits de l'homme.
La distribution du quotidien français Le Monde, daté le 15 juillet courant, a été retardée et l'hebdomadaire français Le Courrier International a été interdit pour la semaine du 9 au 15 juillet courant, ont rapporté des journaux français et marocains. Le Monde a publié un point de vue critique du journaliste lauréat Aboubakr Jamaï, ancien directeur de publication de l'hebdomadaire marocain Le Journal Hebdomadaire, dans lequel il a décrit votre règne comme étant caractérisé par une « guerre contre le journalisme indépendant alimenté par les interdictions, la répression judiciaire et les boycotts des annonceurs ». Jamaï, a été contraint à l'exil à la suite d'un verdict politique sans précédent pour diffamation en 2006. Le numéro interdit du Courrier International avait repris un article précédemment publié par Le Journal Hebdomadaire et intitulé « le Roi Mohamed VI, toujours aussi riche », en marge d'une nouvelle caricature jugée diffamatoire par les autorités marocaines.
En 2007, nous vous avons demandé d'instituer sept mesures spécifiques pour réformer les rapports entre les médias et le gouvernement dans votre pays. Malheureusement, aucune de ces mesures, notamment la dépénalisation de la diffamation, n'a été mise en œuvre à ce jour. Nous vous exhortons à nouveau d'ordonner aux autorités de votre royaume de mettre en œuvre une nouvelle législation qui respecte les normes internationales en matière de la liberté d'expression et mette un terme à l'emprisonnement de nos collègues ou à leur musèlement par des amendes écrasantes. La liberté d'expression, pierre angulaire de la démocratie, ne peut être protégée sur la base d'une loi restrictive sur la presse ou lorsque l'indépendance du pouvoir judiciaire n'est pas pleinement garantie.
Merci de l'attention que vous prêtez à ces questions importantes. Nous sommes impatients de recevoir votre réponse.
Veuillez agréer, Votre Majesté, l'expression de nos sentiments distingués.
Joël Simon
Directeur exécutif
Source : http://cpj.org/fr/2009/07/post-1.php
Sa Majesté le Roi Mohamed VI du Maroc
C/o Son Excellence M. Aziz Mekouar, ambassadeur du Royaume du Maroc aux États-Unis d'Amérique
1601 21st Street NW
Washington, D.C. 20009
Fax: 202-265-0161
Votre Majesté,
À la veille du 10e anniversaire de votre ascension au trône, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) vous écrit pour exprimer notre déception face à l'utilisation continue du pouvoir judicaire pour réprimer la liberté d'expression au Maroc. Des organisations internationales des droits de l'homme avaient félicité le Maroc avant votre ascension pour avoir fait d'importants progrès allant dans le sens du respect de l'État de droit. Malheureusement, quelques années plus tard, votre royaume s'est retrouvé parmi les 10 nations du monde entier où la liberté de la presse s'est dégradée le plus.
Le gouvernement du Maroc utilise systématiquement le pouvoir judiciaire pour régler des comptes avec les journalistes contestataires et n'a pas mis en œuvre une loi sur la presse qui mettrait fin à la pénalisation de la liberté d'expression.
Les attaques croissantes contre les journalistes contestataires, notamment les peines de prison et les décisions des tribunaux qui imposent des amendes écrasantes et privent les journalistes de leur droit d'exercer leur profession, avait amené le CPJ à envoyer une mission d'enquête au Maroc en 2007. De hauts responsables marocains, notamment l'ancien Premier ministre Driss Jettou, avaient ainsi déclaré à la délégation du CPJ que les autorités marocaines feraient de leur mieux pour promouvoir et protéger la liberté de la presse et qu'une loi moins restrictive sur la presse serait bientôt adoptée par le Parlement, à la suite de « larges consultations » avec les professionnels des médias.
Cependant, à ce jour, le nombre de peines de prison et d'amendes excessives prononcées contre des journalistes contestataires dans des affaires de diffamation reste croissant et les journalistes ainsi que les avocats des droits humains continuent de déplorer l'absence d'un pouvoir judiciaire indépendant au Maroc, ce que même l'actuel Premier ministre marocain Abbas Al-Fassi, alors ministre, avait reconnu dans une interview en 2007 avec Al-Massae, le principal quotidien du pays.
Par exemple, plus de 20 quotidiens et hebdomadaires ont été publiés le 10 juillet courant sans éditoriaux pour protester contre les récentes décisions des tribunaux d'imposer de lourdes amendes à trois quotidiens et un mensuel financier pour diffamation. Le plus scandaleux de ces verdicts a été prononcé le 29 juin dernier lorsqu'un tribunal de Casablanca a ordonné à Al-Massae, Al-Jarida Al-Oula et Al-Ahdath Al-Maghrebia de payer chacun une amende de 100.000 dirhams (soit 12.484 dollars américains) et des dommages-intérêts d'1 million de dirhams (soit 125.213 dollars américains) au dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi
Beaucoup de journalistes et de défenseurs des droits humains ont déclaré au CPJ que la principale menace planant sur le journalisme indépendant au Maroc est le manque d'indépendance de la justice. « Le vrai problème ne vient pas de la loi restrictive sur la presse, mais plutôt du pouvoir judiciaire lui-même, surtout lorsque le pouvoir exécutif est à l'origine d'une affaire portée en justice contre un journaliste », a déclaré au CPJ un éminent avocat des droits de l'homme.
La distribution du quotidien français Le Monde, daté le 15 juillet courant, a été retardée et l'hebdomadaire français Le Courrier International a été interdit pour la semaine du 9 au 15 juillet courant, ont rapporté des journaux français et marocains. Le Monde a publié un point de vue critique du journaliste lauréat Aboubakr Jamaï, ancien directeur de publication de l'hebdomadaire marocain Le Journal Hebdomadaire, dans lequel il a décrit votre règne comme étant caractérisé par une « guerre contre le journalisme indépendant alimenté par les interdictions, la répression judiciaire et les boycotts des annonceurs ». Jamaï, a été contraint à l'exil à la suite d'un verdict politique sans précédent pour diffamation en 2006. Le numéro interdit du Courrier International avait repris un article précédemment publié par Le Journal Hebdomadaire et intitulé « le Roi Mohamed VI, toujours aussi riche », en marge d'une nouvelle caricature jugée diffamatoire par les autorités marocaines.
En 2007, nous vous avons demandé d'instituer sept mesures spécifiques pour réformer les rapports entre les médias et le gouvernement dans votre pays. Malheureusement, aucune de ces mesures, notamment la dépénalisation de la diffamation, n'a été mise en œuvre à ce jour. Nous vous exhortons à nouveau d'ordonner aux autorités de votre royaume de mettre en œuvre une nouvelle législation qui respecte les normes internationales en matière de la liberté d'expression et mette un terme à l'emprisonnement de nos collègues ou à leur musèlement par des amendes écrasantes. La liberté d'expression, pierre angulaire de la démocratie, ne peut être protégée sur la base d'une loi restrictive sur la presse ou lorsque l'indépendance du pouvoir judiciaire n'est pas pleinement garantie.
Merci de l'attention que vous prêtez à ces questions importantes. Nous sommes impatients de recevoir votre réponse.
Veuillez agréer, Votre Majesté, l'expression de nos sentiments distingués.
Joël Simon
Directeur exécutif
Source : http://cpj.org/fr/2009/07/post-1.php
His Majesty King Mohamed VI of Morocco
C/o His Excellency Aziz Mekouar, Ambassador of the Kingdom of Morocco to the United States
1601 21st Street NW
Washington, D.C. 20009
Via facsimile: 202-265-0161
Your Majesty,
On the eve of the 10th anniversary of your ascent to the throne, the Committee to Protect Journalists is writing to express our disappointment with the continued use of the courts to suppress freedom of expression. International human rights groups praised Morocco before your ascension to the throne for having made significant steps toward the rule of law. Unfortunately, just a few years later it was among the 10 nations worldwide where press freedom had deteriorated the most.
The government has consistently used the judiciary to settle scores with critical journalists and failed to initiate a press law that would end the criminalization of freedom of expression.
Rising attacks on critical journalists--including jail sentences and court rulings that impose crippling fines and strip journalists of the right to practice their profession--led CPJ to send a fact-finding mission to Morocco in 2007. High-ranking officials, including former Prime Minister Driss Jettou, told the CPJ delegation that Moroccan authorities would do their best to promote and protect press freedom and that a less restrictive press law would soon be passed by parliament, following "broad consultations" with media professionals.
Yet, to date, the number of jail sentences and excessive fines handed down to critical journalists in defamation cases is still on the rise, and journalists and human rights lawyers continue to deplore the absence of an independent judiciary, which even former minister and current Prime Minister Abbas Al-Fassi acknowledged to be the case in a 2007 interview with Al-Massae, the country's leading daily.
For example, on July 10, more than 20 dailies and weeklies were published without editorials to protest recent court decisions imposing heavy fines on three dailies and a financial monthly for defamation. The most outrageous of these verdicts was issued on June 29 when a Casablanca court ordered Al-Massae, Al-Jarida Al-Oula and Al-Ahdath Al-Maghrebia to each pay a fine of 100,000 dirhams (US$12,484) and damages of 1 million dirhams (US$125,213) to Libyan leader Muammar Qaddafi.
Many journalists and human rights lawyers told CPJ that the main threat hovering over independent journalism in Morocco is a lack of judicial independence. "The real problem does not stem from the restrictive press law, but mainly from the judiciary itself, particularly when the Executive Branch is behind a court case filed against a journalist," a prominent human rights lawyer told CPJ.
The distribution of the July 15 issue of the French daily Le Monde was delayed and the French weekly Le Courrier International for the week of July 9-15 was banned, reported French and Moroccan papers. Le Monde carried a critical opinion piece by award-winning journalist Aboubakr Jamai, former editor of the Moroccan weekly Le Journal Hebdomadaire, in which he described your reign as characterized by a "war against independent journalism fuelled by bans, judicial repression and advertisers' boycotts." Jamai was forced into exile following a politically motivated and record-breaking defamation ruling in 2006. The banned issue of Le Courrier International had republished an article previously run by Le Journal Hebdomadaire titled, "King Mohamed VI, as rich as ever," alongside a new cartoon deemed defamatory by Moroccan authorities.
In 2007, we asked you to institute seven specific measures to reform the way the media and the government interact. Unfortunately, to date all of those measures remain unfulfilled, including the decriminalization of defamation. We urge you again to instruct authorities to initiate new legislation that would abide by international standards for freedom of expression and turn the page on jailing our colleagues or silencing them through crippling fines. Freedom of expression, a cornerstone of democracy, cannot be protected under a restrictive press law or when the independence of the judiciary is not fully guaranteed.
Thank you for your attention to these matters. We look forward to your reply.
Sincerely,
Joel Simon
Executive Director
C/o His Excellency Aziz Mekouar, Ambassador of the Kingdom of Morocco to the United States
1601 21st Street NW
Washington, D.C. 20009
Via facsimile: 202-265-0161
Your Majesty,
On the eve of the 10th anniversary of your ascent to the throne, the Committee to Protect Journalists is writing to express our disappointment with the continued use of the courts to suppress freedom of expression. International human rights groups praised Morocco before your ascension to the throne for having made significant steps toward the rule of law. Unfortunately, just a few years later it was among the 10 nations worldwide where press freedom had deteriorated the most.
The government has consistently used the judiciary to settle scores with critical journalists and failed to initiate a press law that would end the criminalization of freedom of expression.
Rising attacks on critical journalists--including jail sentences and court rulings that impose crippling fines and strip journalists of the right to practice their profession--led CPJ to send a fact-finding mission to Morocco in 2007. High-ranking officials, including former Prime Minister Driss Jettou, told the CPJ delegation that Moroccan authorities would do their best to promote and protect press freedom and that a less restrictive press law would soon be passed by parliament, following "broad consultations" with media professionals.
Yet, to date, the number of jail sentences and excessive fines handed down to critical journalists in defamation cases is still on the rise, and journalists and human rights lawyers continue to deplore the absence of an independent judiciary, which even former minister and current Prime Minister Abbas Al-Fassi acknowledged to be the case in a 2007 interview with Al-Massae, the country's leading daily.
For example, on July 10, more than 20 dailies and weeklies were published without editorials to protest recent court decisions imposing heavy fines on three dailies and a financial monthly for defamation. The most outrageous of these verdicts was issued on June 29 when a Casablanca court ordered Al-Massae, Al-Jarida Al-Oula and Al-Ahdath Al-Maghrebia to each pay a fine of 100,000 dirhams (US$12,484) and damages of 1 million dirhams (US$125,213) to Libyan leader Muammar Qaddafi.
Many journalists and human rights lawyers told CPJ that the main threat hovering over independent journalism in Morocco is a lack of judicial independence. "The real problem does not stem from the restrictive press law, but mainly from the judiciary itself, particularly when the Executive Branch is behind a court case filed against a journalist," a prominent human rights lawyer told CPJ.
The distribution of the July 15 issue of the French daily Le Monde was delayed and the French weekly Le Courrier International for the week of July 9-15 was banned, reported French and Moroccan papers. Le Monde carried a critical opinion piece by award-winning journalist Aboubakr Jamai, former editor of the Moroccan weekly Le Journal Hebdomadaire, in which he described your reign as characterized by a "war against independent journalism fuelled by bans, judicial repression and advertisers' boycotts." Jamai was forced into exile following a politically motivated and record-breaking defamation ruling in 2006. The banned issue of Le Courrier International had republished an article previously run by Le Journal Hebdomadaire titled, "King Mohamed VI, as rich as ever," alongside a new cartoon deemed defamatory by Moroccan authorities.
In 2007, we asked you to institute seven specific measures to reform the way the media and the government interact. Unfortunately, to date all of those measures remain unfulfilled, including the decriminalization of defamation. We urge you again to instruct authorities to initiate new legislation that would abide by international standards for freedom of expression and turn the page on jailing our colleagues or silencing them through crippling fines. Freedom of expression, a cornerstone of democracy, cannot be protected under a restrictive press law or when the independence of the judiciary is not fully guaranteed.
Thank you for your attention to these matters. We look forward to your reply.
Sincerely,
Joel Simon
Executive Director
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