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vendredi 17 juillet 2009

Natacha Estemirova, martyre des droits humains

Natacha Estemirova a été enlevée à la sortie de son domicile, à Grozny, en Tchétchénie, mercredi matin 15 juillet à 8h 30. Son corps sans vie, criblé de balles, a été retrouvé à 16h 30, dans une forêt près de Nazran, dans l'Ingouchie voisine.
Natacha avait été l'une des principales informatrices d'Anna Politkovskaïa. Après l'assassinat de la journaliste de Novaïa Gazeta, en octobre 2006, elle était devenue la première récipiendaire du prix Anna-Politkovskaïa, en 2007. Elle avait également reçu un prix du Parlement européen et avait été proposée pour le prix Sakharov. Elle avait été désignée pour participer à un conseil des droits de l’homme en Tchétchénie, mais elle avait été écartée par Kadyrov, parce qu’elle refusait de porter le voile conformément à la charia instaurée en Tchétchénie. Elle enquêtait sur plusieurs affaires louches, dont le meurtre d’une dizaine de jeunes filles, victimes de crimes dits d’honneur, la disparition d’un étudiant expulsé d’Egypte, le meurtre la semaine dernière d’un présumé indépendantiste ainsi que les incendies de maisons de parents de rebelles.

Le Centre russe pour défense des droits humains “Mémorial” a publié dans la soirée du 15 juillet une déclaration urgente sur l'assassinat de Natalya Estemirova :

“Aujourd'hui ils ont tué notre amie et collègue, une personne qui nous était proche. Pendant presque dix ans Natacha a été une militante importante de "Mémorial" dans le Nord-Caucase, surtout en Tchétchénie. Non seulement elle recueillait des informations sur les violations des droits humains, mais elle était une défenseure des droits humains avec une majuscule, un paladin du peuple.

Les habitants de la Tchétchénie ont été victimes de bombardements, d'"épurations", d'enlèvements, de violences: Natacha cherchait à les aider tous. Elle demandait l'impossible aux autorités : qu'elles mettent fin à l'illégalité et à l'injustice. Parfois elle avait des succès : la conviction d'être sur la voie juste et la foi dans le droit lui donnaient de la force. Ce travail a rendu Natacha célèbre dans toute la Tchétchénie, les gens s'adressaient à elle dans l'espoir d'être défendus, même si les injustices n'étaient pas un mystère.

Natacha a été menacée plus d'une fois par des fonctionnaires de tout rang, mais il lui était impossible d'imaginer pouvoir travailler loin de sa patrie, la Tchétchénie.

En particulier, d'après une déclaration du président du Conseil du Centre "Mémorial", Oleg Orlov : [...] Ramzan Kadyrov avait déjà menacé Natacha, il l'avait insultée, il la considérait comme une ennemie personnelle. Nous ne savons pas si c'est lui-même qui a donné l'ordre de l'assassiner ou si ce sont ses plus proches collaborateurs qui l'ont fait, pour plaire à leurs supérieurs[...]”.

“Nous savons que les derniers rapports de Natacha sur de nouveaux enlèvements, des exécutions extrajudiciares, d'exécutions publiques près d'un village tchétchène avaient suscité l'indignation dans le cercle dirigeant tchétchène. Le soi-disant commissaire aux droits humains en Tchétchénie Nurdi Nouchajiev en avait parlé avec la direction de notre antenne de Grozny. Il avait dit qu'il ne voulait pas qu'il arrive quelque chose car il en aurait rejeté la faute sur les défenseurs des droits humains.

Nous avons couru le risque, qui s'est avéré inutile. Nous sommes profondément coupables.

Nous les désignerons tous par leurs noms. En Russie la terreur d'État continue. Nous avons connaissance d'assassinats en Tchétchénie et hors de Tchétchénie. On tue ceux qui tentent de dire la vérité, de critiquer le gouvernement. Ramzan Kadyrov a rendu impossible le travail des militants des droits humains dans la république. Ceux qui ont tué Natacha Estemirova voulaient interrompre le flux d'informations précises provenant de Tchétchénie. Peut-être y ont-ils réussi.”



Source : Правозащитный Центр "Мемориал" об убийстве Натальи Эстемировой

Article original publié le 15/7/2009

Traduit par Fausto Giudice,Tlaxcala


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