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samedi 18 juillet 2009

Au Maroc, Mohamed VI règne, gouverne, juge, légifère, … sans opposition!

Par Mounir Bensalah,Des maux à dire, 22/07/2009
J’avais commencé depuis un certain temps à écrire mes impressions à l’occasion du 10 anniversaire de l’intronisation de Mohamed VI, puis j’ai arrêté en me disant que plusieurs analystes auraient fait pareil, et par paresse, je les laisse faire. Entre “nouveaux orientalistes” et réfuzniks, peu d”analyses objectives sur les 10 ans de règne. C’est ainsi quand Larbi a lancé son appel, il m’a implicitement encouragé à participer au “jeu”. Je le remercie de m’avoir poussé à transcrire ce que je pense être un regard, parmi tant d’autres. J’espère être aussi positif, citoyen et responsable J’aurais certainement oublié beaucoup de détails, mais 10 ans, en 10 paragraphes, c’est assez réducteur. J’espère avoir contribué à une lecture objective et constructive. Alors que Malika Ahfiri pense que “ce que l’on constate très nettement est que les dix années de règne du Roi Mohammed VI sont appréciés. Applaudis. Le Roi est aimé au Maroc. Il n’est pas craint. N’est ce pas là l’une des plus rassurantes et belle transition démocratique du Royaume?”, Politis se demande : “Doit-on pour autant prétendre que les dix dernières années sont à passer par pertes et profits pour le Maroc ?”, tandis qu’un fan et “…” d’internet, Baskaoui estime “devant de tel gouvernement les marocains n’ont confiance que dans les décisions sage de SM Mohamed 6 ,car les marocains sont maintenant sûr que ni le gouvernement ni les parties politique ne sont pas encors apte a prendre la responsabilité et que seule les directives royales était là pour corriger les erreurs incessantes du gouvernement et le pousse à penser aux intérêts des marocains non à ses intérêts personnelles.” Laurent, blog casawaves, estime quant à lui qu’ “En conclusion, beaucoup de choses sont à construire, mais l’avenir est ouvert”. Vous aussi, vous pouvez en parler. Essayez.
Beaucoup d’observateurs ont porté un grand espoir sur le règne du Roi Mohamed VI. L’image du Roi jeune, moderne et proche de son peuple a ravivé toutes les espérances. Bien des réalisations notoires ont pu voir le jour, mais ces mêmes observateurs ont omis, ou alors oublié sous l’effet de l’espoir, que le régime est marqué de continuité, la monarchie ne peut être que conservatrice, cherchant la stabilité du pays et la pérennité du règne.

Objectivement, le règne du Roi Mohamed VI a pu faire entrer le Maroc dans une spirale vertueuse de croissance économique, mal répartie par ailleurs, et de réformes. Tout honnête observateur remarquera le changement, en terme d’infrastructures, de comportements, d’attitude de l’administration, de « marges » de liberté, … certes, mais la rupture avec les pratiques du passé n’a pas été consommée. Il est aussi important de signaler les grands défis hérités par le Roi : Dossier du Sahara, islamisme, révolutionnaires reconvertis au makhzen, lobbies économiques et militaires, atmosphère internationale tendue… Plusieurs avancées notoires sont à mettre au compte du nouveau règne : Moudawana, grands chantiers structurant, IER, … mais cela ne s’élève pas à une rupture marquée qui saura porter le Maroc vers une vraie modernité et démocratie.

Sur le registre économique, plusieurs grands chantiers ont vu le jour. Le PIB par habitant a presque doublé depuis 1998, la croissance économique moyenne a dépassé les 4% par an. Certes la croissance est visible, mais la répartition est inéquitable. En bon élève des institutions internationales ( BM, FMI, … ), le Maroc a respecté une orthodoxie exemplaire sur le plan macro-économique, mais n’a pas pu dépasser « l’énigme » de sa croissance ( dixit la banque Mondiale ). De « nouveaux riches » et des « champions nationaux » de l’économie ont vu le jour et ont été les principaux bénéficiaires de la croissance. Malgré les efforts de l’INDH, initiative du souverain censée réduire les inégalités, le pays peine à surpasser le scénario le moins optimiste du « rapport du cinquantenaire » de l’indépendance. Entre « cadeaux » fiscaux, « cadeaux » terriens, protectionnisme tacite et de fait, bulle boursière, les champions nationaux font la pluie et le beau temps de l’économie, et sont souvent alliés à l’entourage du sérail ou de l’empire économique du monarque ONA/SNI/SIGER.

Le secteur social présente le plus grand défi du Maroc. L’analphabétisme bat un taux incomparable dans la région. A ceux qui ont trouvé la fatwa de « Taza est plus proche que Gaza », la banque mondiale a répliqué que l’éducation à Gaza est meilleure, martelant avec un ton humiliant qualifiant le pays de « cancre » de la région arabe ! La situation de la femme a été nettement améliorée grâce à la Moudawana que le souverain a imposé, à raison, à toute la classe politique, après que les progressistes du « plan d’intégration de la femme » ont abdiqué à leur projet devant une démonstration de force des islamistes. Ces derniers profitent de la conjoncture internationale, de l’analphabétisme et de l’enracinement de la religion au sein de la population pour imposer chaque jour des retours en arrière au sein de la société. Les femmes qui ont jadis enlevé le voile « marocain » à l’aube de l’indépendance, signe de modernité, ont importé 40 ans après, des voiles saoudien, égyptien, … voire afghan. Une jeunesse « nayda » ( traduction littérale : debout, en mouvement ) n’a pas pu s’imposer en tant qu’alternative « populaire ». Avec une musique au ton critique, un code vestimentaire libéré, la « nayda » n’a pas fédéré le monde culturel marocain. L’élite d’une autre génération voit en cette nayda un « mouvement de jeunes » qui ne s’élève pas à la « bonne culture ». Largement supportées par des fans jeunes à travers tous le Royaume, les festivités de « nayda » ont été bien assistées par le monde économique, avant que ce dernier se tourne vers des festivals « semi-publics » ( mawazine, Tanjazz, Gnawa Essaouira, spirituel de Fès … ) avec des « associations » bien introduites, dirigées le plus souvent par de grands commis du Makhzen. Le Roi, en 2008, soutient plusieurs groupes de cette mouvance à travers un don et des promesses ( tenues ) de tournage de clips par la télévision marocaine, et par le soutien au « L’boulevard » en 2009, association qui a essentiellement contribué à l’émergence de la nayda. Quant à la libéralisation du Paysage Audiovisuel Marocain, le PAM, elle n’a aboutit finalement qu’à quelques progrès, en laissant émerger quelques émissions radio de talk show et « libre antenne ». Côté télévision, le verrou makhzénien est toujours de mise.

Plusieurs autres défis sociaux de taille sont en jeu. Le mouvement amazigh pose désormais la barre haute. Après son manifeste, la création de l’Institut Royal de la Culture Amazigh, les promesses de la chaîne télévision … le mouvement n’a jamais oublié sa revendication de constitutionnaliser de la langue amazigh. Certains dans ce mouvement poussent vers le radicalisme, notamment dans certains campus universitaires. Ces derniers connaissent maints bouillonnements, dont le dernier s’est terminé par le procès de Zahra, 22 ans, étudiante à Marrakech, et ses camarades. Sidi Ifni, Sefrou, Tilmi, Boulemane, … des régions pauvres vivant dans la grande précarité se sont soulevées sans aucun encadrement politique des forces traditionnelles ( partis, associations, … ) ce qui commence à agacer les autorités. La liberté de la presse est de plus en plus bafouée, soit par de multiples procès, soit par des amendes faramineuses.

La loi tacite du « consensus » stérile bat son plein sur le champs politique. Aujourd’hui, le Roi règne, gouverne, légifère, … sans opposition. Le premier ministre, juste après sa nomination par le Souverain affirme que son « programme gouvernemental est celui des discours royaux ». Encore, un leader du Parti Authenticité et Modernité, PAM, a-t-il déclaré que les « partis politiques marocains se concurrencent dans les élections pour appliquer le programme du Roi ». Ce PAM, constitué autour d’Elhimma, « ami du Roi », vient couronner un long processus où ce dernier avait agi en chasseur de têtes avec une grande base de données, du ministère de l’intérieur qu’il occupait auparavant. Il a recruté à « gauche » comme à « droite » et une année après la formation de son parti, il est classé au sommet des votes !

Le paysage politique Marocain se dirige vers le projet d’assimilation d’une bipolarité : islamistes ( maîtrisés ) et « progressistes » autour du PAM, ce qui convergerait finalement vers le modèle tunisien ou égyptien. La gauche, en perte d’orientation et de projet, n’a plus aucune alternative et est tombée, sous l’effet de sa faiblesse, sous le charme d’une alliance avec le makhzen ou les islamistes. Les réformes constitutionnelles tant attendues depuis le nouveau règne, semblent aujourd’hui loin d’être un horizon visible, malgré l’appel, ou le rappel, à la « monarchie parlementaire » lancé par le 8ème congrès de l’USFP ( principale formation de gauche ), en mal pour ces médiocres résultats aux élections de 2007 et à l’éviction de Youssoufi, partenaire de Feu Hassan II dans l’expérience de l’alternance.


Aujourd’hui, alors que le règne de Mohamed VI perd sa qualité de « nouveau » après dix ans, les choix du souverain semblent être décidés : Renforcer les infrastructures du pays, renforcer les pôles économiques régionaux, œuvrer dans une politique sociale, renforcer l’image moderne du Maroc à l’étranger, … quant à la démocratie, la séparation des pouvoirs, l’équité sociale, … ils sont en seconde priorité.

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