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lundi 13 juillet 2009

La martyre du foulard: l'assassinat de Marwa El Sherbini dans un tribunal allemand déclenche la fureur en Égypte

par Kate Connolly, à Berlin et Jack Shenker au Caire, The Guardian, 7/7/2009
Traduit par Fausto Giudice,
Tlaxcala
Original : The headscarf martyr: murder in German court sparks Egyptian fury
Deutsch: Die Kopftuch-Märtyrerin: Mord in deutschem Gericht verursacht Empörung in Ägypten

• Une femme a été assassinée de 18 coups de couteau en plein tribunal à Dresde
• L’indignation devant la faible couverture médiatique en Allemagne alimente les protestations


L’Égyptienne Marwa El Sherbini et son mari Ali Elvi Okaz. Photograph: EPA Photo: EPA

C’était alors que Marwa El Sherbini témoignait à la barre, rappelant comment le prévenu l’avait insultée parce qu’elle portait le hijab, après qu'elle lui avait demandé de laisser son fils s’asseoir sur une balançoire, l'été dernier, que l’ homme a traversé la salle du tribunal de Dresde et lui a asséné 18 coups de couteau.

Marwa s’est écroulée à terre sous les yeux terrifiés de son fils de 3 ans Mustafa.

Même son mari, Ali Elvi Okaz n’a rien pu faire lorsque le contrôleur de stocks russe de 28 ans poursuivi pour insultes et abus a pris la vie de sa femme enceinte. Alors qu’Okaz se précipitait pour lui porter secours, il a été abattu par un agent de police qui l’avait pris pour l’agresseur. Il est actuellement en soins intensifs dans un hôpital de Dresde.

Alors que l’horrible incident qui a eu lieu le 1er juillet, a reçu peu de publicité en Europe, et qu’en Allemagne on a mis davantage l'accent sur les questions touchant à la sécurité dans les tribunaux que sur les motivations racistes de l'attaque, à 3200 km de là, dans son pays natal, l'Egypte, la pharmacienne de 32 ans a été nommée la «martyre du foulard".


Elle est devenue un symbole national de la persécution pour un nombre croissant de manifestants, qui sont descendus dans la rue pour protester contre ce qu’ils perçoivent comme une croissance de l'islamophobie en Occident. Les funérailles de Sherbini ont eu lieu dans sa ville natale, Alexandrie, le lundi 6 juillet, en présence de milliers de personnes endeuillées et de personnages du gouvernement. Il est prévu de donner son nom à une rue.


Sherbini, une ancienne championne nationale de handball, et Okaz, un ingénieur en génie génétique sur le point de présenter sa thèse de doctorat, vivaient en Allemagne depuis 2003, et d’après ce que l’on sait, ils prévoyaient de retourner en Égypte à la fin de l'année. Ils attendaient un deuxième enfant pour janvier prochain.

Alex W., un chômeur originaire de Perm en Russie, avait été reconnu en novembre dernier coupable d'outrage et d’abus contre Sherbini, pour lui avoir crié «terroriste» et «pute islamiste ", lors de la rencontre dans un parc de Dresde. Il avait été condamné à une amende de 780 € mais avait fait appel du verdict, raison pour laquelle il s’est de nouveau trouvé face à Sherbini au tribunal.

Alors qu’il avait exprimé clairement ses sentiments anti-musulmans, la sécurité n’a pas été renforcée et des questions demeurent quant aux raisons pour lesquelles il a été autorisé à porter un couteau dans la salle d'audience.



Les personnes en colère qui ont suivi les funérailles de Marwa à Alexandrie ont accusé l’Allemagne de racisme, criant des slogans comme «les Allemands sont les ennemis de Dieu" et le Grand Mufti d’Égypte Mohamed Sayyid Tantaoui a demandé à la justice allemande de punir sévèrement Alex W.


"La colère est forte", a déclaré Joseph Mayton, rédacteur du site web d'informations de langue anglaise Bikya Masr. "Jamais depuis que l'Égypte avait remporté la Coupe d’Afrique [de football], les Égyptiens ne s’étaient retrouvés unis sous une bannière commune".

En Allemagne, le gouvernement d'Angela Merkel a été vivement critiqué pour la mollesse de sa réaction au premier assassinat islamophobe dans l’histoire du pays. Les secrétaires généraux du Conseil central des Juifs d’Allemagne et le Conseil central des musulmans, Stephen Kramer et Aiman Mazyek, qui se sont rendus ensemble lundi au chevet du mari de Sherbini qui a fait lundi une visite conjointe à l'Sherbini chevet de son mari, ont parlé des réactions «inexplicablement rares" de la part des médias et des politiciens .

Ils ont dit que même si le caractère raciste du meurtre est hors de question, le débat en Allemagne s’est concentré davantage sur la question de l'absence de sécurité dans la salle d'audience. "Je pense que les faits parlent d'eux-mêmes», a déclaré Kramer.

Le porte-parole adjoint du gouvernement Thomas Steg rejeté la critique, disant qu’on n’en savait pas encore assez sur les détails de l'incident.

"Dans ce cas concret, nous nous sommes retenus de faire une déclaration parce que les circonstances ne sont pas suffisamment claires pour permettre une réponse politique large ", a-t-il dit, ajoutant: «S’il s‘avérait qu’il s’agissait bien d’un acte xénophobe et raciste, [le gouvernement] le condamnerait dans les termes les plus vigoureux possibles ".

Alors que des centaines d'Arabes et de Musulmans manifestaient en Allemagne, et que des observateurs faisaient des comparaisons avec l’affaire des caricatures danoises, des représentants du gouvernement égyptien à Berlin ont déclaré qu'il était important de garder l'incident en perspective.

«C’était un incident criminel, mais cela ne signifie pas qu’on assiste à une persécution populaire des musulmans est en place», a dit Magdi El Sayed, le porte-parole de l'ambassade d'Égypte à Berlin.

Mais comme il s'est produit quelques jours seulement après que Nicolas Sarkozy avait prononcé un important discours de politique générale dénonçant la burqa, de nombreux Égyptiens pensent que la mort de Sherbini s’inscrit dans une tendance plus générale à l'intolérance envers les musulmans en Europe.

L'ambassade d'Allemagne au Caire a cherché à calmer le jeu, en organisant une visite de condoléances de l'ambassadeur à la famille de la victime en publiant une déclaration insistant sur le fait que l'attentat ne reflète pas le sentiment général des Allemands envers les Égyptiens.

Des protestataires ont lancé des appels répétés à manifester devant l'ambassade d'Allemagne au Caire. Le Syndicat des pharmaciens égyptiens a dit qu'il envisage une semaine de boycott des médicaments allemands.

Le frère de la victime, Tarek El Sherbini, hôte d’un talk show populaire, a qualifié l’Allemagne de pays "froid". Des pontes médiatiques, comme Abdel Azeem Hamad, rédacteur en chef du quotidien AshShorouk, ont attribué le désintérêt des médias occidentaux pour cette affaire au racisme, faisant valoir que si Sherbini avait été juive, elle aurait reçu beaucoup plus d'attention.

Les hommes politiques en Egypte cherchent à chevaucher la vague de fond des sentiments populaires. Mais certains commentateurs ont critiqué la réaction à l'assassinat comme une diversion pour le régime impopulaire du président Hosni Mubarak, qui fait face en ce moment actuellement à une vague de grèves et sit-ins.

"La tragédie de Marwa El Sherbini est réelle, comme l’est le racisme anti-arabe, en Europe et ailleurs, mais ... sa mort a été utilisée pour canaliser le ressentiment contre l’Occident, dans le style des caricatures danoises", écrit le célèbre blogueur The Arabist.




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