Par Oubbi Bouchraya. Représentant du Front Polisario en France
- Quel message avez-vous transmis aux participants à la conférence
internationale sur le conflit du Sahara occidental qui s’est tenue à
Paris le 19 avril à l’initiative du groupe d’amitié France-Algérie et de
l’association des Amis de la RASD ?
Mon message est lié à la
conjoncture actuelle qui est marquée par une crise sans précédent entre
le Maroc et les Nations unies. Non satisfait de priver, durant des
décennies, le peuple sahraoui de son droit légitime et inaliénable à
l’autodétermination, ce pays est maintenant entré en confrontation
directe avec le secrétaire général de l’ONU. Ban Ki-moon a été insulté
et diffamé. C’est un précédent grave. Ce qui s’est produit doit
interpeller tout le monde, car cela dépasse maintenant les contours du
conflit du Sahara occidental.
C’est tout le système des Nations
unies qui est remis en cause. Aussi, je lance un message pressant à la
France.
Nous pensons que le rôle naturel de la France est de veiller à ce que le conflit du Sahara occidental connaisse un règlement pacifique, conforme à la légalité internationale. Il s’agit également pour la France de ne plus prendre parti en faveur du Maroc. Cette position est devenue la source du problème, car elle nourrit de façon démesurée l’intransigeance et l’arrogance du Maroc.
Nous pensons que le rôle naturel de la France est de veiller à ce que le conflit du Sahara occidental connaisse un règlement pacifique, conforme à la légalité internationale. Il s’agit également pour la France de ne plus prendre parti en faveur du Maroc. Cette position est devenue la source du problème, car elle nourrit de façon démesurée l’intransigeance et l’arrogance du Maroc.
- Vous pensez que la France a une responsabilité dans le drame que vivent les Sahraouis ?
Le Maroc est entré en confrontation avec l’ONU, la Suède, l’Union
européenne et l’Union africaine. Bref, il est confrontation avec tout le
monde ou presque. Parallèlement, il ne semble craindre aucune réaction
du Conseil de sécurité. Je crois qu’il est légitime de notre part de
soupçonner que la France, membre permanent du Conseil de sécurité, a une
responsabilité dans ce que nous vivons.
Il est dans l’intérêt de
la France de commencer à prendre sa place dans la dynamique de la
solution et de ne pas se cantonner, comme c’est le cas actuellement,
dans cette position foncièrement pro-marocaine qui fait qu’elle est
devenue une partie du problème. La France est un grand pays qui a une
responsabilité dans la préservation de la paix internationale et donc de
la paix régionale.
- Vous pensez donc que la paix régionale est maintenant menacée ?
Le risque d’une reprise des hostilités était déjà présent avant. A
présent, je crois que cela est devenu imminent. On décide de manière
unilatérale d’expulser la composante civile de la Minurso. Le prochain
acte pourrait consister à déclarer que le cessez-le-feu n’est plus en
vigueur, qui sait ? Je le répète, il n’est pas dans l’intérêt de la
France qu’il y ait une guerre ou une confrontation armée dans une région
aussi sensible que l’Afrique du Nord.
Au lieu d’exposer la
région à tous types de périls, les efforts devraient plutôt se
concentrer dans la recherche d’une solution conforme à la légalité
internationale. Il y a eu un accord entre les deux parties en conflit
sous les auspices de l’Onu et de l’Union africaine. Il s’agit juste de
permettre aux Sahraouis de s’autodéterminer. Continuer à soutenir le
Maroc équivaudrait à nourrir encore son agressivité. Ce pays est devenu
une bombe à retardement qui peut exploser à n’importe quel moment. Si
cela venait à se produire, il y a lieu de s’attendre ce que tout le
monde soit touché, y compris l’Europe.
- Soupçonnez-vous une tentation du Maroc de laisser la situation dégénérer ?
Avant, le Maroc pariait sur le temps pour venir à bout de la patience
du peuple sahraoui, de son représentant légitime, le Front Polisario, et
de la communauté internationale. La stratégie de ce pays a consisté à
fatiguer tout le monde… Le Maroc a maintenant changé d’attitude. Cela a
commencé à partir de 2013 après, notamment, la dynamique générée par la
mobilisation de l’Union africaine en faveur des droits du peuple
sahraoui.
Il y a eu aussi cet important arrêt de la Cour
européenne de justice (CEJ) et l’amorce par les pays scandinaves d’un
processus de reconnaissance de la RASD. Je peux vous citer de nombreuses
autres avancées. Cette dynamique favorable à la cause sahraouie a
provoqué la panique au Maroc. Celui-ci s’emploie donc aujourd’hui à
inverser cette tendance. C’est dans cette logique que s’inscrivent les
confrontations que j’ai évoquées plus haut.
Le Maroc a compris
qu’il n’était pas dans son intérêt de laisser cette dynamique se
poursuivre. Il n’est pas non plus dans son intérêt de laisser les
Sahraouis laisser suivre à l’ONU le même chemin que celui emprunté par
les Palestiniens. Sachant tout cela, il ne faut donc pas tomber dans le
piège du Maroc. La tension actuelle est destinée à faire monter la barre
très haut. Pourquoi ? Pour que le rétablissement de la composante
civile de la Minurso apparaisse, par exemple, comme une grande
concession de faite aux Sahraouis. Ce qui est assurément très loin
d’être le cas.
- Une première réaction concernant le rapport sur
le conflit du Sahara occidental que le secrétaire général de l’ONU vient
de présenter au Conseil de sécurité...
Il est très décevant. Il
ne contient même pas une description des derniers développements. J’y
décèle l’empreinte des grandes puissances et de la machine
bureaucratique de l’ONU. Nous avons l’impression que c’est un rapport
qui a été rédigé dans l’esprit de 2014 ou 2015. C’est frustrant et
dangereux. C’est tout ce que je peux dire pour le moment.
Zine Cherfaoui
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