Depuis
deux semaines, seulement 600 Syriens et Irakiens ont quitté Munich pour
rejoindre l'Hexagone. Les migrants ne voient pas la France comme une
destination idéale.
Voilà deux semaines que les premiers réfugiés
syriens et irakiens ont foulé le sol français dans le cadre de
l'engagement pris par François Hollande d'en accueillir un millier en urgence pour «soulager» l'Allemagne.
Sans attendre, des agents de l'Office français de protection des
réfugiés et apatrides (Ofpra) et de l'Office français de l'immigration
et de l'intégration (Ofii) avaient été envoyés à Munich, avec pour
consigne d'inciter des ressortissants syriens, irakiens ou érythréens à
demander le statut de réfugié* en France.
Deux semaines plus tard, on est bien loin de «l'invasion migratoire»
agitée comme un chiffon rouge par l'extrême droite. Les candidats à
l'asile ne se sont pas précipités pour monter dans des autocars pour la
région parisienne. Quelque «600 personnes» ont été «identifiées à Munich
comme étant des réfugiés relevant du droit d'asile et sont aujourd'hui
dans différents centres d'hébergement» en Ile-de-France, précisait la
semaine dernière le directeur général de l'Ofpra, Pascal Brice. Comment
expliquer ce manque d'attrait pour la France?
Des démarches administratives compliquées.
Si ces réfugiés, dont les arrivées, très médiatisées, à Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne) où à Cergy-Pontoise (Val d'Oise),
devraient obtenir leur titre de réfugié dans quelques jours, les délais
sont généralement beaucoup plus long. Aujourd'hui, il faut en moyenne
neuf mois pour obtenir l'asile en France. Au cours de cette période, les
demandeurs d'asile n'ont pas le droit de travailler. C'est là souvent
un frein pour les exilés.
Un manque d'attractivité économique.
Au
monastère de Bonnelles (Yvelines), l'un des trois sites franciliens à
avoir accueilli ces premiers réfugiés arrivés de Munich il y a deux
semaines, 18 sur 78 ont préféré rejoindre l'Allemagne économiquement
plus attractive. Le taux de chômage qui dépasse les 10% rebute bon
nombre de migrants. La France, «c'est bien pour visiter, mais pas pour
l'emploi», lâchait Abdulrahman Alshehagi, Syrien de 26 ans croisé par
l'AFP dans une gare européenne et qui n'envisageait pas une seconde de
mettre les pieds en France.
Peu de réseau en France.
Parmi les migrants qui ont fait, il y a deux semaines, le voyage
Munich-Paris, certains ne sont pas restés longtemps, préférant repartir
outre-Rhin pour rejoindre des amis et de la famille. Parmi eux, il y a
«des universitaires qui ont des contacts avec les universités et qui ont
donc rejoint des connaissances», selon l'association Habitat et
Humanisme, qui gère le centre d'accueil de Bonnelles. La présence de
membres de la famille ou d'amis est en effet un facteur déterminant dans
le choix des réfugiés pour un pays. Or, en France, même si le pays a eu
un mandat pour administrer la Syrie de 1920 à 1946, la diaspora
syrienne y est peu importante.
Des squats insalubres ou à la rue.
Enfin, si le gouvernement s'est engagé à accueillir ces réfugiés dans
les meilleures conditions et que nombre de citoyens se sont portés volontaires pour accueillir des familles,
en général seuls un tiers des demandeurs d'asile sont logés dans des
structures dédiées et il n'existe quasiment rien pour ceux qui
décrochent le titre de réfugiés. En conséquence, de nombreux migrants se
retrouvent dans des squats insalubres ou à la rue. C'est le cas par
exemple en ce moment, près du périphérique au nord de Paris, où une
centaine de migrants, en majorité syriens, sont venus récemment grossir
les rangs d'un campement de Roms et de Bulgares qui dorment sur des
trottoirs jonchés de poubelles. Les exilés «échangent leurs expériences
sur Facebook ou Whatsapp», souligne Sabreen Al-Rassace, de l'association
Revivre qui assiste les exilés syriens. «Pour eux, la France n'est pas
un bon pays pour l'accueil.»
La France attire donc peu,
contrairement à l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou les pays d'Europe du
Nord. Les chiffres le prouvent: l'Hexagone table, cette année, sur un
niveau de demandes d'asile similaire à celui de 2014, soit 65.000
nouveaux dossiers, alors que l'Allemagne, terre d'immigration, prévoit d'en accueillir près d'un million.
*En
France, le statut de réfugié permet d'avoir une carte de résident d'une
durée de dix ans, valable aussi pour le conjoint et les enfants
mineurs, ainsi que l'accès au marché du travail et aux mêmes droits
sociaux que les nationaux.
(Avec AFP)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire