En ce moment les syndicats se préparent pour automne chaud. Les réfugiés dans nos rues et les déclarations sentencieuses de politiciens populistes forment un excellent paratonnerre contre cette lutte sociale qui s'annonce.
Nous le savons de par notre propre histoire : la guerre fait fuir les
gens en masse. Au cours de la Première et de la Deuxième Guerre
mondiale, des centaines de milliers de nos compatriotes ont cherché
refuge dans les pays voisins, où ils ont été les bienvenus et ont reçu
un bon accueil. C’est la logique même, car tout pays civilisé ouvre ses
frontières aux personnes en détresse qui fuient la violence.
Dans le cas de l’afflux actuel, il y a une raison supplémentaire pour
accueillir les expatriés. La majorité d’entre eux viennent
d’Afghanistan, d’Irak, de Syrie et de Libye, précisément quatre pays où
nous sommes largement responsables de la violence guerrière. L’Occident
voulait changer les régimes de ces pays, avec toutes les conséquences
possibles. L’invasion de l’Irak a entraîné la naissance de l’État
islamique. En Libye, notre intervention militaire a provoqué le chaos
total dans le pays. En outre, elle a entraîné une dispersion massive
d’armes et donc de violence dans la région. Mais surtout, elle a ouvert
les vannes aux réfugiés d’Afrique.
On parle d’une « crise des réfugiés », ce qui n’est pas exact. Ce à quoi
nous assistons chez nous n’est pas une crise des migrants, mais bien
une crise délibérée de l’accueil, en tout cas en ce qui concerne la
Belgique. En ce sens c’est aussi une crise des consciences et du niveau
de civilisation dans notre pays. Bien sûr, il y a une crise des
réfugiés, mais elle se déroule ailleurs, pas ici. En Syrie il y a dix
millions de gens qui fuient leur propre pays. La Turquie accueille 1,7
millions de Syriens, le Liban, 1,1 million, soit un quart de sa
population. Heureusement, la Belgique a eu la générosité de bien vouloir
en accueillir 5662 …
Ceux qui prétendent ou laissent entendre que nous sommes débordés par
les réfugiés sont de mauvaise foi. On s’attend cette année à un million
de demandes d’asile en Europe. Cela fait 0,2 % de la population totale.
En outre la très grand majorité – 80 % - est accueillie en Allemagne. Ce
pays, qui pour ces mêmes politiciens de droite reste le grand modèle,
aborde la question sous un angle totalement différent. Là-bas le
gouvernement engage justement la confrontation avec les crispations
populistes et primitives, au lieu de jeter de l’huile sur le feu. Le
taux de vieillissement en Allemagne est le plus élevé d’Europe et à
terme, il hypothèque l’économie allemande. Le gouvernement l’a bien
compris et il considère l’afflux de réfugiés comme une perfusion
bienvenue contre le vieillissement de sa population.
Les populations arabes et africaines sont très jeunes et on aurait du
mal à qualifier de fainéants des gens qui ont bravé des déserts et des
mers démontées pour arriver jusqu’ici. Des études ont démontré que les
immigrants sont toujours plus entreprenants que la population autochtone
et qu’ils sont moins enclins à une criminalité lourde. La fable
suggérant qu’ils profitent de notre sécurité sociale ne tient pas. Selon
une étude récente de l’OCDE (le club des 30 pays les plus riches) la
contribution annuelle nette des migrants au trésor représente en moyenne
0,35 % du PIB, et en Belgique ce serait même le double ,soit 0,76 %.
Le refus de prévoir un accueil sérieux et humain est choquant. Pires
encore sont les tentatives de certains politiciens d’attiser des
sentiments primitifs pour en jouer. L’éditorial de Knack souligne à
juste titre : « On pourrait attendre des politiques qu’ils
expliquent à la population que nous ne pouvons abandonner à leur sort
des personnes qui fuient la guerre, et qu’elles ont droit à un minimum
d’aide. Après les expériences de la Première et de la Deuxième Guerre
mondiale il ne devrait plus y avoir le moindre doute à ce sujet. Le mot
« profiter » ne fait rien d’autre que semer le doute ».
Le chaos organisé autour de l’accueil arrange bien ce gouvernement de
droite. En ce moment, les syndicats se préparent pour un automne chaud.
Les réfugiés dans nos rues et les déclarations sentencieuses de
politiciens populistes constituent un excellent paratonnerre pour la
lutte sociale qui s’annonce. La question des réfugiés doit nous faire
oublier que la facture de l’énergie augmente de 30 %, que nous devons
travailler plus longtemps pour une pension réduite, que nous devons
avaler un saut d’index, que les malades sont débusqués, etc. Au début de
cette année, les militaires déployés dans la rue ont dû détourner
l’attention de l’opposition sociale. A présent, c’est au tour des
réfugiés. Les images des demandeurs d’asile qui campent autour du
bâtiment de l’Office des Étrangers sont carrément honteuses et elles
dégradent l’image de marque de notre pays. Dans le passé des ministres
ont dû démissionner pour moins que cela.
Références : Knack 2 septembre 2015 ; The Economist 29 août 2015 ; De wereld morgen ; OECD.
Traduction du néerlandais par Anne Meert pour Investig’Action.
Source : Investig’Action
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