Publié le 23/7/2015
Mardi 21 juillet, 10 heures, Mohammedia, près de la gare routière… un
marchand ambulant, vendeur de figues de barbarie (lhandia) est pris à
partie par deux auxiliaires d’autorité, ou moqaddems, tabassé, piétiné
et entravé par une lourde chaîne et deux cadenas, en attendant l’arrivée
des forces de police pour son incarcération. Il aura fallu un mouvement
de foule pour le sauver…
La scène se passe de commentaires, et la colère des gens ayant
assisté au tabassage du marchand est éloquente. Le vendeur de figues
officiait à son habitude, quand des moqaddems (et non des policiers)
sont arrivés et ont commencé à bousculer son voisin. L’un d’eux a dit
aux autres de ne pas inquiéter ce dernier et de s’en prendre à celui d’à
côté.
Coups de poings, gifles… l’homme est à terre, et les deux auxiliaires
le piétinent, partout sur son corps, tête comprise. Puis ils
l’entravent à sa charrette avec une chaîne et deux cadenas. Lorsque les
passants sont intervenus, les moqaddems ont expliqué que le vendeur
avait brandi un couteau pour se défendre, mais pour l’un des témoins, « le couteau est un outil de travail de cet homme, il est donc tout à fait normal qu’il en ait eu un en mains ».
Face au mouvement de foule et à la grogne, des responsables sont
arrivés sur place et ont contribué à baisser la tension. L’homme à
terre, inconscient, a été conduit à l’hôpital puis, interviewé par nos
confrères de Kifach, a expliqué qu’il avait perdu connaissance et que ce
n’est qu’une fois réveillé que les gens lui ont relaté ce qui s’est
passé. « Ils m’ont frappé, m’ont piétiné comme un chien, parce que
je ne voulais pas leur donner l’argent qu’ils réclamaient. Je vais
maintenant déposer plainte auprès du procureur du Roi, et j'ai tous les
témoins nécessaires », raconte le vendeur qui a quitté l’hôpital avec un certificat médical lui accordant deux semaines d’arrêt de travail.
Un journaliste d’al Ahdath al Maghribiya a contacté les services du 2nd arrondissement qui « ont
catégoriquement nié que le vendeur ait été frappé, piétiné ou enchaîné…
mais on nous a confirmé qu’un moqaddem a appelé deux de ses collègues
sans autorisation de l’autorité locale, et qu’il est aujourd’hui
suspendu en attendant qu’il soit déféré devant le conseil de discipline
de la préfecture de Mohammedia ».
« Nié catégoriquement »… fort bien, donc les images sont
truquées et les témoins ont, tous, menti. On se demande bien pourquoi,
et pour quelle raison aussi le passer devant le conseil de discipline ?
Selon le quotidien al Massae qui a également rapporté l'information
et qui a interrogé des responsables de la préfecture de Mohammedia, le
vendeur est un individu "marginal, qui a un casier judiciaire et qui a tenté de fuir, ne répondant pas à l'interpellation des moqaddems".
Est-ce une raison pour l'enchaîner et le piétinier ? N'est-il pas un
citoyen qui, quand bien même il aurait un casier judiciaire, bénéficie
de droits ?
Ces dernières semaines, la société dite civile s’enflamme pour un
homosexuel lynché, pour deux jeunes femmes elles aussi exposées à la
vindicte de la foule, pour une adolescente portant short dans un souk de
Safi et invectivée… Tout cela aurait un sens si la même société civile
s’intéressait également à ce genre d’exactions d’agents (auxiliaires ou
officiels) vivant dans un autre temps et usant de mœurs qu’on croyait
révolues, mais qui ne le sont pas toujours. La société civile, pour ne
pas perdre sa crédibilité, dans les deux camps en opposition et qui
s’affrontent par faits divers interposés, avec leurs armées
d’internautes, serait grandie en pointant tous ces dérapages et en
suivant ces affaires jusque dans les salles de tribunaux.
Saluons au passage l’action du caïd qui est intervenu et a mis un
terme à cette grave atteinte des droits de l’Homme, ainsi que celle des
agents (et officier) de police) que l’on voit sur la vidéo et qui ne
sont pas intervenus pour disperser l’attroupement, se contentant de
faire la circulation, et laissant les gens exprimer leur colère.
AAB
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