« … J'ai décidé d'entamer une grève de la faim préventive
de 48h à partir du 8 juillet. Je réitère ma demande aux organisations
des droits de l'homme nationales et internationales de dénoncer les
exactions graves dans les prisons marocaines, et je réclame
l’amélioration des conditions dans les prisons marocaines afin qu’elles
soient des centres d’apprentissage et d’insertion et non des lieux de
destruction de l’humain. » Waafa Charaf, activiste politique et
militante des droits de l’homme, le 7 juillet 2015.
Waafa Charaf
Faux semblants, silences, fins de non-recevoir
« Des lieux de destruction de l’humain », elle sait ce que cela veut dire Waafa, emprisonnée pour deux ans à Tanger. Le motif pour lequel la justice marocaine l’a condamnée : « dénonciation calomnieuse » de tortures exercées sur sa personne, alors qu’elle a porté plainte contre X. X s’est donc reconnu et senti calomnié. Qui X peut-il bien être ?
A cette mascarade s’en ajoutent d’autres. Soulignées par le journaliste Ali Lmrabet, qui mène une grève de la faim illimitée depuis le 24 juin devant le Palais des Nations à Genève, pour obtenir ses papiers d’identité marocaine. On refuse de les lui faire sous prétexte qu’il n’habiterait pas à l’adresse qu’il donne à Tanger (chez son père), alors qu’il a quitté depuis 2011 l’Espagne où il avait dû s’expatrier pour avoir été interdit pendant 10 ans d’exercer au Maroc son métier de journaliste (en 2005). 10 ans après, et alors qu’il s’apprêtait à lancer un nouveau journal satirique dans son pays, il ne peut user de son droit à son identité nationale…
Ali Lmrabet
Immanquablement, on pense à septembre 1991, lorsque le militant marocain de gauche Abraham Serfaty, qui venait de passer dix-sept ans en prison après avoir été enlevé et torturé pendant de longs mois, était libéré par Hassan II mais expulsé vers la France comme « brésilien » !
Sur quels fondements juridiques peut donc s’appuyer aujourd’hui au Maroc un citoyen qui sait sa liberté ou sa vie menacée ? Ali Lmrabet l’éclaire dans un article publié le 4 juillet sur son site Demainonline :
« Enfin, pour ceux qui nous invitent à déposer plainte contre l’État marocain à chaque fois que nos droits civiques sont violés, il faut savoir que si le Maroc a ratifié le « Pacte international relatif aux droits civils et politiques », qui comprend les droits et libertés classiques qui protègent les particuliers contre les ingérences de l’État, comme le droit à la vie, l’interdiction de la torture, de l’esclavage et du travail forcé, le droit à la liberté, etc., il n’a pas voulu ratifier le protocole facultatif qui permet à des particuliers, c’est-à-dire vous et moi, de déposer des « communications » (plaintes) individuelles au sujet du respect du Pacte par les États qui ont ratifié ce protocole additionnel.
C’est-à-dire quoi ? C’est-à-dire qu’un Marocain qui se verrait privé arbitrairement d’un droit fondamental par son État ne peut pas se diriger à l’ONU pour obtenir gain de cause. »
Vouloir disposer de soi-même ? C’est interdit
Récupérer le corps de son enfant ? C’est impossible
Les Marocains sont ainsi maltraités par leur État.
Et pour les Sahraouis, c’est pire. Le Sahara Occidental ex-espagnol est un territoire non autonome, dont le peuple n’a pu s’autodéterminer jusqu’à maintenant – bien qu’il s’agisse en terme de décolonisation d’un droit inaliénable –, et sur lequel le royaume, quoi qu’il en dise, ne peut exercer aucune souveraineté internationalement reconnue.
Dans leur territoire occupé par le Maroc depuis 1975, les Sahraouis subissent une forte répression (tabassages, enlèvements, torture, incarcérations sans jugement) dès qu’ils manifestent en faveur de l’autodétermination, ce qu’ils font régulièrement depuis 2005. Les manifestations en ce sens sont tout simplement interdites par la loi marocaine.
Et à la brutalité des policiers s’ajoute la présence de nombreux colons – dont certains sont venus au Sahara plus ou moins contraints et forcés, pour augmenter le nombre de votants potentiellement favorables au Maroc lors du référendum à venir. Ces colons marocains peuvent être simplement indifférents, mais aussi parfois franchement hostiles à la population sahraouie.
C’est ainsi qu’à El Aïoun, le 31 janvier dernier, un jeune activiste de 21 ans, Mohamed Lamine Haidala, s’est fait agresser près de chez lui par cinq hommes qui lui ont donné des coups, balancé des pierres et surtout transpercé le cou avec une paire de ciseaux. Les secours ont tardé, à l’hôpital on lui a recousu sa blessure sans anesthésie semble-t-il, puis il a été emmené de force à plus de 500 km de là au commissariat d’Agadir. Sa plaie s’est envenimée et il est décédé le 8 février.
Sa mère, Takbar Haddi, qui vit aux Canaries, est arrivée le lendemain de sa mort pour réclamer le corps de son fils. Elle voulait qu’une autopsie soit faite pour que les causes réelles du décès de Haidala soient rendues publiques, mais on le lui a refusé, et elle n’a pu récupérer le corps. Mise dans l’impossibilité de faire son deuil, après trois mois de démarches sans résultat, elle a décidé d’entamer une grève de la faim illimitée, le 16 mai, devant le Consulat du Maroc à Las Palmas de Gran Canaria, réclamant aussi que les présumés coupables soient poursuivis.
Takbar Haddi
Après 36 jours de grève, elle a dû être hospitalisée. Les soutiens espagnols à son action ont alors enclenché une grève de la faim solidaire, par roulement, de 24 h en 24 h. Au 10 juillet, 22 personnes, aux Canaries, en Espagne, au Portugal, au Parlement européen, ont déjà participé à cette chaine ; d’autres s’apprêtent à le faire, avant que Takbar Haddi ne reprenne elle-même son mouvement, à l’issue du Ramadan.
Toutes ces grèves de la faim vont-elles amener le Maroc à mettre en œuvre une vraie justice, qui ne soit plus aux ordres d’un État méprisant ses propres citoyens et plus encore les habitants du Sahara Occidental qu’il colonise ?
Elles devraient, pour le moins, embarrasser l’exécutif français qui s’apprête à remettre la médaille d’Officier de la Légion d’honneur à Abdellatif Hammouchi, patron des services de contre-espionnage marocain, accusé de faits de torture et de complicité de torture par plusieurs personnes franco-marocaines.
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Waafa Charaf
Faux semblants, silences, fins de non-recevoir
« Des lieux de destruction de l’humain », elle sait ce que cela veut dire Waafa, emprisonnée pour deux ans à Tanger. Le motif pour lequel la justice marocaine l’a condamnée : « dénonciation calomnieuse » de tortures exercées sur sa personne, alors qu’elle a porté plainte contre X. X s’est donc reconnu et senti calomnié. Qui X peut-il bien être ?
A cette mascarade s’en ajoutent d’autres. Soulignées par le journaliste Ali Lmrabet, qui mène une grève de la faim illimitée depuis le 24 juin devant le Palais des Nations à Genève, pour obtenir ses papiers d’identité marocaine. On refuse de les lui faire sous prétexte qu’il n’habiterait pas à l’adresse qu’il donne à Tanger (chez son père), alors qu’il a quitté depuis 2011 l’Espagne où il avait dû s’expatrier pour avoir été interdit pendant 10 ans d’exercer au Maroc son métier de journaliste (en 2005). 10 ans après, et alors qu’il s’apprêtait à lancer un nouveau journal satirique dans son pays, il ne peut user de son droit à son identité nationale…
Ali Lmrabet
Immanquablement, on pense à septembre 1991, lorsque le militant marocain de gauche Abraham Serfaty, qui venait de passer dix-sept ans en prison après avoir été enlevé et torturé pendant de longs mois, était libéré par Hassan II mais expulsé vers la France comme « brésilien » !
Sur quels fondements juridiques peut donc s’appuyer aujourd’hui au Maroc un citoyen qui sait sa liberté ou sa vie menacée ? Ali Lmrabet l’éclaire dans un article publié le 4 juillet sur son site Demainonline :
« Enfin, pour ceux qui nous invitent à déposer plainte contre l’État marocain à chaque fois que nos droits civiques sont violés, il faut savoir que si le Maroc a ratifié le « Pacte international relatif aux droits civils et politiques », qui comprend les droits et libertés classiques qui protègent les particuliers contre les ingérences de l’État, comme le droit à la vie, l’interdiction de la torture, de l’esclavage et du travail forcé, le droit à la liberté, etc., il n’a pas voulu ratifier le protocole facultatif qui permet à des particuliers, c’est-à-dire vous et moi, de déposer des « communications » (plaintes) individuelles au sujet du respect du Pacte par les États qui ont ratifié ce protocole additionnel.
C’est-à-dire quoi ? C’est-à-dire qu’un Marocain qui se verrait privé arbitrairement d’un droit fondamental par son État ne peut pas se diriger à l’ONU pour obtenir gain de cause. »
Vouloir disposer de soi-même ? C’est interdit
Récupérer le corps de son enfant ? C’est impossible
Les Marocains sont ainsi maltraités par leur État.
Et pour les Sahraouis, c’est pire. Le Sahara Occidental ex-espagnol est un territoire non autonome, dont le peuple n’a pu s’autodéterminer jusqu’à maintenant – bien qu’il s’agisse en terme de décolonisation d’un droit inaliénable –, et sur lequel le royaume, quoi qu’il en dise, ne peut exercer aucune souveraineté internationalement reconnue.
Dans leur territoire occupé par le Maroc depuis 1975, les Sahraouis subissent une forte répression (tabassages, enlèvements, torture, incarcérations sans jugement) dès qu’ils manifestent en faveur de l’autodétermination, ce qu’ils font régulièrement depuis 2005. Les manifestations en ce sens sont tout simplement interdites par la loi marocaine.
Et à la brutalité des policiers s’ajoute la présence de nombreux colons – dont certains sont venus au Sahara plus ou moins contraints et forcés, pour augmenter le nombre de votants potentiellement favorables au Maroc lors du référendum à venir. Ces colons marocains peuvent être simplement indifférents, mais aussi parfois franchement hostiles à la population sahraouie.
C’est ainsi qu’à El Aïoun, le 31 janvier dernier, un jeune activiste de 21 ans, Mohamed Lamine Haidala, s’est fait agresser près de chez lui par cinq hommes qui lui ont donné des coups, balancé des pierres et surtout transpercé le cou avec une paire de ciseaux. Les secours ont tardé, à l’hôpital on lui a recousu sa blessure sans anesthésie semble-t-il, puis il a été emmené de force à plus de 500 km de là au commissariat d’Agadir. Sa plaie s’est envenimée et il est décédé le 8 février.
Sa mère, Takbar Haddi, qui vit aux Canaries, est arrivée le lendemain de sa mort pour réclamer le corps de son fils. Elle voulait qu’une autopsie soit faite pour que les causes réelles du décès de Haidala soient rendues publiques, mais on le lui a refusé, et elle n’a pu récupérer le corps. Mise dans l’impossibilité de faire son deuil, après trois mois de démarches sans résultat, elle a décidé d’entamer une grève de la faim illimitée, le 16 mai, devant le Consulat du Maroc à Las Palmas de Gran Canaria, réclamant aussi que les présumés coupables soient poursuivis.
Après 36 jours de grève, elle a dû être hospitalisée. Les soutiens espagnols à son action ont alors enclenché une grève de la faim solidaire, par roulement, de 24 h en 24 h. Au 10 juillet, 22 personnes, aux Canaries, en Espagne, au Portugal, au Parlement européen, ont déjà participé à cette chaine ; d’autres s’apprêtent à le faire, avant que Takbar Haddi ne reprenne elle-même son mouvement, à l’issue du Ramadan.
Toutes ces grèves de la faim vont-elles amener le Maroc à mettre en œuvre une vraie justice, qui ne soit plus aux ordres d’un État méprisant ses propres citoyens et plus encore les habitants du Sahara Occidental qu’il colonise ?
Elles devraient, pour le moins, embarrasser l’exécutif français qui s’apprête à remettre la médaille d’Officier de la Légion d’honneur à Abdellatif Hammouchi, patron des services de contre-espionnage marocain, accusé de faits de torture et de complicité de torture par plusieurs personnes franco-marocaines.
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https://youtu.be/UubhpFSry9
Ajoutée le 13 juil. 2015
https://youtu.be/khkB4u9bdFA
Le 9 juillet 2015 , devant le Palais des Nations-Unies à Genève, chaque représentant d'ONG a exprimé avec ses convictions et termes propres son soutien à Ali Lmrabet. AB
Ajoutée le 13 juil. 2015
https://youtu.be/khkB4u9bdFA
Le 9 juillet 2015 , devant le Palais des Nations-Unies à Genève, chaque représentant d'ONG a exprimé avec ses convictions et termes propres son soutien à Ali Lmrabet. AB
youtube.com
https://youtu.be/khkB4u9bdFA
https://youtu.be/khkB4u9bdFA
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