Par Zoe Konstantopoulou, 13/7/2015
Discours de Zoé Konstantopoulou, présidente du
parlement grec, sur le projet soumis par le gouvernement aux créanciers
le 11/07/2015
Mesdames et messieurs, chers collègues,
En de pareils instants, nous devons agir et parler avec sincérité institutionnelle et courage politique.
Nous devons assumer chacune et chacun la responsabilité qui nous revient.
Protéger, comme notre conscience nous y oblige, les causes justes et
les droits sacrés, inviolables et non négociables de notre peuple et de
notre société.
Sauvegarder l’héritage de ceux qui ont donné leur vie et leur liberté pour que nous vivions aujourd’hui libres.
Préserver l’héritage des nouvelles générations et celles à venir
ainsi que la civilisation humaine, de même que ces valeurs inaliénables
qui caractérisent et donnent un sens à notre existence individuelle et
collective.
La façon dont chacun choisit de décider et d’agir peut varier, mais
personne n’a le droit de se moquer, de dégrader, de dénigrer ou
d’utiliser à une fin politique les décisions qui sont issues d’un
processus et d’une épreuve qui touchent au cœur de notre existence.
Nous toutes et tous sommes et serons jugés au regard de notre
attitude et de nos décisions, de nos oui et de nos non, de nos actes et
de nos omissions, de notre cohérence, de nos résistances, de notre
abnégation et de notre désintéressement.
Depuis cinq mois, le Gouvernement, qui a comme tronc la Gauche et
comme noyau les forces anti-mémorandum, livre un combat inégal dans des
conditions d’asphyxie et de chantage contre une Europe qui a trahi les
objectifs inscrits dans ses statuts, à savoir le bien-être des peuples
et des sociétés, une Europe qui utilise la monnaie commune, l’euro, non
pas comme moyen d’atteindre le bien-être social, mais comme levier et
instrument d’assujettissement et d’humiliation des peuples et des
gouvernements rebelles, une Europe qui est en train de se transformer en
une prison cauchemardesque pour ses peuples alors qu’elle a été
construite pour être leur maison hospitalière commune.
Le peuple grec a confié à ce Gouvernement la grande cause de sa
libération des chaînes du mémorandum, de l’étau de la mise sous tutelle
et de la mise sous surveillance qui a été imposée à la société sous le
prétexte de la dette,
une dette illégale, illégitime, odieuse et insoutenable, dont la
nature, comme l’ont démontré les conclusions préliminaires de la
Commission pour la Vérité de la Dette Publique, était déjà connue par
les créanciers depuis 2010.
Une dette qui n’a pas surgi comme un phénomène météorologique, mais
qui a été créée par les gouvernements précédents avec des contrats
entachés de corruption, avec des commissions, des pots-de-vin, des
clauses léonines et des taux d’intérêt astronomiques dont ont tiré
bénéfice des banques et des compagnies étrangères.
Une dette que la Troïka,
en accord avec les précédents gouvernements, a transformée
frauduleusement de dette privée en dette publique, sauvant ainsi les
banques françaises et allemandes mais aussi les banques privées
grecques, condamnant le peuple grec à vivre dans des conditions de crise
humanitaire, et en mobilisant et rétribuant pour ce faire les organes
de la corruption médiatique chargés de terroriser et tromper les
citoyens.
Cette dette, que ni le peuple ni le gouvernement actuel n’ont ni
créée et gonflée, est utilisée depuis cinq ans comme instrument
d’asservissement du peuple par des forces qui agissent à l’intérieur de
l’Europe dans le cadre d’un totalitarisme économique.
Au mépris de la morale et du droit, l’Allemagne n’a pas acquitté
jusqu’à aujourd’hui ses dettes à la petite Grèce résistante dont
l’histoire reconnaît l’attitude héroïque. Des dettes qui dépassent la
dette publique grecque et représentent un montant de 340 milliards
d’euros selon les calculs modérés de la Commission de la Cour des
Comptes qui a été créée par le gouvernement précédent, quand la
prétendue dette publique grecque a été chiffrée à 325 milliards d’euros.
L’Allemagne a bénéficié du plus grand effacement de dette après la
Seconde Guerre Mondiale afin qu’elle se remette sur pied, avec le
concours généreux de la Grèce. Or, c’est cette même Allemagne qui a
accordé sa protection à des responsables d’entreprises coupables d’actes
de corruption avec les précédents gouvernements et leurs partis
politiques, comme Siemens, et elle les a protégés en les soustrayant à
la justice grecque.
Pourtant, l’Allemagne se comporte comme si l’Histoire et le peuple
grec avaient des dettes envers elle, comme si elle voulait prendre sa
revanche historique pour ses atrocités, en appliquant et en imposant une
politique qui constitue un crime non seulement envers le peuple grec,
mais aussi un crime contre l’humanité, au sens pénal du terme car il
s’agit ici d’une agression systématique et de grande envergure contre
une population avec l’objectif bien prémédité de produire sa destruction
partielle ou totale.
Et malheureusement, alors qu’ils devraient se montrer à la hauteur de
leurs responsabilités et du moment historique, des gouvernements et des
institutions se rendent complices de cette agression.
Mesdames et messieurs, chers collègues,
Soumettre le peuple et le gouvernement à des conditions d’asphyxie et
à la menace d’une violente faillite, par la création artificielle et
préméditée des conditions d’une catastrophe humanitaire, constitue une
violation directe de toutes les conventions internationales qui
protègent les droits de l’Homme, de la Charte de l’ONU, des Conventions
européennes, mais aussi des Statuts mêmes de la Cour pénale
internationale.
Le chantage n’est pas une fatalité. Et la création et la mise en
place de conditions dont le but est de supprimer le libre arbitre, ne
permet à personne de parler de liberté de « choix ».
Les créanciers font du chantage sur le gouvernement. Ils agissent
frauduleusement alors qu’ils savaient depuis 2010 que la dette n’était
pas soutenable. Ils agissent consciemment, puisqu’ils reconnaissent dans
leurs déclarations la nécessité de l’octroi d’une aide humanitaire à la
Grèce. Une aide humanitaire pour quelle raison ? Pour une catastrophe
naturelle imprévue et inattendue ? Un séisme imprévu, une inondation, un
incendie ?
Non. Une aide humanitaire qui est la conséquence de
leur choix conscient et calculé de priver le peuple de ses moyens de
subsistance, en fermant le robinet des liquidités, en représailles à la
décision démocratique du Gouvernement et du Parlement d’organiser un
référendum et donner la parole au peuple pour qu’il décide lui-même de
son avenir.
Le peuple grec a honoré le Gouvernement qui lui a fait confiance
ainsi que le Parlement qui lui a donné le droit de prendre sa vie et son
destin entre ses mains. Il a dit un NON courageux et fier,
NON aux chantages,
NON aux ultimatums,
NON aux memoranda de l’assujettissement,
NON au paiement d’une dette qu’il n’a pas créée et dont il n’est pas responsable,
NON à des nouvelles mesures de misère et de soumission.
NON aux memoranda de l’assujettissement,
NON au paiement d’une dette qu’il n’a pas créée et dont il n’est pas responsable,
NON à des nouvelles mesures de misère et de soumission.
Ce NON, les créanciers persistent obstinément à vouloir le
transformer en OUI, avec la complicité perfide de ceux qui sont
responsables de ces memoranda et qui en ont tiré profit, ceux qui ont
créé la dette.
Ce NON du peuple nous dépasse toutes et tous et nous oblige à
défendre son droit à lutter pour sa vie, lutter pour ne pas vivre une
vie à moitié ou une vie servile, pour être fier de tout ce qu’il va
laisser à ses successeurs et à l’humanité.
Le Gouvernement est aujourd’hui objet d’un chantage afin de lui faire
accepter tout ce qu’il ne veut pas, qui n’émane pas de lui et qu’il
combat. Le Premier Ministre a parlé avec sincérité, courage, franchise
et désintéressement. Il est le plus jeune Premier Ministre et il est
aussi celui qui a lutté comme aucun de ses prédécesseurs pour les droits
démocratiques et sociaux du peuple et des nouvelles générations, qui a
représenté et représente notre génération et lui donne espoir. Je
l’honore et je continuerai toujours de l’honorer pour son attitude et
ses choix. Et en même temps, je considère de ma responsabilité
institutionnelle, en tant que Présidente du Parlement, de ne pas fermer
les yeux et feindre ne pas comprendre le chantage. Jamais je ne pourrai
voter et légitimer le contenu de l’accord et je crois que la même chose
vaut et vaudra pour le Premier Ministre, qui est aujourd’hui l’objet
d’un chantage utilisant l’arme de la survie de ce peuple. Je crois que
la même chose vaut pour le Gouvernement et les groupes parlementaires
qui le soutiennent.
Ma responsabilité envers l’histoire dans cette institution, je
l’assume en répondant « présente » au débat et au vote d’aujourd’hui. Je
considère ainsi que je suis plus utile au peuple, au Gouvernement et au
Premier Ministre, aux générations futures et aux sociétés européennes,
en exposant au grand jour les véritables conditions dans lesquelles le
parlement est appelé à prendre des décisions et en refusant le chantage,
au nom de l’alinéa 4 de l’article 120 de la Constitution.
Le peuple grec est le deuxième à subir une telle agression à
l’intérieur de la zone euro. Il a été précédé par Chypre en mars 2013.
La tentative d’imposer des mesures que le peuple a rejetées par
référendum, en utilisant le chantage de la fermeture des banques et la
menace de la faillite, constitue une violation brutale de la
Constitution et qui prive le Parlement des pouvoirs que lui attribue
cette même Constitution.
Chacun et chacune a le droit et a le devoir de résister. Aucune
résistance dans l’histoire n’a été facile. Cependant, nous avons demandé
le vote et la confiance du peuple pour affronter les difficultés et
c’est face à ces difficultés que nous devons maintenant réussir. Et sans
avoir peur.
Traduction : Yorgos Mitralias relue par Patrick Saurin.Auteur
Zoe Konstantopoulou avocate et
femme politique grecque. Députée du parti de la gauche radicale Syriza,
qui a gagné les élections législatives du 25 janvier 2015 en Grèce, a
été élue le 6 février 2015 présidente du parlement. Elle est, à
trente-huit ans, la plus jeune présidente de la Vouli et la deuxième
femme seulement à exercer cette fonction
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