Dans son rapport annuel sur les droits humains, l’AMDH dénonce le fonctionnement de l’appareil législatif, le manque d’indépendance de la justice, et la régression des libertés individuelles.
L’Association marocaine des droits humains (AMDH) a présenté le 30 juin à Rabat son Rapport annuel sur les violations des droits humains au Maroc en 2014. Un rapport dans lequel l’association constate que la situation des droits humains au Maroc en 2014, a été caractérisée « par une dangereuse régression en termes de libertés et de droits fondamentaux ». Lors de l’élaboration de ce rapport, les responsables de l’AMDH se sont notamment penchés sur le fonctionnement du système législatif, le manque d’indépendance de la justice, et la régression des libertés individuelles. Pour les besoins de ce rapport, l’AMDH s’est appuyée sur les rapports établis par ses 93 sections locales présentes à travers tout le Maroc, des rapports internationaux ainsi que les informations publiées par les médias.Une démarche législative et une Constitution critiquées
D’un point de vue législatif, l’année 2014 a été marquée par l’approbation par le parlement du projet de loi sur la justice militaire. Principale nouveauté de ce texte qui entrera en vigueur le 1er juillet : les civils ne pourront plus être jugés par un tribunal militaire. Mais, pour l’AMDH, cette réforme n’a pas pris en compte les revendications des associations de droits humains concernant la suppression de la peine de la mort. L’Association rappelle néanmoins que l’année 2014 a également été marquée par « la suppression du deuxième paragraphe de l’article 475 du Code pénal qui permettait l’impunité des violeurs de mineurs » mais note que le texte de loi relatif aux travailleurs dans les maisons autorise l’emploi des enfants de 16 ans « au lieu de 18 ans ».L’AMDH est également très critique au sujet de la pratique du pouvoir législatif au royaume. En effet, selon l’Association, le pouvoir exécutif s’est approprié le « monopole […] dans la proposition de lois ». L’association remarque également « que les propositions du parlement ont été faiblement prises en compte » ce qui illustre, selon elle, « le rôle (réduit, ndlr) du parlement en matière législative ». Pour illustrer cet argument, le rapport de l’AMDH cite en exemple le vote du projet de loi de finances de l’année 2015 durant lequel « le parlement s’est cantonné à un rôle marginal se contentant d’accepter ou refuser les propositions du gouvernement ».
La Constitution, promulguée en juillet 2011, fait elle aussi l’objet de critiques par l’AMDH. L’Association signale que l’application de l’officialisation de la langue amazighe « a été reportée sous prétexte d’attendre la publication de la loi organique » et remarque « qu’on relève une certaine hiérarchie entre la langue arabe et amazighe au profit de la première ». Autre défaut reproché à la Constitution, la non-séparation des pouvoirs qui profite à « l’institution monarchique ». Selon l’AMDH, celle-ci « détient les pouvoirs les plus importants : exécutif, législatif, judiciaire et religieux ».
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Une justice qui manque d’indépendance
Une partie du rapport établi par l’AMDH est consacrée aux régressions constatées dans le domaine des droits civils et politiques. L’association a constaté que la peine de mort, qui a été maintenue dans l’avant-projet de loi du Code pénal, a été prononcée cinq fois durant l’année 2014. L’organisme remarque également que les membres du gouvernement ont tenu des propos « régressifs » allant « à l’encontre de l’abolition de la peine de mort ».Dans son rapport, l’association dénonce le manque d’indépendance du système judiciaire. Selon le rapport de l’AMDH, la justice a, à 251 reprises, été utilisée pour « se venger des militants en leur fabriquant de fausses accusations et en utilisant la justice pour les condamner à la prison après des jugements dénués de conditions d’un procès équitable ». Parmi les cas cités par l’AMDH figurent notamment ceux de Mouad Belghouat (L7A9D) et de Wafaa Charaf.
Dans son rapport l’AMDH pointe le fait que les avancées dans le domaine de la réforme de la justice « ne sont toujours pas opérationnelles à cause des obstacles structurels, constitutionnels, et juridiques qui posent des limites à l’ensemble des acteurs du corps judiciaire, magistrats, greffiers, avocats, experts, auxiliaires de justice et autres ». Pour illustrer son propos, l’AMDH signale qu’il existe toujours des divergences entre le ministère de la Justice et une dizaine d’instances impliquées dans le domaine de la justice. L’AMDH remarque également dans son rapport que plusieurs magistrats ont fait l’objet de décisions disciplinaires « pour avoir exprimé leur opinion sur différentes questions liées à leurs conditions de travail et à la réforme de la justice ».
Les libertés et les défenseurs des droits humains mis à mal
Selon l’AMDH, l’année 2014 a été marquée par la violation de plusieurs libertés par les autorités du royaume. C’est notamment le cas de la liberté d’association qui a été victime, selon l’institution dirigée par Ahmed El Haij, par « une campagne systématique d’entraves au droit d’association sous des prétextes futiles ». À titre d’exemple, l’association cite le refus des dépôts de dossiers de plusieurs dossiers réglementaires de plusieurs associations comme Freedom Now, l’association pour les droits numériques (ADN) ou encore le réseau des avocat(e)s contre la peine de mort.Autre droit mis à mal en 2014 selon l’AMDH, celui de se rassembler. L’association de défense des droits humains est sans équivoque à ce sujet et juge que l’État marocain « n’a ménagé aucun effort pour interdire les activités et entraver le travail du mouvement démocratique et surtout des droits de l’homme ». Pour étayer ce propos, l’association mentionne l’interdiction de 60 activités de l’AMDH et d’une dizaine d’activités organisées par Transparency Maroc, la Ligue marocaine pour la défense des droits de l’homme ou encore l’association Adala.
Enfin, le gouvernement marocain a, selon l’AMDH, également mis à mal la liberté de la presse. L’organisation cite dans son rapport le rang du Maroc dans les classements établis par Freedom House (147e sur 197) et Reporters sans frontières (136e rang mondial dans le domaine de la liberté de la presse). Selon l’AMDH, un « certain nombre de journalistes » ont fait l’objet d’agressions physiques et insultes. L’association remarque également que plusieurs poursuites judiciaires contre « un certain nombre de journalistes ont été engagées en recourant au Code pénal au lieu du code de la presse ». Une pratique qui a pour but de « leur nuire et de les museler » selon le rapport de l’AMDH.
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