Maroc. 33 personnalités publient un appel pour la défense des libertés individuelles |
Les milieux modernistes bougent enfin. Un appel pour la défense
et la protection des libertés individuelles a été diffusé par 33
personnalités du monde de la culture, des médias, de l'université, de la
science. Il est ouvert aux signatures.
L'appel est publié conjointement par Libération, Telquel, Panorapost et Médias24. En voici le texte.
Appel pour la défense des libertés
Depuis quelques semaines, nous assistons à une série de faits et de
décisions politiques qui nous préoccupent sur le respect des libertés
individuelles et le droit à la différence au Maroc. Ainsi, on peut citer
parmi ces faits, l’avant-projet de Code pénal, élaboré par le ministère
de la Justice et marqué par un esprit conservateur et liberticide,
l’interdiction de Much Loved, le film du réalisateur marocain Nabil
Ayouch, la multiplication des condamnations de personnes pour leur
homosexualité et leur agression dans les rues à l’image de ce que s’est
passé à Fès, et l’inculpation de deux jeunes filles à Inezgane pour
« outrage public à la pudeur » et dont le seul tort est d’avoir porté
des jupes au mois de juin.
Nous constatons une dégradation du débat public et une exploitation des
sentiments religieux et identitaires pour instaurer un ordre moral
rigide et hostile aux libertés individuelles. Un climat délétère et
inquiétant entretenu par le gouvernement, qui agit comme le porte-voix
d’une partie de la population au détriment de l’autre. Cette attitude se
drape dans des habits démocratiques en se présentant comme l’expression
de la majorité et l’incarnation de la volonté populaire. Or, faut-il
rappeler que l’un des fondements de la pratique démocratique est le
respect des minorités, notamment en matière de libertés.
L’espace public démocratique, lieu de débat et d’échange, n’est pas
compatible avec l’intimidation et la violence, fussent-elles symboliques
ou verbales. Le respect de la diversité intellectuelle et culturelle,
l’extension des domaines des libertés et le droit à la différence sont
des conditions nécessaires pour accéder pleinement à la démocratie et à
un véritable État de droit. On assiste aujourd’hui à la montée
inquiétante d’un conservatisme agressif et menaçant, qui s’immisce dans
l’intimité même des individus et de leurs choix personnels. Une
situation qui installe progressivement un terrorisme intellectuel et
crée un sentiment de frustration chez une partie de la société. Le Maroc
appartient à tous ses habitants, sans exception, est-il encore besoin
de le rappeler.
La prolifération, sur les réseaux sociaux, d’appels au meurtre,
d’insultes, d’attaques contre des figures artistiques, culturelles ou
politiques sont des expressions de ce danger qui menace le vivre
ensemble dans notre pays. Cette situation est d'autant plus dangereuse
qu'elle mène la société sur une pente régressive qu’elle aura du mal à
remonter. Les faits et décisions, prises de positions publiques, ont un
caractère normatif qui instaure et banalise une norme sociale très en
retard par rapport aux problématiques du monde contemporain, censure
tout débat et trahit les espoirs apportés par la Constitution de 2011.
Nous, signataires de cet appel :
1- exprimons notre inquiétude à l’égard de ce climat malsain qui menace les libertés au Maroc.
2- appelons les autorités publiques à agir avec vigilance et fermeté contre les expressions de haine et de violence.
3- demandons au gouvernement de se hisser au-dessus des appartenances
idéologiques et des calculs populistes et de se comporter en tant que
gouvernement de tous les Marocains et non pas d’une partie d’entre eux.
4- rappelons toute la place accordée par la Constitution de 2011 aux droits et libertés individuelles et revendiquons leur mise en application.
5- exprimons notre attachement aux valeurs de liberté, de dignité
humaine, du droit à la différence et le refus de toute forme d’exclusion
et de stigmatisation.
Pour signer l’appel, cliquer ici. Et partagez ce lien : Appel pour la défense des libertés
A 15H00, ce vendredi 3 juillet, quelques heures après sa mise en ligne, l'appel avait déjà réuni 1.474 signataires.
PREMIERS SIGNATAIRES
AÏCHA AKALAY, journaliste
ISMAÏL ALAOUI, universitaire
MEHDI ALIOUA, universitaire
RÉDA ALLALI, artiste
AHMED ASSID, écrivain et militant des droits humains
FOUZIA ASSOULI, présidente de la Ligue démocratique des droits des femmes
NABIL AYOUCH, cinéaste
ABDERRAHIM AZZOUZI, doyen de la faculté de médecine d’Oujda
OMAR BALAFREJ, président du mouvement Clarté, ambition, courage
KHANSA BATMA, artiste
FETTAH BENNANI, président de l’association Bayt Al Hikma
JALIL BENNANI, psychologue
FATHIA BENNIS, présidente de Women's Tribune
AZIZ BOUCETTA, journaliste
KARIM BOUKHARI, journaliste
MERYAM DEMNATI, chercheuse et militante associative
NACEUREDDINE ELAFRITE, journaliste
DRISS JAYDANE, écrivain
LEILA GHANDI, photographe
DRISS KSIKES, écrivain
MOULIM LAROUSSI, universitaire
FATYM LAYACHI, artiste
NOUREDDINE LAKHMARI, cinéaste
MOHAMED MOUAKIT, universitaire
DRISS MOUSSAOUI, psychiatre
KHADIJA ROUISSI, présidente déléguée de l’association Bayt Al Hikma
NARJIS RERHAYE, journaliste
KARIM TAZI, militant associatif
SAMIRA SITAÏL, journaliste
LEILA SLIMANI, écrivaine
ABDELLAH TAÏA, écrivain
ABDELLAH TOURABI, journaliste
BAHAA TRABELSI, écrivaine
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