Ma
pupille, chair de ma chair, tu veux connaître et assumer l’un des
morceaux de l’histoire de tes origines, et tu me demandes un bref
aperçu, alors qu’un livre ne suffirait pas pour traiter la question…
Mais voilà : « Daba » veut dire « Maintenant ; Aujourd’hui »,
son emploi veut dire au fond « Ici et Maintenant ». « Daba-Maroc » aura
donc pour acception « le Maroc d’aujourd’hui ». Tel est l’intitulé
qu’ont choisi les ingénieux acteurs de la culture pour promotionner
artistes et écrivains du Maroc, à travers des activités culturelles en
Belgique, notamment à Bruxelles. Ces festivités sont organisées par les
Halles de schaerbeek en collaboration avec la Fédération
Wallonie-Bruxelles (à l’initiative de Wallonie-Bruxelles International -
avec le soutien du Ministère de la Culture de la Fédération
Wallonie-Bruxelles).
Ma fille si chère, tu trouveras dans ce lien http://www.dabamaroc.com/fr/115/,
tout le programme et l’ensemble des acteurs qui cautionnent ces
festivités. Et déjà, les noms qui composent le « Comité d’Honneur au
Maroc » : Ismael Alaoui, André Azoulay, Driss Khrouz, Amina Lemrini,
prouvent s’il en est besoin, que ce sont des gens impliqués dans
l’exercice du pouvoir, et habitués au sérail, solidaires des privilèges
qu’ils en tirent, ainsi qu’aux dotations que leur prodigue le monarque
de droit divin Mohammed VI. C’est que ces festivités sont organisées
« en partenariat avec le Ministère de la Culture du Royaume du Maroc ».
La présence du tonitruant ambassadeur du Maroc à Bruxelles Samir Addahre
aux ouvertures de ces festivités prouve une participation financière
conséquente (ce que la Commissaire Fabienne Verstraeten a clairement
avoué dans l’émission « Le Forum de Midi » ce 25 octobre à la RTBF https://www.facebook.com/notes/la-premi%C3%A8re-le-forum-de-midi/ce-jeudi-25-octobre-%C3%A9mission-sp%C3%A9ciale-daba-maroc-blasph%C3%A8me-et-libert%C3%A9-dexpressio/452663228109229
Ces manifestations culturelles qui commencent le 3 octobre et
s’arrêtent le 3 février, sont présentées d’une manière idyllique et
alléchante pour contre-attaquer illico presto toute voix discordante.
C’est ainsi que les participants, dupés ou consentants, sont présentés
en tant qu’« artistes-citoyens ». Et comme on ne peut éluder le contexte
dans lequel vont évoluer ces manifestations, il est dit que ces
artistes sont « en prise avec les questions qui traversent le monde
arabe aujourd’hui. La question de la démocratie, ou celle d’un ancrage
dans la société… »
Ma fille, ces « artistes-citoyens » seraient-ils tous
aveugles au point d’évoluer sous l’égide d’un pouvoir qui ignore le
contrat social et le contre-pouvoir ? Seraient-ils aveugles devant le
rafistolage et la manipulation de la fameuse Constitution présentée au
vote en 2011 ? L’un des rédacteurs de cette Constitution, Mohamed Tozy, a
révélé qu’elle a été retravaillée une fois entre les mains du monarque
et de son entourage ! Elle est où la démocratie dont parlent les
promoteurs de « Daba-Maroc », lorsqu’on sait que selon cette fameuse
Constitution, tous les leviers du pouvoir sont concentrés dans les mains
du monarque de droit divin ? Alors que la notion alléchante
« artistes-citoyens » ne peut être étayée valablement, lorsqu’on sait
que le peuple n’est désigné que par l’étiquette péjorative et dégradante
de « Sujets » : « les Sujets du roi » !
Malhonnêtes à ce point, nos intellectuels ? Non, il faudrait leur laisser cette marge de bénéficier du doute.
Car, ma fille vois-tu ? Le présupposé majeur de toute cette
falbala réside dans le « Daba », ce « présent et cet aujourd’hui du
Maroc » dont je t’ai parlé plus haut, et qui met ce pays dans la sphère
de la sacro-sainte « Exception »… Un pays si paisible et si stable, très
loin de la tourmente et des ébullitions qui ne cessent de secouer le
monde. Et surtout « passez votre chemin, il n’y a rien à voir ! ». Il
n’y a jamais eu de « roi prédateur » et « il faut nous soutenir contre
les ennemis de notre pays et de nos traditions » ! Il n’y a jamais eu de
« Mouvement du 20 février » que les « amis » du Maroc (l’Etat
Français ; l’Etat Belge…) font tout pour étouffer au nom de « Notre ami
le roi », à l’instar de « Notre ami Ben Ali » que le peuple tunisien a
fini, en dépit de leur soutien ignominieux, par le faire « Dégager ».
Ma fille, en réalité ce « Daba-Maroc » est un mini « L’Année
du Maroc » en Belgique au moment où la contestation contre ce régime se
précise et s’organise pour l’instauration d’un Etat de Droit. Il est
fort navrant de voir l’un des immenses poètes marocains, Abdellatif
Laâbi, participer à cette fanfreluche pour soutenir un régime qui n’a
rien changé de ses réflexes autoritaristes et tortionnaires (Juan
Mendez, rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, vient d’accabler cet
Etat qui endosse nombre de violations des droits humains et qui
pratique honteusement de la torture…). Comment ce poète qui était
l’initiateur de « L’Autre Maroc » en réaction à « L’Année du Maroc » en
France en 1999, si engagé contre l’inhumain, joue aujourd’hui la carte
d’un système qui n’est pas prêt à changer ni à faire décoller le pays
vers le progrès et la prospérité ? Mystère !
Ma fille, des jeunes débordant de vie et frétillants d’espoir
sont en prison, parce qu’ils militent dans le Mouvement du 20 février ;
un mouvement pacifique, organisé et civilisé en vue d’un authentique
changement. La liste est longue de ces prisonniers, nos héros. Et les
condamnations pullulent et vont jusqu’à 12 ans.
Et je veux mentionner ici que le poète marocain Younes
Benkhdim est en prison pour 2 ans. Son seul crime est celui de militer
au sein du Mouvement du 20 février. Un rappeur marocain Mouad Belghouat,
alias Al 7aked, est en prison pour un an. Ne sont-ils pas des
« artistes-citoyens » pour « Daba-Maroc » ? Et que dire du cas du
journaliste Ali Lmrabet interdit d’exercer sa passion de journaliste
pour dix ans, et qui continue à subir des vexations indignes de la part
d’un pays qui se dit « démocratique » ? Sans parler de nombreuses
censures et interdictions de journaux suivie de persécution éhontée de
nos meilleurs journalistes !
Et contre ces violations et ce despotisme, ma fille adorée,
allons-nous croire que nos intellectuels (soutenus par les intellos de
service), ceux qui sont bien consentants pour faire la promotion de
« Daba-Maroc » ne soufflent mot… ?!
Mais le plus saillant et le plus lumineux dans cette
gesticulation culturelle d’« artistes-citoyens » en vue de redorer le
blason d’un Mekhzen aux abois, et de lui restituer une certaine
virginité chirurgicale, c’est la manifestation que l’ambassadeur
marocain à Bruxelles Samir Addahre a organisé ce 4/11/2012 pour le
« Sahara Marocain » ; un conflit, pourtant entre les mains des instances
internationales : http://www.youtube.com/watch?v=R657ZPMJ1g0
Qui ne peut être convaincu que c’est dans la foulée de
« Daba-Maroc » que la politique politicienne se déploie sans sourciller,
en pleine lumière du jour ? Et voilà nos intellectuels bien piégés pour
ne pas dire escroqués et ridiculisés pour avoir souillé le concept de
« l’autonomie de la culture » vis-à-vis de la politique politicienne.
Seule éthique pourtant pour exiger un monde sans corruption, sans
prédations, sans despotisme, sans manipulations, sans mensonge et sans
injustice.
Ma pupille, chair de ma chair, il y a un autre présupposé à
« Daba-Maroc ». Celui de choisir entre le choléra et la peste :
l’islamisme (les analyses de nos intellos, à ce sujet, sont restés dans
le stade primitif et phobique…) et la démocrature (mirage bourré de
despotisme et de culte de la personnalité…). J’y reviendrai une autre
fois.
Mais, ma fille aimée, ton papa ne tournera jamais sa chemise
pour quelques dirhams. Il ne soutiendra jamais le despotisme… si éclairé
soit-il ! Et la culture pour lui, reste la seule porte ouverte sur la
fierté d’exister, la liberté et le combat contre les petitesses et les
calculs qui offensent et humilient les amoureux du clair de lune.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire