Par La Vie éco, 7/11/2012
La Vie éco : Parlez-nous d’abord de votre association...
A. T.: Notre
association a vu le jour en 2005. Tout a commencé dans les quartiers
populaires de Casablanca, dans les bidonvilles de Hay Mohammadi et d’Aïn
Sebaâ. Des jeunes, cadres et étudiants ou parents ordinaires se sont
mobilisés afin de combattre ce fléau qui mine nos enfants et nos jeunes
et qui représente une véritable menace pour nos familles. Nous voulions
également mettre un terme à cette violence engendrée par l’addiction aux
drogues. Une violence qui s’est radicalisée avec la consommation
courante du karkoubi, avec pour conséquence des viols, des parricides et
des matricides.
Nous avons
dès lors décidé la mise en place d’une stratégie de lutte contre la
consommation de la drogue avec l’organisation de dizaines de caravanes
dans plusieurs villes du pays. Notre objectif était de tirer la sonnette
d’alarme et de nous rendre compte sur le terrain de la prévalence du
fléau. Nous avons constaté de visu les ravages qu’engendre la
consommation de tous types de drogues.
Quel est le constat pour ce qui est de la consommation de la drogue au Maroc ?
On assiste à une recrudescence de la
consommation de la drogue spécialement chez les enfants et chez les
adolescents. Il n’y a qu’à voir le nombre de SDF enfants et adolescents,
les sniffeurs de colle... Tous étaient à l’école ou au collège qu’ils
ont quittés pour l’inconnu.
Quelle est la situation dans les établissements scolaires ?
Aujourd’hui, la drogue touche même
les collèges, avec la montée de la consommation du maâjoun mélangé à des
gouttes d’haldol (genre de psychotrope), du haschich et des
psychotropes, chez les 13, 14 et 15 ans, garçons et filles. Nous nous
dirigeons vers un Maroc de l’addiction quand on voit le nombre
considérable d’adolescents qui deviennent dépendants aux drogues. Et qui
dit addiction, dit délinquants, criminels, agresseurs… Cela se confirme
avec la prolifération de la criminalité surtout dans les quartiers
populaires. Autre indicateur de taille, la violence dans et aux
alentours des stades lors des matchs de football. Cela est dû à la
consommation de psychotropes par des adolescents dont une bonne partie
sont des collégiens. Un chiffre significatif : durant la deuxième
semaine du mois d’octobre, un matricide et deux parricides ont eu lieu
dans différentes régions du Maroc par des adolescents sous l’influence
de la drogue. L’Etat doit s’acquitter de son rôle afin de protéger nos
collèges et nos lycées de ce fléau. Il faut savoir que l’addiction coûte
beaucoup d’argent, parfois jusqu’à 200 DH par jour pour la personne
dépendante. Ce qui les pousse à la criminalité, au vol et à la
prostitution.
Est-il vrai que la consommation de la drogue se féminise de plus en plus ?
Les filles s’adonnent au maâjoun,
fument des cigarettes et consomment de la chicha dans les cafés à
chicha. Ces endroits sont de véritables lieux d’initiation aux autres
drogues, à la prostitution et à la délinquance des jeunes filles. Nous
avons recensé un nombre important de collégiennes qui fréquentaient les
cafés à chicha et qui sont devenues des prostituées professionnelles. Il
est anormal que des cafés à chicha soient d’ailleurs situés à proximité
des établissements scolaires.
Quelle est la réaction du corps enseignant ?
Ils sont totalement dépassés par
l’ampleur du phénomène. Ils se sentent quelque part abandonnés parce
qu’ils ne sont pas outillés pour faire face à des enfants ou à des
adolescents sous l’emprise de la drogue. Les établissements scolaires
ont besoin de spécialistes pour aider les professeurs à contrer ce
fléau.
Et la police ?
Il semble que la police a baissé les
bras devant l’ampleur du phénomène. Cette institution souffre d’un
manque d’effectifs. Il faut également penser à une approche sécuritaire
appropriée aux établissements scolaires, et qui soit concoctée en
partenariat avec l’école et la société civile. Mais l’Etat n’a aucune
politique globale pour lutter contre la consommation de drogue dans les
établissements scolaires.
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