par Attac/Cadtm Maroc, 24/9/2012
Coordination nationale, session de septembre 2012
DECLARATION FINALE
Notre association a tenu le 16 septembre 2012 à Rabat la session
ordinaire de sa Coordination nationale. Cette réunion se tient dans un
contexte de crise continue du système capitaliste et de la perte de
crédibilité de son modèle de développement par le marché. Notre réunion
coïncide également avec la persistance des mobilisations politiques et
sociales sur le plan international, offrant une occasion pour des
alternatives radicales au modèle capitaliste en place. L’occasion pour
nous de faire le point sur la situation économique du pays et de
rappeler le climat de répression qui pèse sur les militant-e-s.
Crise internationale, crise marocaine
Malgré l’hypocrisie du discours officiel, la crise internationale a
un impact négatif et direct sur l’économie marocaine. Surtout que les
centres de décisions de notre pays ont hypothéqué le développement aux
investisseurs étrangers et aux exportateurs vers la zone euro.
Aujourd’hui, la zone euro est au bord de la faillite, et réduit sa
demande internationale. Pire, les choix hasardeux de nos décideurs ont
fait passer le Maroc d’un pays exportateur de produits agricoles à un
pays dépendant pour nourrir sa population. En témoigne la tension sur
marché du blé et la nécessité pour le pays d’importer davantage chaque
année. La crise actuelle amplifiera l’échec des stratégies sectorielles
dans l’agriculture, le tourisme, l’industrie, etc…reposant toutes sur la
demande internationale.
Pour sortir de leurs crises, les centres de décisions impérialistes
mettent la pression sur les pays du Sud pour que ces derniers ouvrent
leurs marchés et annulent les barrières douanières, et ce à travers des
Accords de Libre Echange (ALE). Les pays du Nord font pression pour
créer « un climat des affaires » qui favorise les Investissements
Directs Etrangers (IDE). Nos gouvernements, depuis deux décennies y
répondent par des programmes d’infrastructures, des zones franches, des
exonérations fiscales et une offre immobilière alléchante (terrains à un
prix symbolique, zones industrielles équipées, etc…). Pour couronner le
tout, notre Etat propose une main d’œuvre qualifiée à des salaires de
misère. Aidés par un Code du travail instituant la flexibilité et la
sous-traitance et une protection sociale quasi-inexistante, ces
« investisseurs » créent des emplois précaires pour des jeunes souffrant
d’un chômage de masse. De son côté, l’Union Européenne, le premier
partenaire économique du Maroc, demande plus au gouvernement. Et ce
dernier négocie, à l’instar de l’Algérie, la Tunisie et la Jordanie, un
approfondissement du libre-échange entre l’UE et les pays du sud de la
méditerranée.
Le gouvernement actuel veut être un bon élève et promet de faire
davantage. Il prépare une loi qui musellera encore plus le droit de
grève. Ce texte s’ajoutera à l’article 288 du code pénal, qui
criminalise les grévistes. Le gouvernement annonce aussi sa volonté de
faciliter davantage l’IDE dans les secteurs sociaux (santé, éducation,
eau, électricité, transport en commun, collecte des déchets, logement
social, etc…). Il ne cache pas, également, sa volonté d’ouvrir le
portefeuille public au privé spécialement dans les secteurs de
l’aviation, les ports, les chemins de fer et les banques. Ces mesures
corroborent les recommandations des Institutions financières
internationales et réduisent notre souveraineté économique, déjà entamée
par la spirale de la dette.
Dette : le retour de la dette extérieure et du FMI
L’endettement de l’Etat atteint des sommets. La dette publique
(intérieure et extérieure) du Maroc affichait à fin 2011 le chiffre de
582 milliards DH (MMDH), soit 52 milliards de dollars. Cette dette
équivaut à 72% du PIB. Elle est répartie entre dette extérieure : 190
MMDH (21,9 MM$) et intérieure : 392 MMDH. A la fin de 2012, la dette
atteindra 636 MMDH, soit 75% du PIB. Le service de la dette (emprunts+ intérêts) a coûté entre 2004 et 2011, 94 MMDH au budget !
Ces remboursements se divisent comme suit : 18,5 MMDH pour la dette
intérieure et 75 MMDH pour la dette extérieure. Pour saisir l’ampleur du
poids de la dette, il est utile de rappeler un chiffre : entre 1983 et
2011, le Maroc a remboursé à titre de dette extérieure 115 MMDH, soit 8
fois la somme empruntée ! Et il doit encore rembourser aux créanciers 22
MMDH.
Les années 2000 ont été marquées par une orientation vers
l’endettement sur le marché intérieur, aujourd’hui l’Etat s’oriente de
nouveau vers l’international. Ainsi un appel sur le marché international
s’est fait en 2010 pour vendre des bons de trésors d’une valeur de 1 MM
euros. Un nouvel appel est prévu entre octobre et novembre 2012 pour
une souscription du même montant. A cela s’ajoute l’ouverture d’une
ligne de précaution et de liquidité (LCP) de 6,2 MM$ (53MMDH) mise à
disposition du Maroc par le FMI pour couvrir le déséquilibre de la
balance des paiements pour les deux prochaines années.
Répression et procès iniques
Ces politiques nous mènent droit au mur. La crise qui s’annonce devra
être supportée –une nouvelle fois- par les classes pauvres et
paupérisées. Le peuple qui réclame pourtant des services publics de
qualité et de l’emploi subit répression, arrestations et procès iniques,
le dernier en date étant celui des membres du Mouvement du 20 février
(M20F) à Casablanca.
Notre association dénonce les verdicts impartiaux de ces procès.
Aujourd’hui, agriculteurs (région de Chlihat), étudiants (Marrakech,
Kénitra, Fès, Taza, etc…), ouvriers, militants du M20F sont poursuivis
ou condamnés dans le cadre de cette répression féroce menée par le
régime. Nous exigeons la libération immédiate de tous ces prisonniers et
l’arrêt des poursuites à leur encontre.
Nous dénonçons également le harcèlement continu à l’égard de notre
association et ses membres. Nous sommes encore privés de notre droit
d’organisation. L’Etat vient de refuser le renouvellement de notre
récépissé légal, au mépris de la loi. Nos membres sont poursuivis pour
leur militantisme. Les derniers procès en date sont ceux d’Ibrahim Bara
et Hassan Agherbi du groupe d’Ifni. Mustapha Sandia, Hicham Laâouini,
Medkouri, du groupe de Safi sont également poursuivis à cause de leur
action.
En conclusion, nous saluons les initiatives prometteuses appelant à
l’audit de la dette publique en Tunisie et en Egypte. A cette occasion,
nous lançons un appel aux organisations populaires pour créer un front
commun pour réaliser un audit complet de la dette publique marocaine et
ce dans la perspective d’annuler la partie odieuse de cette dette. Notre
appel s’adresse aussi à toutes les organisations soucieuses de l’avenir
du peuple marocain, de ses richesses et de sa souveraineté nationale.
Rabat, 16/09/2012.
Conseil de Coordination National
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