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vendredi 20 juillet 2012

AMDH Rapport annuel Violations des droits humains

 Nous présentons ici les le rapport de presse distribué par l’Association Marocaine des Droits Humains à la suite de la présentation de son rapport annuel sur la situation des violations des droits humains au Maroc. Rapport que l’AMDH émet régulièrement depuis 1995, pour mettre en exergue les violations de l’État marocain de ses engagements internationaux en matière des droits humains et son manquement à la mise en œuvre effective de ses engagements en général tant dans la pratique qu’au niveau législatif. Ce rapport relève les différentes catégories de droits selon les domaines suivis par l’A.M.D.H. 

En 2011, les violations relevées dans ce rapport sont suffisantes pour mettre en exergue l’orientation générale caractérisant la politique publique en la matière et reflètent, qu’en dépit de ses engagements nationaux et internationaux, l’État manque de volonté politique effective pour le respect des droits et des libertés.

 Voici les conclusions de ce rapport:

 I. Au niveau législatif : 

1) La Constitution

 Sous la pression des masses du «Mouvement du 20 février», l’État marocain a procédé à des amendements constitutionnels annonçant certaines libertés et des droits tels l’incrimination de la torture, de la détention arbitraire et de la disparition forcée. Cependant, l’effet desdits droits et libertés reste très restreint en l’absence de garanties constitutionnelles – surtout judiciaires – pour leur mise en œuvre, de la garantie de leur sauvegarde et de la non-impunité des auteurs de leur violation ; en outre, la suprématie des pactes internationaux des droits humains dans la Constitution ne peut dépasser le plafond des particularités illustré par les dispositions de la Constitution, de la législation locale et de l’identité nationale ce qui constitue une contradiction vidant de tout sens la mention de cette suprématie (Préambule). 
 La Constitution actuelle ne consacre aucunement l’égalité effective entre la femme et l’homme du fait que ladite égalité doit respecter les particularités illustrées dans « les dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume » qui constituent la source de la discrimination entre les deux sexes en matière des droits civils et justifient les réserves émises par le Maroc ce qui vide la stipulation de l’égalité entre les deux sexes de son sens de droits humains universels.

 En dépit de la promulgation dans la Constitution, pour la première fois, de l’amazighe en tant que langue officielle, le processus de sa mise en œuvre est lié à la promulgation d’une loi organique ; en outre, le classement adopté place la langue amazighe en seconde position après la langue arabe. (Article 5) 

 En général, la Constitution ne reconnaît ni le droit du peuple marocain à s’autodéterminer ni la séparation réelle des pouvoirs ; et sans les conditions nécessaires à son harmonisation avec les pactes internationaux des droits humains, son essence despotique est préservé et reste loin des composantes d’une constitution démocratique. 

2) Les instruments internationaux non ratifiés par le Maroc

 Le Maroc a dernièrement ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ; par ailleurs, le Gouvernement a annoncé son intention de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Toutefois, le Maroc tergiverse toujours quant à la ratification de nombreuses chartes et conventions internationales sur les droits humains avec en tête la Convention de Rome sur la Cour pénale internationale, les deux protocoles relatifs au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la levée de toutes les réserves et des déclarations interprétatives des conventions ratifiées. Il n’a pas non plus ratifié un bon nombre de conventions de l’Organisation internationale du travail avec en tête la Convention n° 87 sur la liberté syndicale.

 3) Le Conseil national des droits humains

 En dépit de l’élargissement des attributions du Conseil national des droits de l’Homme (C.N.D.H.), créé en mars 2011, sa composition et les dispositions le régissant font qu’il soit sous l’autorité absolue du Roi ; son règlement intérieur (article 45), son ordre du jour et les résultats de ses travaux sont soumis à l’approbation du Roi (articles 46 et 49) ; les rapports, les avis, les recommandations et les propositions du C.N.D.H. ne sont publiés qu’après qu’ils aient été portés à la connaissance du Roi (article 48) ; le Président du C.N.D.H. ne peut proposer la création d’une commission ad hoc pour l’examen d’une affaire donnée relevant de sa compétence (article 45) ni déléguer une partie de ses attributions à des membres du C.N.D.H. sans solliciter l’approbation du Roi (article 49). 

Ainsi, en considérant « les Principes de Paris », il apparaît que le C.N.D.H. ne répond pas aux critères des institutions nationales chargées de la protection et de la promotion des droits humains ; le mandat du C.N.D.H. n’est pas suffisamment élargi ; il ne dispose ni de prérogatives à même de lui permettre le suivi de la mise en œuvre de ses recommandations ce qui est contraire aux attributions et responsabilités des institutions nationales prévues par « les Principes de Paris » ni de l’autonomie nécessaire pour accomplir ses tâches à savoir le suivi de la situation des droits humains et la présentation de recommandations concernant leur évolution ; en outre, son double référentiel laisse planer l’ambiguïté sur sa démarche méthodologique. 

4) Les recommandations de l’Instance équité et réconciliation

 Six ans après l’approbation, le 06 janvier 2006, du rapport final de l’Instance équité et réconciliation par le Roi, la plupart des recommandations émises ne sont toujours pas mises en œuvre alors que certaines ne requièrent que la volonté politique en l’occurrence la présentation des excuses officielles et publiques de l’État et la ratification d’un bon nombre de conventions et de protocoles.

 5) La promotion de la culture des droits humains et la démocratie 
 
 La plateforme citoyenne pour la promotion de la culture des droits de l’Homme annoncée officiellement par l’État en 2008 n’a toujours pas vu le jour ; par ailleurs, l’État n’a donné aucune suite au Plan d’action national en matière de démocratie et de droits de l’Homme (2011-2016) ce qui est le cas pour un bon nombre de plans, projets et recommandations concernant l’évolution de la situation des droits humains. 

II. Les droits civils et politiques  

1) Le droit à la vie, à la protection contre la torture, à l’intégrité physique et à la sécurité personnelle.

 L’A.M.D.H. a enregistré de nombreuses violations commises directement ou indirectement par l’État portant atteinte au droit à la vie du fait de la violence infligée aux citoyen(ne)s dans les locaux de la police, dans les lieux publics, dans les centres hospitaliers à cause des négligences, dans les prisons à cause du surpeuplement, de l’absence des conditions d’hygiène et de la montée de la violence, suite à des événements de protestation, lors des manifestations et des sit-in des masses populaires, au cours de la garde à vue ou après arrestation par des patrouilles de police… Ces violations commises par les différentes forces des autorités publiques, usant de différents moyens, sont devenues monnaie courante à l’encontre des citoyens et surtout du mouvement populaire qui a vu le jour avec le Mouvement du 20 février ; en général les responsables jouissent d’une protection les plaçant au-dessus de toute poursuite ou responsabilisation ce qui les encourage à persévérer dans leurs exactions.

 2) la détention politique.

 Estimé à 48 en 2011(48 cas traités par l’AMDH), le nombre des détenus politiques est relatif en raison du flux et du reflux dans la fluctuation de la détention politique car les durées des jugements sont plus courtes par rapport à celles d’auparavant. Ces détenus sont répartis selon des groupes. Nous en citons à titre d’exemple : les activistes du Mouvement du 20 février, des défenseurs des droits humains, les détenus des mouvements de protestation, les détenus d’opinion sahraouis, des syndicalistes, les activistes de l’Union nationale des étudiants du Maroc parmi lesquels, après leur durée d’incarcération, seuls certains parmi eux ont été libérés, les détenus politiques restants du dossier Bellirej… Il y a, en plus, de nombreux détenus de ladite Salafiyya Jihadiyya qui sont victimes de procès iniques. D’autre part, un bon nombre de détenus politiques ont été libérés, en avril 2011, sous la pression du Mouvement du 20 février et d’autres après l’investiture du nouveau Gouvernement. Concernant les activistes du Mouvement du 20 février dont des victimes de la détention politique, nous avons élaboré un rapport distinct sur les différentes violations des droits humains. En conséquence, la détention politique est toujours en vigueur au Maroc. 

3) La disparition forcée au Maroc et les cas d’enlèvement 

 La vérité n’a pas été dévoilée concernant de nombreux dossiers de disparition forcée. Parmi les cas en suspens, nous citons ceux évoqués dans le rapport de l’Instance équité et réconciliation avec en tête les dossiers de Mehdi Ben Barka, Houcine El Manouzi, Abdelhak Rouissi, Abdelatif Zeroual, Ouazzane Belkacem, Omar El Ouassouli, Mohamed Islami … L’A.M.D.H. a enregistré environ 42 nouveaux cas d’enlèvement en 2010-2011. Est considérée comme enlèvement, toute arrestation de toute personne en dehors du domaine de la loi sans avertir sa famille qui le cherche du lieu de son incarcération.

 4) La situation générale au sein des prisons 

 La réalité carcérale est toujours en dégradation et connaît des violations graves des droits des prisonniers soulignés dans les règles minima pour le traitement des détenus en raison de la primauté accordée à l’approche sécuritaire dans les prisons illustrée par le fait que les établissements pénitentiaires sont supervisés par l’un des auteurs des crimes qu’ont connus les années de plomb et par la pratique de la politique de la punition collective à l’encontre des détenus et notamment après les incidents de la prison de Salé les 16 et 17 mai 2011 ce qui a entrainé l’ascension de différentes formes de protestation individuelles et collectives, l’observation de nombreuses grèves de la faim par les détenus et particulièrement ceux de ladite Salafiyya Jihadiyya et même des décès (quatre cas, au moins, ont été enregistrés : Mustapha Lazaâr à Bouarfa, Ahmed Rachiq à Meknès, Ouaziz El Ouedghiri à Fès et Ahmed Ben Miloud à Salé II en 2012). 

En outre, le Délégué général de l’administration pénitentiaire interdit à la plupart des composantes des droits humains, dont l’Organisation Mondiale Contre la Torture et les médias nationaux et internationaux, d’accéder aux établissements pénitentiaires pour constater les conditions d’incarcération et si les droits des détenus sont ou non respectés. 

5) Les libertés publiques 

 Les libertés publiques ont connu, en 2011, des régressions concrètes. De même, le rythme des violations a augmenté quant à l’exercice des individus et des groupes de leur droit d’expression, le droit de créer des associations, le droit de rassemblement comme c’est le cas dernièrement des magistrats qui ont réservé en bonne et due forme le lieu de leur assemblée pour être en fin de compte interdits d’y accéder sous prétexte que des instructions ont été données. 

De même, les violations sont plus fréquentes quant à la liberté de la presse, la liberté syndicale, la liberté de circulation ; en outre, plusieurs lois transgressent toujours les libertés individuelles et notamment la liberté de manifester sa religion. 

6) Le droit de manifestation pacifique

Ce droit est violé à travers les interventions violentes des forces publiques et l’utilisation excessive de la force hors du domaine de la loi ce qui a causé la mort, en l’occurrence celle de Karim Chaïb à Séfrou, le 20 février 2011, et de Kamal Ammari, le 29 mai 2011, qui n’a été l’objet d’aucune enquête et aucun des auteurs de ces crimes n’a été sanctionné. Il a été aussi fait usage de bombes lacrymogènes, de canons à eau, de balles en caoutchouc, et de gourdins, de matraques électriques et de barres de fer contre des manifestants pacifiques et pour la dispersion par la force de sit-in pacifiques organisés dans de nombreuses villes par les enchômagés ou les habitants revendiquant leurs droits économiques et sociaux ou contre la spoliation de leurs terres ou par les ouvrières et les ouvriers protestant contre la violation de leurs droits ou par le mouvement des femmes soulaliyyates revendiquant leur droit à la terre… 

Les autorités recourent, aussi, aux services de civils qu’elles instrumentalisent et couvrent pour qu’ils attaquent les manifestants et les activistes du mouvement de protestation en toute impunité en dépit de l’ouverture d’une enquête par la police judiciaire sur quelques plaintes qui n’ont pas fait objets de poursuites pour la plupart d’entre elles.

 7) La violation du droit à s’organiser

  C’est le cas de l’Association nationale des diplômés chômeurs, du parti al-Badil al-Hadari, du parti al-Oumma, du Groupe de travail « Migrations et développement », de l’Instance nationale pour la protection des biens publics au Maroc et de nombreux bureaux syndicaux, des associations locales et quelques sections de l’Association Marocaine des Droits Humains. 

8) La violation de la liberté de presse et le contrôle de l’État sur les médias publics 

 L’État marocain continue à restreindre le droit d’accès à l’information, à faire subir des procès inéquitables à des journalistes, à prononcer des jugements injustes à leur encontre comme c’est le cas de l’arrestation et du procès du journaliste Rachid Nini à Casablanca, de la poursuite du journaliste Mustapha Alaoui dans le cadre d’un procès qui ne réunit pas les conditions d’un procès équitable et à plusieurs reprises du directeur du journal al-Michaâl. En plus, des pressions sont exercées contre les journaux indépendants en recourant aux personnes influentes politiquement pour user de leur autorité et interdire les annonces publicitaires aux journaux critiquant les autorités alors que l’État contrôle toujours les médias publics qu’il emploie dans sa propagande politique et dans le dénigrement contre certains militants et contre des instances dans l’absence de l’éthique professionnelle et du devoir de neutralité imposé à l’État.

 9) La Justice marocaine 

  Les appareils exécutifs de l’État continuent toujours à se servir du système judiciaire pour lui faire prononcer des jugements injustes dans des procès inéquitables en l’occurrence ceux lors desquels ont été poursuivies les victimes de la répression de la liberté d’opinion et d’expression, de la liberté de la presse, des syndicalistes, des activistes politiques, des participants aux protestations sociales, des défenseurs des droits humains dont de nombreux membres de l’A.M.D.H., et les détenus en rapport avec les dossiers de la lutte anti-terroriste. Le système judiciaire est aussi utilisé pour concocter des dossiers contre des citoyens innocents afin de régler des comptes personnels comme c’est le cas du champion mondial Zakaria Moumni et celui de certains citoyens à Khénifra à cause de l’influence de l’une des parentes du Roi dans la région qui jouit de la protection des autorités ; par ailleurs, les condamnations à mort continuent d’être prononcées. 

III. Les droits économiques, sociaux et culturels 

 A l’instar des années précédentes, l’année 2011 a enregistré la continuité de la même situation au niveau économique, social et culturel puisque les indicateurs importants n’ont connu aucune amélioration sensible ; ils ont plutôt enregistrés un recul retentissant. Le pourcentage de déficit budgétaire, selon certains experts, a atteint 6% alors que la dette a dépassé 50% du produit intérieur brut ; cependant l’économie de rente et des privilèges continue sa domination, la corruption s’aggrave, l’impunité devient la règle dans les crimes économiques et sociaux, les responsables de la dilapidation des deniers publics ne répondent pas de leurs crimes et les condamnés sont toujours libres. 

Selon le rapport mondial sur le développement humain de 2011 émis par le programme des Nations unies pour le développement, la position du Maroc a rétrogradé de 16 points dans l’échelle de classification mondiale ; il est passé du 114e rang qu’il occupait en 2010 au 130e sur 181 pays. Le même rapport classe le Maroc parmi les dix pays ayant enregistré la plus faible proportion de privation et de la pauvreté multidimensionnelle ; cette proportion a atteint 45% et l’incidence des populations vivant dans une pauvreté multidimensionnelle est de 3,3%. Dans le même contexte, l’« enquête sur les ménages et la jeunesse au Maroc » publiée dans le rapport de la Banque mondiale en mai 2012, intitulé « le Royaume du Maroc : Promouvoir les opportunités et la participation des jeunes » montre qu’environ la moitié des jeunes, représentant environ 30% de la population totale et 44% de la population active, n’ont ni fréquenté les écoles ni adhéré à la main-d’œuvre et que le taux de chômage parmi eux représente en moyenne entre 22% chez les hommes et 38% chez les femmes. Par conséquent, il n’est pas surprenant que le rythme des mouvements de protestation s’accélère et leur champ d’action s’étende et ce en rapport avec la dynamique déclenchée par le Mouvement du 20 février et la rétrogradation que connaissent les droits économiques et sociaux en raison de la chute du pouvoir d’achat de larges tranches parmi les citoyennes et les citoyens, l’augmentation des prix et la détérioration des services sociaux.

 Le droit au travail et les droits des travailleurs 
 - Le droit au travail 

Enregistrons, de prime abord, le problème persistant du chômage qui ne fait que s’aggraver et l’incapacité de l’État à en assurer la protection puisque l’année 2011 n’a connu aucune amélioration significative dans la situation de l’embauche des diplômés chômeurs. Le dernier rapport arabe, sur l’embauche et le chômage dans les pays arabes, indique que la proportion de chômage parmi les lauréats des universités et des instituts supérieurs au Maroc, dont le nombre est estimé entre 170 mille et 20 mille, a atteint 26,8% ce qui représente le taux le plus élevé dans la région et ce en dépit de l’embauche partielle de certaines catégories parmi eux comme c’est le cas de 4304 enchômagé(e)s titulaires du master et du doctorat avant fin décembre 2011qui ont bénéficié, à titre exceptionnel, de loi approuvée par le Conseil du gouvernement pour le recrutement direct dans l’administration publique et les collectivités locales. C’est ce qui explique l’intensification de la lutte qu’ont connue les différentes catégories et organisations des mouvements de protestation des enchômagés et surtout après le déclenchement du Mouvement du 20 février revendiquant l’emploi. Face à cette escalade qualitative et quantitative des luttes, l’État use tantôt du dialogue et souvent de la répression sévère et recourt de plus en plus aux arrestations et aux procès. 

 - Les droits des travailleurs 

 Le Maroc n’a toujours pas ratifié un ensemble de conventions avec en tête la Convention n° 87 sur « la liberté syndicale et la protection du droit syndical » en dépit de l’engagement pris par le Gouvernement lors du dialogue social le 26 avril 2011. En outre, il n’a pas signé le protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Quant au Code du travail, en dépit de ses défauts et insuffisances, il ne s’applique que dans un nombre limité d’établissements du secteur privé même après la fin dudit « plan d’action national de mise en conformité sociale » qui a contribué dans une large mesure à encourager la transgression du Code du travail dans le cadre de la politique d’impunité et au moment où de nombreuses dispositions contraires au droit de grève et des libertés syndicales sont toujours en vigueur avec en tête l’article 288 du Code pénal et l’article 5 du décret du 5 février 1958 relatif à l’exercice du droit de grève par les fonctionnaires. Les droits de travail les plus élémentaires ne sont toujours pas garantis (la carte de travail et de paie, l’adhésion à la Caisse nationale de sécurité sociale, la détermination des heures de travail, les congés hebdomadaires et annuels …)

. Les licenciements arbitraires des ouvriers et collectifs et les fermetures illégales des établissements de production continuent et l’exercice des droits et des libertés syndicales est incriminé et particulièrement dans le secteur privé. 

 - Le droit au logement 

 La politique dudit logement social à travers laquelle l’État essaie d’alléger la crise de logement est restée vaine puisque elle n’est pas parvenue au niveau requis pour laisser le champ libre aux spéculateurs et aux mafias de l’immobilier.

 Par ailleurs, des lobbys encouragent l’habitat insalubre et la multiplication de bidonvilles sans l’intervention de l’État qui par contre recourt à l’évacuation des résidents et démolit leurs constructions sans leur offrir d’alternatives. 

Le début de l’année 2011 a connu l’immolation par le feu pour la revendication du droit au logement (cas de Fadoua Laroui à Souk Sebt) et des événements sanglants à la suite des interventions des forces publiques pour réprimer les manifestations pacifiques des habitants revendiquant le droit à un logement décent (cas de douar « Lahouna » (les délaissés) ou « al-Majd » à Taourirt). De nombreux résidents de bidonvilles et propriétaires de maisons délabrées se sont regroupés pour constituer des coordinations ou des comités de suivi. C’est le cas à Casablanca où ils organisent des sit-in pour revendiquer à cor et à cri le droit au logement décent et sont souvent réprimés, arrêtés et jugés. L’année 2011 a connu des démolitions de constructions et l’évacuation forcée des résidents en dépit de la détention de documents attestant qu’ils sont propriétaires des lots de terrains sur lesquels ils ont bâti leurs habitats. 

 - Le droit à la santé 

 Le système de santé au Maroc souffre de déséquilibres structurels majeurs dans la gestion, le financement et la gouvernance qui s’illustrent comme suit : La problématique d’accès aux services sanitaires. Les maladies chroniques, le taux élevé de maladies infectieuses. L’obligation pour les citoyens démunis de payer une contribution financière, s’étalant entre 200 dirhams et 50% du montant de la facture des soins, sans fondement juridique. Le citoyen marocain supporte seul plus de la moitié de la couverture globale destinée à financer tout le secteur sanitaire (57%). Par la politique pharmaceutique au Maroc, les médicaments sont très chers par rapport aux pays similaires en termes de revenus. La santé préventive et les soins primaires sont marginalisés et relégués au second rang dans la stratégie du ministère. 

 Les ressources humaines du secteur et particulièrement les spécialistes connaissent de nombreuses difficultés quant à leur effectif. l’État se dérobe de son rôle principal qui lui impose d’offrir aux citoyens les services sanitaires; cette régression montre que l’État se soustrait à son rôle social qui est le principal déterminant de son existence ; ainsi, le secteur privé s’accapare de ce domaine sans respecter la politique publique suivie en ayant un seul souci, la réalisation des bénéfices. 

 - Le droit à l’éducation 

 Bien que les années scolaires 2010-2011 et 2011-2012 aient commencé à temps, de nombreux nouveaux établissements n’ont pas ouvert les portails et un grand nombre d’internats créés sont restés fermés à cause des travaux non achevés alors que dans d’autres établissements les réparations ont continué en dépit du commencement des études (41,3% pour les établissements primaires et secondaires collégiens et 35% dans le secondaire qualifiant). D’autre part, le surnombre, le manque de cadres administratifs et pédagogiques, les classes combinées à niveaux multiples sont les caractéristiques générales de l’entrée scolaire. En outre, le taux des établissements disposant de l’eau potable, de l’électricité, des services hygiéniques et sanitaires et d’assainissement montre une évolution très lente ne répondant pas aux besoins urgents en équipement. Le problème de la déperdition scolaire pour des raisons relatives à la pauvreté, à la qualité de l’enseignement et à la discrimination entre les sexes enregistre une proportion élevée et ce qui rend cette situation préoccupante, c’est le taux élevé de redoublements. 

Pour ce qui est de l’éradication de l’analphabétisme, les efforts déployés par l’État restent insuffisants ; si la direction de la lutte contre l’analphabétisme estime que le taux d’analphabétisme a régressé à environ 30%, les statistiques de l’UNESCO estiment que le taux des Marocains adultes, qui ne savent ni lire ni écrire, est de 44% et que parmi les jeunes âgés entre 15 et 24 ans, ce taux est de l’ordre de 21% dont la majorité sont des femmes. 

 - Les droits culturels 

 L’année 2011 a connu de nombreuses protestations revendiquant les droits culturels : Des protestations revendiquant le soutien des artistes marocains, la levée de leur marginalisation et de mettre un terme aux interdictions dont souffrent certains d’entre eux et de résoudre leurs problèmes chroniques. La protestation de l’Union des écrivains du Maroc, Bayt achi’r (la Maison de la poésie) et la Coalition marocaine des cultures et des arts contre le manquement du ministère à ses engagements et le manque de clarté dans la vision et la conception de l’affaire culturelle et pour dénoncer la détérioration de la politique culturelle au Maroc pendant le mandat du ministre en charge. 

Sit-in du Comité de coordination des trois syndicats les plus représentatifs dans le secteur des médias audiovisuels publics devant le siège de la Société nationale de radiodiffusion et de télévision et en même temps devant 2M, le 1er avril 2011, sous le mot d’ordre « Pour des médias publics citoyens au service du peuple consacrant les valeurs de la modernité, de la démocratie, du pluralisme et de la diversité ». Protestation contre l’absence forcée et temporaire du programme culturel, littéraire « Macharif » animé par le poète Yassine Adnane pour l’empêcher d’inviter des personnalités culturelles de renommée. 

Protestation de nombreuses associations contre la mauvaise gestion des services culturels et de la répartition des budgets alloués sur la base d’un décret discriminatoire aux associations organisatrices des colonies de vacances selon leurs positions et tendances. 

- Les droits culturels et linguistiques amazighs 

 L’AMDH enregistre positivement la constitutionnalisation de la langue amazighe en tant que langue officielle aux cotés de la langue arabe stipulée dans l’article 5 de la Constitution de 2011 ; cependant, elle craint que la mise en œuvre de cette reconnaissance ne soit retardée par le processus de promulgation de la loi organique soulignée dans le même article. 

Elle relève, de même, que l’État s’abstient de répondre à la recommandation émise par le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale relative à la présentation de statistiques, de données et d’informations concernant la composition des habitants du Maroc et de l’usage de la langue maternelle, sur les langues communes et concernant tout autre indicateur se rapportant à la diversité ethnique. 

De même, elle enregistre l’interdiction du ministère de l’intérieur de plusieurs prénoms amazighs. L’enseignement de la langue amazighe n’a connu de succès ni en ce qui concerne les prévisions de généralisation à tous les établissements primaires de l’enseignement de la langue amazighe en 2012 ni au niveau du nombre d’élèves ayant bénéficié de l’apprentissage de cette langue et du manque de ressources humaines maîtrisant la langue. 

Quant à l’intégration de langue amazighe dans les médias, l’A.M.D.H. a enregistré positivement le lancement de la chaîne de télévision amazighe ; cependant, elle relève le faible niveau de la qualité et de professionnalisme et les restrictions concernant la liberté de créativité chez les employés des chaînes nationales et le recours à la censure de certaines interviews ; en outre la H.A.C.A. ne respecte pas les cahiers des charges concernant le nombre d’heures d’émission en amazigh ; la consécration de la discrimination à l’encontre des journalistes de la chaîne amazighe à l’instar des journalistes des autres chaînes ; la culture et la langue amazighes n’ont donc qu’une présence terne et formelle.

 IV. Les droits de la femme 

Selon le rapport du Forum économique mondial de 2010, le Maroc est passé du 124e rang en 2009 au 127e parmi 134 pays. Le Maroc est donc considéré parmi les pays les plus inégalitaires compte tenu de l’approche genre selon un ensemble d’indicateurs tels les difficultés que rencontrent les femmes pour accéder au marché du travail (69% parmi les femmes pour 44% des hommes) ; les femmes continuent à subir différentes formes de violence pendant que l’État hésite à promulguer la loi relative à la protection des femmes contre la violence et s’attarde à imposer le respect des autres lois en dépit de leurs faiblesses (avec en tête le Code de la famille) et à honorer ses promesses pour la levée des réserves sur la C.E.D.A.W. au lieu de les remplacer par des déclarations interprétatives ce qui constitue un manquement de l’État à honorer son engagement pour lever les réserves suscitées.

 V. Les droits de l’enfant

  L’État n’a toujours pas mis à exécution les plans établis dans le cadre de ses engagements internationaux concernant les droits de l’enfant. Les droits des enfants sont toujours objets de nombreuses violations avec en tête l’exploitation économique et sexuelle qui prend des dimensions graves.

 L’on relève aussi le taux élevé des décès infantiles au cours des accouchements ; plus de 60 mille filles travaillent dans des foyers dans des conditions similaires à celles des esclaves et certaines d’entre elles sont mortes du fait de la violence ; l’émigration de mineurs non accompagnés prend de plus en plus d’ampleur ; en plus la Justice montre beaucoup de clémence envers les auteurs de crimes contre les enfants. 

 La protection des enfants n’a pas la place qui doit lui être réservée dans le nouvelle Constitution eu égard au fait qu’elle ne répond pas aux engagements internationaux du Maroc et reste en deçà des revendications du mouvement des droits humains ; les droits de l’enfant doivent être stipulés explicitement tels que reconnus universellement et il s’avère nécessaire qu’une loi soit promulguée pour la création d’un organe national indépendant s’occupant des affaires et de la protection de l’enfance. En outre le retard de l’Etat marocain pour présenter son rapport devant le comité des nations unies chargé des droits de l’enfant.

 VI. Les droits des personnes handicapées

 Bien que le Maroc ait ratifié la Convention concernant cette catégorie de citoyennes et de citoyens et le Protocole facultatif s’y rapportant, le projet de loi se rapportant à leur mise en œuvre élaboré par le ministère concerné n’est toujours pas promulgué. Ainsi les ratifications du Maroc ne sont que formelles et sans effet quant aux concernés qui constituent l’une des catégories les plus souffrantes dans la société. 

VII. Les droits des migrants et des demandeurs d’asile 

 L’année 2011 a été caractérisée par les campagnes policières contre les citoyens subsahariens afin de les expulser vers les frontières maroco-algériennes dans des conditions inhumaines faisant fi des décisions administratives ou judiciaires. 

 Pour ce qui est de leurs conditions sociales, les citoyens subsahariens ne jouissent même pas de leurs droits essentiels tels le droit aux soins, à l’éducation et au logement ; les femmes ne sont admises aux hôpitaux ni pour accoucher ni pour recevoir les soins urgents ; les enfants nés au Maroc ne peuvent être enregistrés sur les registres de l’état civil et ne peuvent donc pouvoir être inscrits dans les écoles. 

 D’autre part, l’A.M.D.H. considère que les émigrés marocains – résidant en Occident – vivent des tragédies à cause du chômage, des persécutions raciales, des relations arbitraires qui existeraient entre l’émigration, l’extrémisme religieux et le terrorisme ; ces conditions se sont empirées du fait des répercussions de la crise économique sur les conditions des émigrés en général et notamment les maghrébins ; en outre, les régressions dans la politique de l’émigration en Europe sont continuelles ; l’A.M.D.H. a suivi les violations des droits humains issues de ces conditions et particulièrement celles concernant l’extradition des émigrés marocains vers le Maroc dont des mineurs non accompagnés.  Pendant que l’émigration irrégulière des Marocains vers l’Europe est responsable de véritables tragédies causant la mort de nombreux citoyens dans les barques de la mort. 

Concernant le dossier de l’émigration irrégulière des Subsahariens qui arrivent dans notre pays dans l’intention de passer vers l’Europe, c’est le traitement répressif qui prévaut dans notre pays faisant fi de toutes les normes des droits humains. L’A.M.D.H. revendique toujours que la vérité soit dévoilée sur les événements douloureux et sanglants qui ont eu lieu aux côtés de Ceuta et Melilla en automne 2005.

 VIII. Le droit à un environnement sain 

 En dépit de l’arsenal juridique dont dispose le Maroc et qui est constitué de plus de 700 documents relatifs d’une manière directe ou indirecte, à l’environnement, ceci n’est aucunement suffisant pour préserver un environnement sain en raison de la caducité des textes, de leurs limites, et du fait qu’ils ne couvrent pas tous les domaines, de leur dispersion sur de nombreux textes sectoriels ignorés par le personnel concerné, de l’insuffisance des moyens de dissuasion qu’ils soulignent, qu’ils ne sont pas en harmonie avec la législation internationale et que les mécanismes prévus pour leur application sont inefficaces.

 Le Bureau central

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