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mercredi 29 février 2012

20Feb : «Se contenter de revendications partielles, c’est rater le coche!»

Propos recueillis par Leila Ouazry, La nouvelle tribune, 29/2/2012

Le mouvement du 20 février a célébré cette semaine son premier anniversaire. L’occasion pour La Nouvelle Tribune de s’interroger sur le bilan des actions menées par ce mouvement et son avenir. Entretien avec l’un de ses partisans, Abdellah El Harif, un acteur politique engagé.

La Nouvelle Tribune : Le mouvement du 20 Février a célébré dimanche dernier, son premier anniversaire, quel est le bilan de cette année d’actions ? 

M. Abdellah El Harif : Pour moi, c’est un bilan positif. Les gens se sont libérés de leurs peurs. Ils descendent dans la rue, ils s’expriment, défendent leurs intérêts. Le mouvement du 20 février a amené un élan de liberté. Il a donné un coup de fouet à tous les autres mouvements de protestation qui existaient auparavant, que ce soit les diplômés chômeurs, les paysans, les étudiants… Ce qui est en soi un acquis très important. On a vu des gens dans toutes les régions du Maroc, mêmes les plus reculées descendre dans rue pour manifester, on a vu des gens refuser de payer les factures d’eau et d’électricité.

Un autre acquis fondamental, c’est que le mouvement du 20 février a pu fédérer toutes les forces militantes de contestation, pour leur donner une perspective politique, qui est la lutte contre le despotisme, la corruption et de manière générale contre ce qu’on appelle le Makhzen. Les organisations de lutte militante, toutes tendances confondues (la gauche, les islamistes, les marxistes, les socialistes, les libéraux, mais aussi le citoyen lambda en colère contre ce système) ont été réunies pour exprimer les mêmes doléances, alors qu’auparavant c’étaient des luttes atomisées, fragmentées et donc sans grande incidence. Ce sont là des acquis qui vont durer, qui vont devenir structurels, même si le mouvement pourrait connaître des périodes moins brillantes.

Il y a d’autres aspects dans ce bilan. Il a permis de détruire les visées hégémoniques du PAM et il a obligé le pouvoir à faire quelques concessions. Lesquelles concessions n’ont certes pas touché le fond du pouvoir, puisque la nouvelle Constitution a légalisé le pouvoir absolu du Roi et la suprématie du Makhzen, mais c’est tout de même un changement. Il n’était même pas  question de changer quoique ce soit de la Constitution auparavant.  Donc, encore une fois, même si les changements sont en deçà des espérances dans une démocratie, c’est grâce au mouvement du 20 février qu’ils ont pu être arrachés.

Su le plan social, on peut également citer quelques acquis, tels que  l’accord du 26 février avec les syndicats, le soutien des produits de base, l’emploi de quelques milliers de jeunes, etc.

Enfin, ce mouvement a posé de manière claire la question de la démocratie, elle voulait une rupture avec le Makhzen et le despotisme.

Si on devait retenir un acquis majeur dans tout cela ?

C’est d’abord l’implication des jeunes dans l’action politique. Cela est nouveau et c’est un gain énorme pour notre peuple. Le fait qu’elle aille dans d’autres organisations politiques, c’est une autre question, mais l’essentiel, c’est que cette jeunesse aspire au changement et pour cela elle s’active.

Ces derniers temps, on a constaté une sorte de démobilisation populaire par rapport au début, s’agit-il d’un déclin du mouvement 20 Février et quelles en sont les raisons ?

On ne peut pas parler de démobilisation, mais plutôt d’une baisse de la mobilisation. Comme dans tout mouvement populaire, il peut connaître des moments de forte croissance, des périodes de flux, des périodes de reflux d’activité, etc. C’est un peu normal, on ne peut pas aller toujours crescendo. Ce qu’il faut souligner c’est que c’est un mouvement qui correspond à une nécessité objective de changement, il répond à un besoin profond de la société marocaine qui ne veut plus vivre sous l’hégémonie du Makhzen et qui veut vivre dignement.  Ce mouvement n’est pas né de rien, c’est comme je l’ai déjà dit, l’aboutissement de plusieurs mouvements de lutte à caractère politiques, sociaux, culturels ou économiques. Donc, le mouvement du 20 février est venu répondre à une nécessité, et même s’il devait baisser d’un cran, il serait repris sous une autre forme.

Quelle serait cette forme, un parti politique ?

En tout cas, je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que ce mouvement va s’arrêter. C’est une force militante, c’est un mouvement de fond. Il est impératif, devant le manque de réponse réelle des attentes du peuple, qu’il continue son action. Cela sera peut être une nouvelle phase pour ce mouvement fédéré avec un autre, encore plus grand. C’est dire que toutes les solutions adoptées par le pouvoir sont loin de répondre aux attentes, et de ce fait la lutte continue. On n’est pas encore au bout du chemin. Le peuple a une expérience de plus 50 ans dans la lutte contre le pouvoir.

On vous reproche également de ne pas être une force de propositions, et que vous êtes tout le temps dans la contestation ?

Le mouvement du 20 février a des objectifs, il les exprime clairement. On citera, entre autres, la fin du despotisme, la fin du pouvoir absolu du Roi, la démocratie, une vie digne. Mais lorsqu’on parle de force de propositions, cela veut dire qu’on est d’accord avec le système existant et qu’on veut uniquement l’améliorer en apportant quelques propositions partielles sur un certain nombre de point. Or, ce mouvement veut une rupture totale avec le système actuel. Et c’est au moment où il y aurait une force de négociation à même d’apporter cette rupture qu’on peut passer aux détails. Je pense que c’est un faux procès, qui n’a pas lieu d’être, qu’on fait à ce mouvement. Lequel revendique un changement radical et une fois que cela sera acquis, on pourra parler de propositions sur le plan économique, social, culturel, …Mais si on se contente de revendications partielles, on va rater le coche. Ceux qui parlent de force de propositions veulent pousser ce mouvement dans la voie d’accepter ce qui existe dans le système et de demander de petites « réformettes ».

Est-ce qu’on ne risque pas, ainsi de rater justement le coche, comme ce fut le cas par le passé, c’est l’histoire qui se répète, quelque part ?

Non, ceux qui acceptent les palliatifs du makhzen, les demi-mesures, sont ceux qui représentent un frein réel au changement dans ce pays. Ce sont les forces qui réfutent aujourd’hui de collaborer avec le Makhzen qui vont être les acteurs du Maroc de demain.

En conclusion ?

Grâce au 20 février, on peut se réjouir de nombreux acquis, il faut continuer le combat, il faut être optimiste, l’avenir appartient à la jeunesse.

http://www.annahjaddimocrati.org/index.php/en/accueil/77-fr/659-abdellah-el-harif20Feb:

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