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samedi 27 août 2011

Voyager autrement au Maroc, à la découverte du Printemps Marocain

Par Marie-Jo aidée de Gisèle, Ahmad et Henri, Solidarité Maroc 05, 23/8/2011

Les temps forts d’un passionnant voyage à l’intérieur du printemps marocain
(du 21 avril au 7 mai 2011)

Pour la troisième fois un petit groupe de Solidarité Maroc 05 de Gap, accompagné cette année par une militante de Survie 31, se rend au Maroc dans le but -entre autres- de montrer comment on fabrique et comment on utilise de simples fours solaires, économiques et écologiques. Cette année nous sommes attendus par l’association féminine Taïtmatine d’Aoulouz, près de Taroudant.
Mais ce voyage est aussi placé sous le signe des rencontres et des informations sur l’espoir suscité par le printemps marocain en route vers le vrai changement basé sur une constitution élaborée par le peuple. Lutte menée de façon admirable et responsable par les jeunes du 20 février, date de la première grande marche libératrice.
Jeudi 21 avril 2011
Le vénérable trafic d’Henri bourré de sacs (vêtements, chaussures vélos etc), nous prenons la route pour rejoindre Gisèle qui nous attend à la gare de Sète. Au port, le fourgon prend sa place entre ses semblables aux toits surchargés d’objets hétéroclites : en cette période de congés scolaires nombreux sont les Marocains qui vont passer les vacances en famille.
Longue attente avant d’entrer dans les soutes du ferry. On bavarde avec les uns et les autres. On fait connaissance avec Abderrahim qui nous raconte ses déboires et ses découragements. Ce cassé de la vie s’anime quand nous abordons le sujet des fours solaires et repart d’une démarche plus alerte vers son fourgon avec un pare-soleil et une notice pour transformer en quelques minutes cet objet anodin en efficace four solaire. Premier convaincu de ce mode de cuisson écologique et économique…
Classe économique. Cafétéria, repas simples et bons. Peu d’Européens ici, surtout installés en classe confort. On a déjà changé de continent. Ça nous convient. Les cabines sont minuscules. Une Marocaine insiste pour me céder sa place du bas, et me propose de me prêter un pyjama si je n’en ai pas… La gentillesse spontanée du peuple marocain n’est pas une légende… De nombreux passagers ne prennent pas de cabine et dorment sur les fauteuils ou les tapis.


Vendredi 22 avril 
Traversée. Bonne journée de repos forcé. Lecture. Le temps de plus en plus ensoleillé nous fait passer de bons moments sur le pont.

En longeant les Canaries on pense aux noyés victimes de la misère et du leurre de notre “Eldorado européen”.


Samedi 23 avril
Tanger. Le monde est petit… En attendant de pouvoir joindre nos véhicules dans les soutes, nous bavardons avec un couple marocain qui habite … Gap. Nous connaissons bien leur belle-sœur dont un neveu, Mohamed, devait subir il y a une dizaine d’années une opération à cœur ouvert. Solidarité Maroc 05 avait collecté la somme qui a permis cette opération. Elle a réussi. Malheureusement nous apprenons que, faute de suivi médical sérieux au Maroc, Mohamed est décédé il y a deux ans…
Débarquement dans le nouveau port de Tanger, immense, œuvre de Bouygues.
Un des murs peints dans la ville d'art d'Asilah
Autoroute obligée pour aller vers Asilah, ville d’art à découvrir ou redécouvrir. Nous nous perdons un peu dans sa très belle médina.
Mais il faut continuer vers Rabat. Demain 24, nous ne voulons pas manquer la grande marche organisée, comme chaque mois dans toutes les grandes villes du Maroc, par les jeunes du mouvement du 20 février.
Itinéraire pénible, circulation infernale, mauvaise signalisation. Les abords des villes sont dans un état indescriptible. Constructions hétéroclites, ordures, sacs plastiques, bruit, panneaux de direction introuvables …

Il fait nuit lorsque nous arrivons à Rabat. Un guide occasionnel, Abdou, nous aide à trouver un garage non loin de « l’auberge des jeunes » - et moins jeunes !- endroit sympathique et convivial, comme toutes les AJ que nous avons découvertes au Maroc. Beau patio très arboré et habité de centaines d’oiseaux, où Henri a l’autorisation de dormir, puisqu’il n’y a plus de place dans les dortoirs hommes.
Je téléphone à mon amie Khadija Ryadi, la tenace et courageuse présidente de l’AMDH, qui nous promet de passer nous prendre demain pour les manifestations.
Dimanche 24 avril
Khadija Ryadi enregistrée
Abdou nous rejoint. Il nous avait parlé de sa vie misérable, sans ressource. Handicapé par une jambe raide, vestige d'un engagement dans l'armée française d'où il tient son impeccable français. Nous lui donnons quelques paires de chaussures et un sac de vêtements pour ses enfants.
La manifestation des Islamistes
Khadija nous rejoint. Avec elle nous nous rendons ce matin à une manifestation d’islamistes, organisée avec les prisonniers libérés récemment par grâce royale, pour demander la libération des derniers prisonniers toujours sous les verrous depuis l’attentat du 16 mai 2003. Foule nombreuse qui scande des slogans que reprennent en chœur avec conviction même les plus petits. Khadija nous en traduit quelques uns, ainsi que les revendications écrites sur les banderoles. Nous admirons la beauté de la calligraphie des inscriptions.
16 heures. De partout afflue la foule vers le départ de la marche. Gisèle, habituée à réaliser des émissions de radio pour Radio Campus Tse, prépare son enregistreur.*
Google image : La marche longe un bidonville
 Pour la première fois à Rabat une grande manifestation est organisée dans un quartier populaire, en bordure d’un bidonville.
Elle s’étend à perte de vue en longueur sur des kilomètres, en largeur, en hauteur : aux fenêtres, aux balcons, sur les terrasses. C’est grandiose et émouvant, tout cet espoir qui s’exprime, ce bonheur d’être ensemble, ces immenses banderoles, cette marée de jeunes, de mamans avec leurs bébés, de gamins qui crient et qui rient, de moins jeunes heureux de se mêler à la jeunesse, de diplômés chômeurs, d’avocats, de sans droits... Quelques jeunes, parfois très jeunes, dans la benne d’une camionnette, lancent par haut-parleur les slogans repris par la foule. C’est bon enfant mais discipliné, bien encadré par les jeunes du mouvement du 20 février, reconnaissables à leurs écharpes, pour éviter tout débordement ou intrusion des “ baltaguias ”, souvent engagés par le pouvoir pour jouer les contre-manifestants par n'importe quels moyens...

La police se montre discrète. Depuis la très violente répression d’une manifestation à Casa, quelques jours après les “ promesses” du discours royal, très critiquée dans la presse internationale, il semble qu’ordre ait été donné de laisser se dérouler ces très grandes marches qui doivent avoir lieu tous les mois ( depuis quelques mois toutes les fins de semaine) jusqu’à obtention de satisfaction des revendications, avant tout : liberté, dignité, et démocratie, la vraie, celle du peuple à partir d’une assemblée constituante. Par contre, d’autres manifestations, comme celles des diplômés chômeurs, sont toujours violemment réprimées
Khadija continue à nous traduire des slogans, puis nous nous perdons de vue. Nous regrettons de ne savoir ni lire ni comprendre tous ces slogans. Il en est un pourtant auquel nous pouvons mêler nos voix : une litanie de noms de ministres et de dignitaires suivis de « DÉGAGE !! » geste à l’appui, mot connu par tous les peuples en quête de démocratie depuis la révolution tunisienne. Par contre il semble que le roi ne soit pas (encore) mentionné dans cette liste. Il reste toléré à condition de laisser le pouvoir au peuple, et d’arrêter de s’enrichir aux dépens du peuple. On dit que le “ roi des pauvres ” a multiplié par 5 ou 10 la fortune déjà colossale de son père .
Gisèle n’arrête pas d’enregistrer des témoignages** de jeunes, d’anciens prisonniers, de mamans, d’enfants, de cadres de haut niveau sans travail, d’avocats, de diplômés chômeurs, de médecins, d’un journaliste... La présence de Français étonne. Une militante qui cherche à être enregistrée, nous dit : « Vous ne pouvez pas savoir combien la France nous fait du mal ».
Moment émouvant : Lorsque la marche longe un bidonville, les manifestants font le V de la victoire en direction des bidonvillois qui applaudissent et répètent les slogans, massés devant les baraques, ou se joignent à la manifestation.

Une des cruelles tortures souvent pratiquées par les forces de "l'ordre"

La marche dure trois heures. Une heure plus tard nous retrouvons Khadija et Abderrazzak qui nous ramènent près de l’AJ, heureux d’avoir vécu ce moment de l’histoire du Maroc.

google image : 24 avril
  

C’est une des seules grandes marches qui s’est déroulée sans répression policière. Depuis ce jour, à de rares exceptions près,  marches, rassemblements, et autres manifestations sont réprimés avec une extrême sauvagerie : des arrestations, des tabassages, de nombreux blessés, certains très graves, des prises de photos pour « pister » les militants, des injures, des humiliations, des menaces de mort, des morts...Le jeune Kamal Amari, tabassé à mort par les forces de répression, est devenu le symbole de la lutte du peuple marocain pour la dignité et la démocratie.

Lundi 25 avril
Ali Fkir nous attend à la gare de Mohammedia. Je ne connais cet enseignant à la retraite, infatigable défenseur des méprisés du royaume, que par nos échanges sur Internet. Il alimente notre blog en précieuses informations sur l’habitat insalubre et les nombreux bidonvilles qui ceinturent les villes de Mohammedia et Casablanca (près ce 500)...en dépit du prestigieux prix “ habitat 2010” attribué au Maroc par l’ONU ! Il a aussi été le coordinateur des luttes des 850 licenciés de l’Office Chérifien des Phosphates pour avoir osé vouloir se syndiquer.
Je le reconnais facilement puisque sa photo est en tête de chacun de ses articles publiés. Nous passons avec lui une agréable journée en discussions passionnées que Gisèle enregistre.
Ali devant le tableau, précieux cadeau,  que lui a offert le Mouvement du 20 février
Abdrrahman Naïm et Ahmed Chahid
Il nous accompagne jusqu’à l’autoroute, et après un petit cafouillage d'itinéraire, c’est Ahmed Chahid, un des deux prisonniers politiques que Solidarité Maroc 05 a parrainés, qui prend le relais pour nous conduire chez lui à Sidi Bernoussi, banlieue de Casablanca.
Je suis contente de les revoir, lui, son épouse Aïcha, ses enfants Yassine, Souad et Oumeima, et son fidèle ami Abderrahman, ancien prisonnier lui aussi. La dernière fois, c’était il y a trois ans, le lendemain de sa sortie de prison où il a passé un quart de siècle…
Mardi 26 avril
Docteur Abdelkrim Manouzi
Avec Ahmed nous allons rendre visite à Abdelkrim Manouzi, président de l’AMRVT (Association médicale de réhabilitation des victimes de la torture), à qui Solidarité Maroc 05 a envoyé régulièrement des médicaments pendant quelques années, ce qui est malheureusement interdit actuellement. Il nous explique le travail de l’association et nous envoie visiter le nouveau centre multidisciplinaire, installé dans l’ancien centre de torture de triste réputation Derb Moulay Cherif, mis à leur disposition par l’Etat. Belle réhabilitation...mais qui pourrait faire croire que la torture n'existe plus au Maroc !
Des mini-bidonvilles sur les terrasses...




Incontournable visite de la mosquée Hassan ll, beau monument certes, et la somptueuse bibliothèque,  mais quel contraste avec les quartiers misérables qui côtoient ce luxe...
Abderrahim Mouhtad
Autre visite : chez Abderrahim Mouhtad, le dynamique défenseur des prisonniers islamistes qui nous reçoit chaleureusement.
Il nous dit que récemment il a eu enfin la première visite d’un journaliste marocain, après avoir été ignoré pendant six ans, alors que la presse étrangère le consulte souvent. Il explique l' indispensable travail de son association Ennassir pour défendre les islamistes souvent arrêtés arbitrairement.  Gisèle enregistre.


Mercredi 27 avril
 Avec Aïcha, Ahmed et Abderrahman nous partons visiter le moulin d’Ahmed. Dès sa sortie de prison Ahmed s’est lancé dans un courageux projet : Avec un associé qui a un local à Tnin Khil,  un petit village non loin de Sebt-des_Gzoula, dans les belles collines de Chia Ma, il a fait installer un moulin à grains.
El Jadida : la citerne
En route, petite halte à El Jadida pour visiter la cité portuaire  et sa belle citerne portugaise, "inondée" pour  ses jeux de lumière et la beauté des reflets...



Le petit paysan va repartir avec sa farine
Le moulin
La maison d'Ahmed
Arrivés au moulin, nous sommes impressionnés par l’importance de la machine, neuve, très moderne, achetée en partie avec l’indemnité octroyée par l’Instance Équité et Réconciliation. Les paysans arrivent avec leurs ânes chargés de sacs de blé, et repartent avec la farine et le son. Un adolescent, embauché à plein temps, s’occupe très professionnellement de l’accueil des paysans et de la marche du moulin. Pour éviter de trop nombreux déplacements -Casa est à 150 km !- Ahmed a fait construire une petite maison toute simple, non loin du moulin. Rien d’essentiel ne manque, à part l’eau qu’il faut aller chercher dans une citerne d’eau de pluie.
Beaucoup d’enfants viennent en curieux, intrigués par notre présence. Les enseignants sont en grève. Ces enfants  ne demandent ni bonbons, ni stylos, ni argent, mais « labi » (habits). Ils sont vêtus misérablement.
Dans la soirée visite des responsables de la petite association locale, "pour le développement et l'environnement" à vocation essentiellement agricole. Ils nous expliquent leur projet de mise en boîte d’olives, particulièrement savoureuses dans cette région, pour lequel ils ont déposé une demande de subvention avec l’espoir incertain d’obtenir une aide... Nous leur proposons de leur laisser des sacs de vêtements et de chaussures, que l’association pourra distribuer selon les besoins.
C’est la première fois qu’une association s’intéresse à eux. Ici, c’est un Maroc en marge, oublié, très pauvre, mais chaleureux, et si attachant ...

Jeudi 28 avril
Nous décidons de passer encore une journée ici.
Plaisir de découvrir cette belle région de collines essentiellement couvertes de champs de blé, où il n’y a aucun autre moulin. Celui d’Ahmed est donc très utile à la population, mais il nous dit que les rentrées d’argent sont inégales et insuffisantes suivant la saison, et il faudrait trouver une activité complémentaire. Pourquoi pas des randonnées pédestres dans cette région doucement vallonnée, avec quelques personnes qui accepteraient d’accueillir des petits groupes ?
 
Le puits construit grâce à l'aide d'une ONG
Nous rendons visite à une famille amie d'Ahmed. Le fils nous montre l’endroit où un sourcier a détecté de l’eau. Mais le forage coûte cher, il faut une aide extérieure, comme pour le puits qui se trouve un peu plus loin,  puisqu'il n'y a aucune aide de l’Etat. Gisèle va en parler à Ingénieurs sans frontières.
On nous fait visiter le four à pain et le petit hammam de la maison, chauffé depuis l’extérieur, petite merveille de simplicité.


Le fils nous montre alors son cheval, un magnifique pur sang dressé pour les fantasias, qu'il soigne et nourrit. Il est fier de nous dire que son groupe fait partie des meilleurs du pays. Selon Abderrahman, ce cheval est sa passion, il se priverait de repas pour lui.
La petite Hassnaa nous montre son âne. Elle nous dit qu'elle ne va pas à l'école, mais que son frère y va.


En un clin d’œil il y a sur la table du thé et une galette, et nous repartons avec une brassée de branches de èves...

Ahmed  s'intéresse à nos  fours solaires. Nous en fabriquons un avec un pare-soleil de pare-brise, ce qui ne prend qu’une petite demi-heure. Nous le stabilisons dans un seau fait avec un pneu, spécialité locale qu’on trouve dans les souks, et du sable. Ce qui manque aujourd’hui, c’est le soleil…
A la télé nous apprenons l’attentat de Marrakech. 17 morts au restaurant Argana, qui se trouve en bordure de la place Jemaa El Fna.
Vendredi 29 avril
Au marché de Sidi Chikr
Il pleut très fort quand nous quittons nos amis. Plus loin nous prenons deux stoppeurs trempés qui se rendent à Sidi Chikr. Petit détour de 5km qui nous permet de découvrir un grand souk pas touristique du tout. Provision d’amandes. Nous achetons des seaux en pneus pour les fours solaires.
Amal Lahoucine
Ahmed Chaïb dit Ahmad
Amal Lahoucine nous attend à l’entrée de Taroudant. Encore un ami que je ne connais que par Internet. Je l'ai vu sur des photos du blog lorsqu’il défendait des diplômés chômeurs en grève illimitée de la faim. Donc je le reconnais, et il me devine…
Ahmed Chaïb, l’autre Ahmed que nous avons parrainé, nous rejoint alors pour continuer le voyage avec nous. (Pour simplifier je l’appellerai Ahmad). Chaleureuses retrouvailles ! Pour la troisième fois il nous accompagne dans notre voyage.
Amal est à l’initiative de la COOPERATIVE Féminine AL OKHOWA, pour la production des huiles d’argan et d’Amlou, délicieuse pâte à tartiner à base d’huile d’argan et d’amandes. Nous visitons leur nouveau local. Les amandes sont toujours cassées à la main avec des pierres (si près des doigts…), mais l’extraction se fait mécaniquement. Nous avons pu  faire profiter la coopérative de la dernière subvention un peu importante de la ville de Gap, mais faute à la crise, (dit-on) celle-ci fond d’année en année. Nous leur avons trouvé des clients : à Gap et à Grenoble on trouve à acheter  de l’huile d'argan alimentaire et cosmétique de la coopérative Al Okhowa de Taroudant.
Amal est pressé de nous amener à Aoulouz où nous sommes attendus par une foule d’enfants et de parents, devant le petit local d’exposition d’artisanat de l’association Taïtmatine. Bouquets à l’accueil, murs décorés, démonstration de confection d’un magnifique tapis au point noué.

Tajine chez Aziz le président et Hafida, la vice-présidente au sourire lumineux dont nous apprécierons l’immense gentillesse durant notre petit séjour.
Fatigués nous nous installons pour la nuit sur un empilement de tapis et d’épaisses couvertures.
Samedi 30 avril
Aoulouz

Omar, le menuisier se montre très intéressé par les fours solaires. Nous lui laissons le beau four en bois fabriqué par Henri, avec les plans, et nous lui montrons la fabrication très simple d’un four en pare-soleil. Il invite quelques paysans pour leur faire une démonstration. Demain nous irons visiter son petit atelier.
Nous déchargeons les sacs de vêtements et de chaussures dont s’occupera l’association qui prépare tout de suite quelques sacs pour les plus démunis.




Un petit groupe d’ados nous offre leur spectacle de rap. Nous reconnaissons Aïcha, vue la veille en robe longue et foulard, transformée en rappeuse en jean et blouson, fière d'avoir été admise dans le petit groupe de garçons, véritable petite victoire ! Elle raconte à Gisèle ses problèmes familiaux et leur manque total de rentrées d’argent. Son sac sera le plus fourni.
Dans la soirée tous les enfants sont réunis dans la grande cour, pour un nouveau spectacle de rap. Des tout petits essaient d’imiter les grands, adorables… Chacun emportera un petit « cadeau » extrait des sacs.
Hafida et ses invités insistent pour que nous apprenions quelques mots d'Amazigh . Difficile !


Dimanche 1er mai
le barrage d'Aoulouz
Grisaille et pluie depuis quelques jours...
Arganier
Amal nous fait visiter les barrages de la région, et nous parle des paysans expropriés, des luttes qu’il a menées avec eux, de la répression et des procès qu’ils ont subis : un enseignant qui se mêle de défendre les paysans, c’est mal vu par les autorités ! De nombreux arganiers ont été noyés dans les eaux des barrages. Cet arbre endémique du Maroc, est la richesse de toute cette région.
 Il pleut toujours. C’est dommage pour nous, la région est très belle, mais la pluie est bonne pour la terre, et c’est tant mieux. Dans l'après-midi nous partons à Taliouine, ville natale d'Amal. Mais le mauvais temps ne nous laisse que deviner un magnifique paysage.
Au restaurant « le Safran », Mahfoud, un ami d’Amal, se joint à nous pour boire le thé. Il nous parle du safran, autre richesse de la région,  qui pourrait être source de mieux vivre pour la population, si la culture en était gérée plus solidairement. Arnaque de l’officielle « maison du safran » : safran acheté 25dh le gramme et revendu 50dh. Et depuis peu le cours du safran a chuté à 15dh le g.
Il nous parle de ces bâtiments neufs à titres ronflants, labellisés INDH (Initiative Nationale de Développement Humain) : inauguration, discours, applaudissements, petits fours… et installation d’un gardien (mais souvent rien d’autre…). Nous l’écoutons avec plaisir, Gisèle enregistre. Diplômé en économie Mahfoud a préféré abandonner un salaire confortable en Libye pour se consacrer à l'avenir de sa région natale.
Il est tard quand nous le quittons.  Il pleut toujours…De l'eau jusque dans la maison d'Amal...

 Lundi 2 mai

La maman d'Amal vient nous saluer, elle ne parle que l'Amazigh (langue berbère) comme la plupart des personnes de sa génération. D'ailleurs ici même les transports scolaires s’affichent en amazigh, langue dont les habitants sont les farouches défenseurs. Le Maroc est un des seuls pays où la langue officielle, l'arabe, est une langue étrangère qui s'apprend à l'école. Comme la moitié de la population est analphabète- et plus de 70% de femmes en milieu rural- on peut imaginer les difficultés qui en découlent dans le quotidien...
Palais des Saadiens
Nous ramenons Amal à Taroudant. En passant, il nous montre le domaine El Boura et le palais des Saâdiens, propriétés du prince Moulay Hicham, cousin du roi. En face de cette imposante demeure sont logés les ouvriers agricoles dans des masures dignes de bidonvilles, dont le maître des lieux semble peu se préoccuper… Pourtant, être logé dignement figure dans les revendications du Mouvement du 20 février qu’il dit soutenir… Difficile cohérence ou promesse de changement ?...
Ahmad et Amal en grande discussion...
De l’eau partout dans les rues. Les piétons ont de l'eau jusqu'aux genoux.

Dernier thé avec  Amal.

Un coup de fil à Ijoukak, notre prochaine étape, nous rassure sur la praticabilité de la route de Tizi n’Test, une des routes qui franchit le Haut Atlas, dite dangereuse même par beau temps. Mais le fourgon a l’habitude des routes de montagne !

15 ans et déjà une grande responsabilité
On se protège de la pluie pour tenter de photographier quelques chèvres qui grimpent dans les arganiers. Plus haut, brouillard de plus en plus épais. Quelques trouées permettent d’entrevoir la beauté du paysage. Il fait froid. Vers le col Tizi n'Test (2092m), arrêt dans une petite auberge pour prendre un thé chaud. Feu dans la cheminée. En France, c’est la canicule ! Une gamine de 15 ans nous explique son travail là-haut pour nourrir toute sa grande famille.
Versant nord enneigé à partir du col, route dégagée. Nous sortons du brouillard. Paysage   magnifique.
A Ijoukak il faut zigzaguer entre les flaques ur une piste cahotante pour rejoindre le douar Infigane, petit village berbère de potiers, où se trouve ce gîte « simplissime » recommandé par le Routard, accessible uniquement à pied par une frêle passerelle. L’oued Agoundis, à sec en été,  est énorme et continue à grossir…
El Mahjoub, le propriétaire du gîte, vient à notre rencontre. Nous découvrons la passerelle dont la moitié a été emportée...
El Mahjoub et une équipe de jeunes du village nous aident à passer la première passerelle, branlante, puis une deuxième encore plus branlante, installée à la hâte.
Elle sera très vite de nouveau emportée par les flots et nous oblige à un grand détour pour récupérer nos sacs.

L’endroit nous ravit ! El Majoub nous raconte qu’il avait trouvé un travail bien rémunéré à l’étranger, mais lui aussi a préféré retrouver une meilleure qualité de vie dans son village, avec son gîte et son travail de guide de montagne. Nous reviendrons !
Mardi 3 mai

Temps magnifique ! L’oued a un peu baissé. Traversée plus facile. On continue la descente de cette belle région montagneuse. Beaux villages en harmonie avec le paysage



Partout des chantiers pour déblayer les coulées de boue dues aux pluies diluviennes. Nous avons eu raison de nous arrêter à Ijoukak !

A Marrakech notre itinéraire nous fait passer en bordure de la place Jemaa El Fna. On aperçoit le restaurant Argana dévasté par l’attentat… Ahmad nous raconte qu’il était de passage là-bas sitôt après l’attentat et que la place était noire de monde. Les personnes rencontrées parlent bien sûr de cet évènement et concluent toujours de la même façon. « Qui a fait ça ? Mais c’est le Makhzen, c’est le pouvoir, pour faire capoter le printemps marocain ! » Vrai ou faux, cette évidence en dit long sur la confiance de certains "sujets" en leur pouvoir … Des “ preuves ” troublantes ponctuent leurs dires : la caméra de 2M déjà sur les lieux, le fait de frapper “ léger ” dans la matinée alors que la place grouille de monde le soir, et tout ce monde si vite ici ...

vue depuis le gîte d'El Ksiba
Pour la nuit le Routard nous fait encore découvrir un beau gîte au milieu des arbres et des oiseaux à El-Ksiba, non loin de Beni Mellal, et sa merveilleuse patronne Saadia. Diplômée de physique, elle aussi a préféré la qualité de vie à un emploi mieux rémunéré loin des siens. C’est un vrai plaisir de bavarder avec elle, toute remplie d’espoir en ce printemps marocain. Son gîte, en travaux d'agrandissement,  pourra accueillir des groupes. Les étudiants paieront moitié prix.
Nous lui laissons un pare-soleil et des notices. Son mari pourra fabriquer un four en bois. Enchantée elle parle déjà de l'impact sur la déforestation car les femmes du douar vont ramasser du bois pour cuisiner.
Mercredi 4 mai
Routes sans problèmes à travers les paysages reposants du Moyen Atlas. Ahmad nous parle de ses 25 années de prison, de l’horreur des tortures, mais aussi de la bouffée d’air qu’était chaque sortie à l’hôpital ou chez un spécialiste, lorsque c’était autorisé. « D’une année à l’autre on attendait ce moment avec impatience » Voir la vie dehors, les voitures, le ciel, des arbres, les gens… Et aussi la complicité de certains médecins –pas tous !!- qui faisaient preuve d’humanité, et trouvaient des prétextes pour allonger un peu ces moments de presque liberté.
Puisque ces longues années de détention débouchent sur un immense espoir de changement, Ahmad n'a pas le sentiment  qu’elles aient été gaspillées…
En traversant les villes, moyennes ou grandes, nous sommes frappés par le luxe insensé des lampadaires jumelés, parfois surmontés de la couronne royale, qui s’échelonnent de manière dense sur des kilomètres avant la ville, dans la ville après la ville. Sur de très longues distances une lampe côté route où passent quelques voitures, à l’opposé une lampe pour éclairer des champs en friche avec quelques moutons… Véritable injure face aux habitations misérables où manque l’indispensable…
La glacière oubliée... bon appétit petit berger !

Nous oublions la glacière à la fin du pique-nique. Trésor pour le petit berger qui garde son troupeau tout près d’ici. Il pourra déguster les macarons maison cuits avec le soleil, destinés à Zahra, la sœur d’Ahmad. Et il sera sans doute le seul à posséder un Opinel, le couteau des Savoyards !
Sefrou, le pays d'Ahmad
Jeudi 5 mai
Nous arrivons à Sefrou, ville rebelle, où il y a eu les premières émeutes de la faim  il y a quelques années. 

Zahra nous attend avec un couscous... Elle héberge son immense « petit » frère, sans travail depuis sa sortie de prison il y a trois ans.




Bonne nuit dans la confortable “ maison des lallas ”, et petite promenade dans la médina.

Et en route vers l’avant dernière étape : Chefchaouen, ou Chaouen, belle ville où se côtoient harmonieusement tous les bleus, les blancs, les couleurs terre.

la terrasse de la pension Znika

Dernier soir tous ensemble
Nous retrouvons la toute simple pension Znika, petit bijou au milieu de la médina.

                                                                      
Vendredi 6 mai


Flâneries dans la médina. Nous nous dispersons pour faire les derniers achats. Curieuse impression d’être suivie et observée…


Ahmad nous accompagne jusqu’à Tétouan. Repas d’adieu. C’est toujours un peu difficile de quitter notre attachant compagnon de voyage.
 
A l'année prochaine ?

Samedi 7 et dimanche 8 mai
Dans le ferry, nous bavardons avec un Marocain rencontré à l'aller. Nos bavardages nous amènent bien entendu à des fours solaires. Il n'arrive pas à concevoir que la seule énergie solaire puisse servir à cuire des repas.Nous lui donnons notre dernier pare-soleil et une notice, en espérant que le soleil du Jura se montre assez coopérant pour ne pas le décevoir.


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*L'émission de Radio Campus : Au Maroc aussi le peuple lutte pour la démocratie
Téléchargement
:http://www.afriradio.net/audio/PADFrAfrq32_luttesMaroc_220611.mp3

** La notice pour la fabrication de ce four en pare-soleil et quelques recettes vous est envoyée par mail sur simple demande à :  solidmar05@gmail.com 
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Bonnes adresses, avec prix des nuitées par personnes, parfois en ½ pension ou avec petit dej', et avec des rencontres intéressantes :
- Rabat : Auberge de jeunesse. avenue de l’Eypte, près des remparts. 037 72 57 69 (65dh/personne avec petit dej’)
- Ijoukak : gîte d’étape chez El Mahjoub, Douar Infigane 06 67 59 23 90 / 06 7 17 33 05 77(150dh/p. ½ pension)
- El Ksiba ; gîte chez Saadia Lannouch – Village d’Imhiwach 05 23 54 52 77/06 62 24 05 55 (150 dh/p. ½ p)
- Sefrou : maison d’hôtes : La maison des Lallas, 304 Derb El Miter 05 35 66 11 16 (166dh/p)
- Chaouen : Pension Znika, médina, 05 39 98 66 24 (80 dh/p)

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