Tout est dans le symbole. Et de mémoire de vieux socialiste, c'est une première à l'université d'été. Vendredi, à La Rochelle, une grande réunion plénière était consacrée aux pays arabes, avec plusieurs représentants de partis «amis» de la rive sud de la Méditerranée. Cette marque d'intérêt tranche avec les silences passés et les polémiques suscitées par l'attitude de certains «camarades», comme Bertrand Delanoë, présent à la tribune vendredi, et par l'appartenance des partis de Ben Ali et de Moubarak à l'Internationale socialiste.
«Tout le monde s'est battu pour en être. Tous les chefs à plume voulaient être présents», raconte Pouria Amirshahi, secrétaire national aux droits de l'homme, et en pointe sur ces questions au PS. Au final, c'est Delanoë, la députée Adeline Hazan et le secrétaire aux questions internationales Jean-Christophe Cambadélis qui ont entouré quatre militants arabes, venus du Maroc, de Palestine, d'Algérie et de Tunisie.
«Je suis heureux de constater le regain d'intérêt des pays occidentaux, de la France et du PS», a dit d'emblée Karim Tabbou, premier secrétaire du FFS algérien. «Si on ne l'avait pas fait, on aurait raté un rendez-vous historique. J'espère que cela annonce d'autres changements culturels», a lancé le maire de Paris. Les autres ont souligné l'importance du «soutien de l'Europe» aux mouvements d'émancipation et la nécessité de «redéfinir les relations avec le Maghreb». «Ces révolutions sont des défaites des dictatures et d'un certain soutien occidental à ces dictatures... il faut bien le dire», a admis le proche de Strauss-Kahn, Jean-Christophe Cambadélis, en ouverture des débats.
La question, centrale, n'a été qu'effleurée vendredi : l'enjeu était ailleurs et les invités se sont surtout concentrés à livrer leur analyse et leur témoignage sur les processus en cours. Le Tunisien Khelil Ezzaouia, secrétaire général adjoint du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) de Mustapha Ben Jaafar, a ainsi témoigné des difficultés à instaurer la démocratie après plusieurs décennies de dictature. «Aujourd'hui notre révolution est menacée par la contre-révolution de l'ancien régime», a-t-il dit.
© L. B. |
«Vous n'avez rien de socialiste»
Mais c'est l'intervention de Nouzha Chekrouni, membre du conseil national de l'USFP marocaine, qui a suscité une mini-polémique: son parti a applaudi la récente réforme de la constitution de Mohammed VI. Cette ligne défendue vendredi par sa représentante devant «(sa) famille socialiste», a été aussitôt dénoncée par l'orateur du FDTL tunisien et atténuée par Delanoë. Mais c'est de la salle que l'attaque la plus virulente est partie : au micro, un jeune militant du collectif du 20-février, à l'origine des manifestations qui agitent le Maroc depuis plusieurs mois, a lancé à sa compatriote: «C'est parce que des personnes comme vous au Maroc ont trahi que nous sommes dans la rue. On a voté pour vous, vous avez vendu les valeurs socialistes. Vous n'avez rien de socialiste!»
L'anecdote illustre bien les ambiguïtés du PS vis-à-vis de certains régimes, notamment arabes. L'hiver dernier, il avait été vivement critiqué pour sa discrétion à l'endroit de la dictature de Ben Ali. Alors que les manifestations gagnaient tout le pays, le PS avait tardé à réagir pour soutenir la révolte et nombre de ses dirigeants avaient eu des mots très prudents, encore obnubilés par la crainte du péril islamiste.
Les défenseurs des droits de l'homme avaient aussi attaqué l'Internationale socialiste où le PS siégeait avec le RCD de Ben Ali et le parti de Moubarak – deux structures qui n'ont été exclues qu'avec la chute de leur régime. Ils avaient aussi rappelé que Dominique Strauss-Kahn, alors directeur général du FMI, avait salué en 2008 le «miracle» économique tunisien et accepté d'être décoré par Ben Ali.
D'autres avaient encore dénoncé l'ambiguïté, voire la complaisance, de certains membres du PS avec les dictatures du sud de la Méditerranée. Au premier rang desquels... Bertrand Delanoë. Né en Tunisie, propriétaire d'une maison à Bizerte, il a toujours défendu publiquement le régime de Ben Ali, sauf à une exception en 2009... Exception que le maire de Paris n'a pas manqué de mentionner vendredi. Dans son discours, il a offert un tout autre visage, concluant notamment par ces mots : «Je suis sûr que (...) nous sommes en train de vivre une histoire qui nous échappe peut-être mais par rapport à laquelle nous n'avons pas le droit d'être inactif. Nous devons être des militants.» Opportunisme ou réel changement? Réponse en 2012. Si la gauche l'emporte.
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