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samedi 5 février 2011

Maroc, un autre regard,

Maghreb, une exigence de justice et de liberté
Chronique publiée dans Zamane / 5/2/2011
On croyait les idéologies remisées au placard, on pensait le monde mu par le seul appétit du ventre. La brève parenthèse de la démocratie triomphante, ouverte sur les ruines de la Guerre Froide, semblait si loin, effacée par le 11 septembre et sa « guerre à la terreur ». Une guerre, d’ailleurs, qui ne disait pas son nom, celui d’un « clash des civilisations » que tout le monde dénonçait, tout en refusant de voir qu’on pataugeait dedans. Occident démocratique vs Islam autoritaire, c’est bien ce bi-polarisme simpliste (certes nuancé par l’émergence du grand méchant loup chinois) que la révolution tunisienne est en passe de faire voler en éclats.

LES FAITS. Pour la première fois dans l’histoire du monde arabe, une révolution populaire ne semble en effet évoluer ni vers un régime islamiste, ni vers une dictature militaire. Rien n’est encore gagné, mais plusieurs éléments rendent possible le scénario d’une démocratie en gestation : d’abord, l’armée tunisienne a été peu contaminée par les vicissitudes du régime policier de Ben Ali et a adopté, depuis le début de la crise, une réserve exemplaire. Cette armée est en mesure d’encadrer une éventuelle évolution démocratique du régime tunisien. Il existe ensuite une importante élite tunisienne qui a souffert de l’appât du gain et de la soif de pouvoir légendaires des clans Trabelsi et Ben Ali. Cette élite, qu’elle soit économique ou politique, est solidaire du peuple qui est sorti dans les rues. La principale inconnue réside en fait dans le degré de pénétration de la société tunisienne par les mouvements islamistes. Car on connaît l’important travail de sécularisation mené par Bourguiba, mais on sait aussi que Ben Ali, lui aussi embarqué dans une croisade contre le terrorisme, avait bien été obligé de donner des gages politiques aux islamistes, en même temps qu’il les embastillait.

LA LECON. Il n’en reste pas moins que la Tunisie a l’occasion historique de donner une leçon au monde. Les Tunisiens peuvent renvoyer l’Europe, et la France en particulier, à leurs propres contradictions, à leur double discours, et gagner ainsi de précieux points dans la « course au remords » que se livreront les puissances démocratiques. L’occasion est unique pour la Tunisie de montrer à la face du monde que la démocratie ne s’impose pas, et que même en l’absence de soutiens étrangers, un peuple est capable de prendre son destin en main. Quant à nous, voisins arabes et maghrébins, il faut bien reconnaître que les Tunisiens nous ont déjà administré leur leçon. Ces prochains mois, tous nos regards seront braqués sur ce petit bout de continent, nouveau laboratoire politique au sud de la Méditerranée.

ET NOUS ? Ainsi le Maroc sera-t-il lui aussi obligé de tirer les enseignements du grand soir tunisien. On croyait le pouvoir marocain fasciné par la réussite économique de la Tunisie. Nos dirigents pensaient sans doute que le développement des infrastructures pouvait les dispenser de s’atteler aux réformes institutionnelles. L’urgence, estimaient-ils, n’est pas politique. Or ce que nous montre la révolution tunisienne, c’est que cette époque est révolue. Fini le temps des compromis avec les légitimes revendications de liberté et de justice. Les Tunisiens nous ont appris que les peuples, même arabes et musulmans, meurent encore pour autre chose que du pain. Pour paraphraser Mohammed VI, on pourrait presque dire que le temps « du double jeu et de la dérobade » est bel et bien révolu. Mais cette fois-ci, c’est à nos gouvernants que le message est adressé : les « soupapes de sécurité » que constituent notre tissu associatif, notre caisse de compensation, ou encore la politique menée à l’égard des diplômés chômeurs, ne suffisent plus. Elles ne nous mettront pas à l’abri d’une énième révolte sociale qui, dans un contexte d’embrasement régional, pourrait dégénérer en révolution. Souffrirons-nous encore longtemps les compromis avec la liberté d’expression ? Nous complairons-nous dans l’omerta qui entoure notre système judiciaire ? Continuerons-nous à nous satisfaire du pouvoir d’un seul ? Une chose peut-être nous sauve encore : contrairement aux Tunisiens avec les clans Trabelsi et Ben Ali, les Marocains n’ont pas encore désigné l’objet de leur colère. Corrupteurs et corrompus marocains sont tapis dans l’ombre, plus discrets mais non moins efficaces que leurs homologues tunisiens. Pour combien de temps encore ?

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