La dernière résolution du Parlement européen en faveur de l’autodétermination du peuple sahraoui, qui appelle l’ONU à envoyer une commission d’enquête sur l’agression contre El Ayoun, semble avoir ébranlé le palais. Hier, Mohammed VI a «répondu», à sa manière, à la mise à nu européenne en ameutant ses sujets à
Casablanca.
Ils étaient près d’un million, même trois millions pour les amateurs de la gymnastique des chiffres, à s’être rassemblés dans la capitale économique du royaume pour crier – au propre et au figuré – leur attachement à la «marocanité» du Sahara.
Brandissant des drapeaux marocains comme lors de la «marche verte» de 1975, ces bons sujets de sa majesté ont longuement brocardé le parti populaire espagnol à l’origine de la résolution du Parlement européen. C’est la première fois depuis 35 ans que la monarchie organise une mobilisation aussi importante, alors que sa propagande se voulait rassurante sur le succès international de son «plan d’autonomie». Mais le ton et les termes de la résolution du Parlement européen constituent une véritable claque au makhzen. C’est aussi un cinglant échec de 19 années d’activisme diplomatique qui a tenté de vendre une image d’un Maroc des droits de l’homme et où les Sahraouis occupés respirent la joie et la quiétude dans le royaume du «commandeur des croyants».
Mariage de raison
C’est cette image déformée que les eurodéputés – porte-voix des peuples d’Europe – ont dénoncée dans leur résolution inédite, pendant que les dirigeants politiques de certains Etats, notamment la France et l’Espagne, continuent leur mariage de raison avec la monarchie. Le rassemblement d’hier s’apparente donc à une «marche verte bis» déclinant un Maroc uni en bloc derrière son souverain pour la «cause sacrée». Quasiment tous les partis politiques ont répondu à l’appel de la «patrie» dans une sainte alliance contre… un parti espagnol ! «La marche populaire de Casablanca constitue un nouveau message du peuple marocain à tous ceux qui pensent pouvoir nuire à l’intégrité territoriale du royaume.»
Le propos est celui du président du Rassemblement national des indépendants (RNI), Salaheddine Mezouar. Voilà qui montre la voie royale. Mieux encore, ce responsable pense que cette marche «illustre le climat de démocratie, de liberté et de modernité prévalant au Maroc». Comme si ces milliers de personnes étaient sorties dans la rue. Mais aussi, paradoxe, elle est «un message d’amitié et de fraternité au peuple espagnol pour lui signifier qu’il ne doit pas se laisser entraîner par les mensonges des forces rétrogrades et que les deux peuples se doivent de vivre dans la paix et la fraternité».La sainte alliance
C’est une bien curieuse façon de «draguer» le peuple espagnol majoritairement acquis à la cause sahraouie.
Les organisateurs de la marche d’hier, qui se recrutent parmi tous les partis politiques représentés au Parlement y compris les islamistes du PJD, les syndicats, ont protesté contre une résolution jugée «partiale et injuste». On y a entendu surtout des slogans hostiles au Parti populaire (PP) espagnol, qualifié de parti «fasciste».
Cette démonstration de force, qui servira sans doute la monarchie, mais ne pourra pas effacer la teneur de la résolution du Parlement européen, constitue la première action du plan de riposte. Mercredi prochain, le MAE marocain se rendra à Strasbourg pour faire entendre, vainement, la version royale des tragiques événements d’El Ayoun. Mais le coup est déjà parti. Autre manœuvre, Mohammed VI a donné, vendredi, son onction à Ahmadou Ould Souilem, le transfuge sahraoui, qu’il vient de nommer comme ambassadeur de sa majesté au royaume d’Espagne.
Qui mieux, pense-t-il, qu’un Sahraoui «retourné» pour plaider la cause de l’autonomie chez ce voisin bienveillant, mais parfois encombrant, en effet ! Mais tout compte fait, le roi du Maroc est conscient que ses certitudes sur le Sahara occidental sont désormais bousculées par la mise à nu d’El Ayoun. Le monde entier a découvert en «live» à quoi ressemblait la vie – plutôt la mort – dans un territoire occupé. Les persécutés ne sont pas à Tindouf, mais bel et bien à El Ayoun, Dakhla, Asmara et dans toutes les villes sahraouies occupées.
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