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vendredi 21 mai 2010

Le Maroc gonfle à bloc l’affaire Terhzaz

Par la princesse enchantée*, Bakchich, 21/5/2010
L’ex-colonel-major Terhzaz végète en prison pour un projet de lettre sur le sort de ses camarades après la guerre contre le front Polisario. Et le grand communicant du royaume, Khalid Naciri, le charge de tous les maux.
Le ministère marocain de la communication dirigé par l’excellent Khalid Naciri, communiste à la sauce marocaine, vient de publier un communiqué à propos de l’affaire Terhzaz dans lequel « il tient à remettre les choses dans leur véritable contexte ».
Bakchich a eu l’occasion d’évoquer le cas de cet officier supérieur marocain à la retraite, âgé de 73 ans et condamné fin 2008 à douze ans de prison au terme d’un simulacre de procès dénoncé aussi bien par Amnesty International, Human Rights Watch que par l’AMDH (Association marocaine des droits humains) et de nombreux organes de presse marocains et européens.
Pendant plus d’une année, la famille du colonel s’est tue, convaincue que le roi Mohammed VI finirait par leur rendre justice. Devant son mutisme, elle s’est décidée à rendre l’affaire publique en décembre dernier.
CHANGEMENT DE PROGRAMME
Agacés et sans doute inquiets par la tournure prise par les événements, (les députés européens commencent à s’y intéresser) M. Naciri et son équipe, dont l‘ultime dessein, pour paraphraser le directeur de l’hebdomadaire indépendant marocain Tel Quel, est de « fondre tous les journalistes du Maroc dans un moule unique : celui de l’allégeance servile et décérébrée face au Palais royal », ont décidé de réagir fortement.
A les écouter, Kaddour Terhzaz, ancien colonel-major des Forces Royales de l’Air, « a été démis de ses responsabilités en 1988, puis mis à la retraite pour faute professionnelle grave confirmée par les enquêtes et inspections d’usage, sans pour autant être alors déféré devant les tribunaux compétents ».
Il a ensuite « bénéficié d’une Haute Clémence lorsqu’il a, par la suite, volontairement procédé à la destruction de biens publics avant de quitter le domicile de fonction que l’Etat avait mis à sa disposition ». Mais l’indulgence de la Justice militaire du royaume ayant ses limites, le colonel Terhzaz a été condamné en novembre 2008 « pour divulgation de secrets militaires, à l’occasion d’un procès équitable au cours duquel il a bénéficié de toutes les garanties de la défense ».
Pour le ministère, l’officier « n’a donc pas été condamné pour le motif avancé (NDLR : par son comité de soutien) d’une soi-disant lettre qu’il aurait soumise à la Très Haute Attention de Sa Majesté le Roi sur les conditions de détention en Algérie des prisonniers de guerre marocains dans le contexte du conflit sur le Sahara marocain. Il s’agit là d’une totale aberration, l’Etat marocain n’ayant cessé de dénoncer régulièrement les conditions de captivité prolongée et inhumaines de ses soldats dans les geôles sur le territoire algérien ».
Évoquant une demande de grâce présentée au roi par l’épouse française du colonel, le communiqué reproche à la famille, « arguant de la double nationalité de ce dernier », d’avoir « engagé une campagne indigne de dénaturation volontaire de la vérité ».
DÉMENTI
Inutile de dire que c’est avec stupéfaction que la famille Terhzaz et le comité de soutien du colonel ont pris connaissance de ce ramassis de contre-vérités et de mensonges dont le ministère de la communication, depuis qu’il a pour animateur en chef Khalid Naciri, s’est fait une spécialité.
Dans le Droit de réponse qui nous est parvenu, la famille et les amis démentent catégoriquement la totalité des assertions contenues dans ce communiqué et, en particulier, que Kaddour Terhzaz ait été mis à la retraite pour « faute professionnelle grave ». « Si cela avait été le cas, il aurait naturellement été déféré devant les tribunaux compétents."
Le fait est que, bien au contraire, il a pu jouir en toute sérénité d’une retraite méritée, sans entrave aucune à son droit de libre circulation – ce qui aurait été le minimum s’il avait commis une faute professionnelle, « grave » de surcroît. Le colonel Major Kaddour Terhzaz a été admis à la retraite en 1995 à l’âge de 58 ans, comme plusieurs de ses collègues, dans le cadre d’une procédure administrative normale et régulière. Ce fait est facile à vérifier.
CHARGER LA BARQUE
A la recherche désespérée d’un argumentaire, le ministère de la communication affirme aujourd’hui que le colonel « aurait volontairement procédé à la destruction de biens publics avant de quitter son domicile de fonction ». Cette accusation n’est pas seulement minable, elle est totalement fausse : « Nous en voulons pour preuve, dit la famille, qu’elle n’a, à aucun moment, été retenue à sa charge dans son procès ». (Pour le vérifier, il suffit de se référer au jugement n° 3437/08 rendu le 28/11/2008 dans l’affaire pénale n° 3314/3009/2008, par le tribunal militaire permanent des Forces Armées Royales, à Rabat.)
Plus c’est gros, mieux ça passe… Avec une mauvaise foi colossale, les sbires de M. Naciri affirment, contre toute évidence, que l’officier supérieur a fait l’objet d’un « procès équitable au cours duquel il a bénéficié de toutes les garanties de la défense ». Malheureusement, entre les allégations de fonctionnaires serviles ou trompés par leur hiérarchie, et les enquêtes approfondies d’organisations unanimement respectées comme Amnesty International, HRW ou l’AMDH, il n’y a pas photo. Pour ces trois organisations et pour de nombreux autres organes de presse et responsables de tous horizons, rappelle sa famille, son procès s’est au contraire tenu dans des conditions particulièrement inéquitables, contraires aux droits de la défense tels qu’ils sont internationalement reconnus. Tous les détails de ce scandaleux procès se trouvent sur le site du collectif de défense du colonel : www.sauver-kaddour-terhzaz.org
Famille et amis qualifient également d’ « aberrante » l’affirmation du communiqué selon laquelle Terhzaz « n’a pas été condamné pour le motif avancé d’une soi-disant lettre ». En effet, répondent-ils, « les attendus du jugement se fondent, de bout en bout, sur cette même lettre. En conclusion desdits attendus, on peut même lire cette phrase, très claire : « Il est demandé à la Cour d’appliquer la loi à l’encontre de l’accusé avec destruction de la copie de la lettre. Comment est-ce imaginable, puisque cette lettre est l’unique pièce à conviction sur la base de laquelle la condamnation a été prononcée ? Evoquer, comme le fait le communiqué du gouvernement, une « soi-disant lettre », n’a pas d’autre but que d’égarer l’opinion publique ».
Enfin, le communiqué du ministère évoque « la campagne indigne de dénaturation volontaire de la vérité menée par sa famille ». Pour la famille, il s’agit plutôt « d’une campagne en vue du rétablissement de la vérité. Une vérité que le communiqué du gouvernement dénature consciencieusement, sans apporter aucune preuve à ses allégations ; des allégations que tous ceux qui ont suivi cette affaire découvrent aujourd’hui pour la première fois, à leur grande surprise ».
INDIGNE
Khalid Naciri est particulièrement bien placé pour parler d’indignité. C’est en effet ce « digne » ministre communiste qui a qualifié il y a quelques mois le bilan de Mohammed VI de « tout simplement extraordinaire ». Le prolétariat et la classe ouvrière marocains ont certainement apprécié les compliments de ce champion toutes catégories de la courtisanerie.
Beaucoup plus graves ont été ses multiples atteintes aux libertés, à commencer par celles de la presse qui lui ont valu au mois de novembre dernier d’être moqué et chahuté par des dizaines de jeunes déguisés en clowns lors d’une remise de prix de journalisme à Rabat. M. Naciri, « l’homme de gauche », a en effet défendu envers et contre tout les fermetures de journaux, les emprisonnements de journalistes et les amendes invraisemblables infligées à la presse indépendante.
Récemment, cet homme de progrès a justifié l’expulsion – sans procès pour leur éviter la prison, a-t-il eu le culot de dire — d’une vingtaine de chrétiens qui s’occupaient d’un orphelinat à Aïn Leuh dans le Moyen-Atlas. Il les a accusés sans le moindre commencement de preuve de « prosélytisme ». Peu lui chaud le sort de la trentaine d’enfants, profondément traumatisés, pourvu que les islamistes soient satisfaits !
Indigne, M. Naciri, ne cesse de l’être, à la demande de ses maîtres de l’appareil sécuritaire. Dans l’affaire Terhzaz, ses hommes et lui ont accumulé mensonges et contre-vérités avant de les propager en boucle via leurs supports habituels : la MAP, 2M, MEDI 1, la RTM, Le Matin, ou les journaux de l’ex-communiste Fahd Yata et autres courtisans. Ce serait plutôt bon signe pour le colonel, compte tenu du niveau de crédibilité de ces organes de presse.
Espérons seulement que le régime ne tardera pas trop avant, une fois de plus, de reculer sans gloire : en prison, il y a en effet un vieux monsieur, fragile, qui se demande encore ce qu’il a bien pu faire à son Maroc pour être traité de façon aussi indigne !

*LA PRINCESSE ENCHANTÉE
Il était une fois, au royaume enchanté du Maroc, une princesse bien malheureuse. Alors que ses frères et sœurs voyageaient, festoyaient et s’étourdissaient dans le luxe parisien, elle s’ennuyait ferme dans les modestes palais chérifiens. Pour se distraire, la donzelle se mit en quête de sensations fortes et, n¹écoutant que son courage, se piqua de raconter les petites et grandes histoires du Royaume. Après tout, s¹il y en a une qui sait ce qui se passe dans son beau pays, c’est bien elle ! Effarés par ce qui pourrait lui advenir si cela venait à s’ébruiter, d’éminents journalistes sévissant dans la presse française comme internationale se précipitèrent pour lui servir de modestes scribes et recueillir ses confidences. Pour le plus grand bonheur de Bakchich.

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