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mardi 13 avril 2010

Un ordre militaire permettra des déportations de masse de Cisjordanie

par  Amira HASS, Haaretz, 11/4/2010.Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala

Un nouvel ordre militaire visant à empêcher « l'infiltration » entrera en vigueur cette semaine, ce qui permettra la déportation de dizaines de milliers de Palestiniens de la Cisjordanie, ou leur mise en accusation sous des charges entraînant des peines de prison pouvant aller jusqu'à sept ans.
Lorsque l'ordre entrera en vigueur, des dizaines de milliers de Palestiniens deviendront automatiquement des criminels susceptibles d'être sévèrement punis.
Compte tenu des agissements des autorités de sécurité durant la décennie écoulée, les premiers Palestiniens susceptibles d'être visés par les nouveaux règlements seront ceux dont les cartes d'identité portent une adresse de résidence dans la bande de Gaza - des personnes nées dans la bande de Gaza et leurs enfants nés en Cisjordanie - ou ceux nés en Cisjordanie ou à l'étranger qui, pour diverses raisons, ont perdu leur statut de résidents. Sont aussi susceptibles d'être visés les conjoints, nés à l’étranger, de Palestiniens.
Jusqu'à présent, les tribunaux civils israéliens ont parfois empêché l'expulsion de ces trois groupes de la Cisjordanie. Mais le nouvel ordre les met sous la juridiction exclusive des tribunaux militaires israéliens.
Le nouvel ordre définit toute personne entrée illégalement en Cisjordanie comme un infiltré, ainsi que "toute personne présente dans la zone sans permis légal". L'ordre prend la définition originale de 1969 des « infiltrés » dans son sens extrême, dans la mesure où le terme était initialement appliqué uniquement aux personnes séjournant illégalement en Israël après avoir traversé les pays alors classés comme pays ennemis - la Jordanie, l'Égypte, le Liban et la Syrie.
Le langage dans lequel est rédigé l’ordre militaire est à la fois général et ambigu, précisant que le terme « infiltré » sera également appliqué aux résidents palestiniens de Jérusalem, aux citoyens de pays avec lesquels Israël a des relations amicales (comme les USA) et aux citoyens israéliens, qu'ils soient arabes ou juifs. Tout cela dépendra du jugement des commandants de l’armée israélienne sur place.
Le Centre Hamoked pour la défense de l'individu a été la première organisation israélienne de droits humains à émettre des avertissements contre l'ordre, signé il ya six mois par l'ex-commandant des forces israéliennes en Judée et Samarie, Gadi Shamni.
Il y a deux semaines, la directrice d’Hamoked Dalia Kerstein a envoyé au général commandant en chef de l‘armée de terre Avi Mizrahi une demande de retarder l’application de l’ordre, étant donné «le changement radical qu'il provoquera en ce qui concerne les droits humains  d'un nombre énorme de personnes ».
Selon les dispositions, une personne est présumée être un « infiltrateur » si elle est présente dans la région sans un document ou permis qui attestent de sa présence légale dans la région, et ceci sans justification raisonnable. " Ces documents, est-il écrit, doivent avoir été "délivrés par le commandant des FDI en Judée et Samarie ou une personne agissant en son nom."
Les instructions, cependant, ne sont pas claires : les autorisations visées sont-elles celles actuellement en vigueur, ou s’agit-il de nouvelles autorisations que les commandants militaires pourraient émettre à l'avenir ? La disposition est également peu claire sur le statut des détenteurs de cartes de résidence en Cisjordanie, et ignore l'existence de l'Autorité palestinienne et les accords signés par Israël avec elle et l'OLP.
L'ordonnance stipule que si un commandant découvre qu'un infiltré est récemment entré dans une zone donnée, il «peut ordonner son expulsion dans les 72 heures suivant le moment où il a reçu l’ordre écrit d'expulsion, à condition que l'infiltré soit expulsé vers le pays ou la zone de d'où il s’est  ‘ infiltré’ ».
L'ordonnance permet également de poursuites pénales contre suspects d’ « infiltration »  qui pourraient déboucher sur des peines allant jusqu'à sept ans. Les personnes en mesure de prouver qu'elles sont entrées en Cisjordanie en toute légalité mais sans permission d’y rester, seront aussi jugées et seront passibles d'une peine maximale de trois ans. (Selon la loi israélienne actuelle, les résidents illégaux écopent  généralement d’un an de prison).
La nouvelle permet également au commandant des FDI dans la zone d'exiger que l’ «  infiltré » paie le coût de sa propre détention et de son expulsion, jusqu’à un total de 7 500 Shekel [=1500 €, 2000 US$].
La crainte que les Palestiniens avec des adresses à Gaza seront les premiers à être ciblés par la présente ordonnance est fondée sur les mesures qu'Israël a prises ces dernières années pour limiter leur droit de vivre, travailler, étudier ou même de se rendre en visite la Cisjordanie.. Ces mesures violaient les Accords d'Oslo.
Selon une décision prise par le commandant  militaire (israélien) en Cisjordanie et qui n'était étayée par une quelconque  législation militaire, depuis 2007, les Palestiniens avec des adresses à Gaza doivent demander un permis de séjour en Cisjordanie. Depuis 2000, ils ont été définis comme étrangers en situation irrégulière s'ils ont des adresses de Gaza, comme s'ils étaient des ressortissants d'un État étranger. Beaucoup d'entre eux ont été expulsés vers la bande de Gaza, y compris ceux nés en Cisjordanie.
Actuellement, les Palestiniens ont besoin de permis spéciaux  pour entrer dans les zones près de la barrière de séparation [lisez : le Mur d’apartheid, NdT], même si leurs maisons sont là, et les Palestiniens ont longtemps été exclus de la vallée du Jourdain sans autorisation spéciale. Jusqu'en 2009, les résidents de Jérusalem-Est avaient besoin d’une permission pour entrer dans la zone A, territoire sous contrôle total [ ?, NdT] de l’Autorité palestinienne.
Un autre groupe devrait être particulièrement affecté par les nouvelles règles : ce sont les Palestiniens qui ont déménagé en Cisjordanie en vertu des dispositions de regroupement familial, qu’Israël a cessé de garantir depuis plusieurs années.
En 2007, suite à une série de pétitions d’ Hamoked et comme geste de bonne volonté en direction du  président palestinien Mahmoud Abbas, des dizaines de milliers de personnes ont reçu des cartes de résidence palestiniennes. C’était l'Autorité palestinienne qui distribuait les cartes, mais Israël avait le contrôle exclusif sur ceux qui pouvaient les recevoir. Des milliers de Palestiniens, cependant, sont resté classés comme « étrangers en situation irrégulière», y compris ceux qui ne sont citoyens d'aucun autre pays.
Ce nouvel ordre est le dernier pas franchi par le gouvernement israélien ces dernières années pour exiger des permis qui limitent la liberté de circulation et de résidence précédemment conférées par les cartes d'identité palestiniennes. Les nouveaux règlements sont balayent très large, permettant des mesures pénales et l'expulsion massive de personnes de leurs foyers.
Le bureau des porte-paroles de l’armée a répondu à notre demande: «Les amendements apportés à l'ordonnance sur la prévention de l'infiltration, signés par le Commandement central de l’armée de terre, ont été émis dans le cadre d'une série de manifestes, ordres et nominations en Judée et en Samarie, en hébreu et en arabe, comme requis, et seront affichés dans les bureaux de l'administration civile et des avocats de la  défense près des tribunaux militaires en Judée et en Samarie. L'armée israélienne est prête à exécuter l'ordre, qui n'est pas destiné à s'appliquer aux Israéliens, mais aux étrangers en situation irrégulière en Judée et en Samarie. »
 

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