Chers amis lecteurs de solidmar,

Solidmar est fatigué ! Trop nourri ! En 8 ans d’existence il s’est goinfré de près de 14 000 articles et n’arrive plus à publier correctement les actualités. RDV sur son jumeau solidmar !

Pages

mardi 13 avril 2010

Maroc : Quand on ne possède pas les services de renseignement, on n’a pas de pouvoir

Entrevue réalisée par Aziz Enhaili pour Tolerance.ca ®,13/4/2010

Mahjoub Tobji (66 ans) est un ancien commandant des Forces armées royales. Il a servi comme aide de camp du roi Hassan II et côtoyé les puissants et controversés généraux Mohamed Oufkir, Ahmed Dlimi (tous deux disparus depuis des décennies dans des conditions mystérieuses) et Hosni Benslimane (l’inamovible patron de la Gendarmerie royale). Il a publié en 2006 un livre-événement, «Les Officiers de Sa Majesté» (Fayard). Nous l’avons interviewé à propos des forces armées marocaines et de leurs rapports avec la monarchie chérifienne.
Aziz Enhaili: Créées en 1956, les forces armées royales (FAR) sont rapidement placées sous le commandement du futur Hassan II. Quelles ont été les fonctions des FAR dans le système politique marocain? Ces fonctions ont-elles changé depuis cette époque?
Mahjoub Tobji: A l'indépendance du pays les FAR ont joué un rôle social de premier rang- route de l'unité reliant le Rif au reste du pays, inondations du Gharb (qui étaient pratiquement annuelles), tremblement d'Agadir; à chaque catastrophe l'armée prenaient les choses en main. D’un autre côté, il faut reconnaître que certaines unités ont participé dans ces années là, à l'écrasement de tous les soulèvements populaires.
Aziz Enhaili: Sur quelles bases recrute-t-on les officiers de l’armée marocaine et qu’est-ce qui détermine, selon vous, leur ascension dans la hiérarchie militaire?
Mahjoub Tobji: Comme dans toutes les écoles militaires, il faut être un bachelier. Cela dit, avoir une licence est un atout indéniable. Quant à la question de l'ascension militaire, il faut entrer dans le rang, obéir et encore obéir.
Aziz Enhaili: Quelles sont les éléments principaux de la doctrine idéologique des FAR ?
Mahjoub Tobji: Depuis sa création, comme cela a été le cas en France pendant des décennies, toutes les bases d'étude et de préparation (des scénarios) tenaient compte d'un ennemi venant de l'Est, de son armement et de ses équipements (c’est-à-dire l’Algérie, ndlr).
Aziz Enhaili: Quelle est leur doctrine militaire? Sont-elles préparées à relever des défis liés aux nouvelles formes de guerre du XXIe siècle ?
Mahjoub Tobji: Vous voulez rire! À quoi s'occupent les généraux Abdelaziz Bennani, Hosni Benslimane et leurs comparses ? À ramasser des fortunes! Sont-elles au moins au niveau pour faire une guerre du 21e Siècle? Allez faire un tour au Sahara (occidental, ndlr). Parlez aux soldats. Vous entendrez des vertes et des pas mûres…
Aziz Enhaili: Quel a été l’impact de l’engagement au Sahara occidental sur les FAR ?
Mahjoub Tobji: Cette guerre qui n'a pas de nom aurait pu être un grand théâtre d’apprentissage pour les cadres et les soldats. Cela n'a pas été le cas. Le général Ahmed Dlimi ne voulait pas gagner cette guerre puisque c'est lui qui l'a déclenchée (voir «Les Officiers de Sa Majesté»), à part des acquisitions personnelles et qui ne serviront à rien, puisque la majorité des hommes qui ont fait (je devrais dire «subi») cette guerre sont déjà à la retraite. Le seul avantage qui reste de cette guerre, c'est que le Polisario ne peut aligner que des hommes qui ne connaissent pas le terrain, puisque nés dans les camps de Tindouf (Algérie). Avantage qu'ils avaient auparavant.
Aziz Enhaili: Les FAR, jouent-elles un rôle important dans le champ économique national?
Mahjoub Tobji: Vous connaissez l'importance de l'emplacement des garnisons dans les villes et villages du pays. C'est un apport important pour le commerce et tout ce qui intéresse la vie des cités.
Aziz Enhaili: Vu des affaires controversées, comme celles de l’ex-capitaine Adib et de l’ex-colonel-major Kaddour Terhzaz, que devrait, selon vous, faire le roi Mohammed VI pour que de telles affaires ne se reproduisent plus? Pensez-vous qu’il a assez d’ascendant sur l’armée pour pouvoir le faire?
Mahjoub Tobji: Quant on me parle de changement au Maroc, je ris jaune. Des journalistes sont condamnés, un officier est mis au cachot pour un motif fallacieux. Cela fait 40 ans que tout le monde sait que nos avions n'avaient pas de leurres anti-missiles. Le roi a toute la légitimité pour mettre fin à une condamnation (du colonel-major Kaddour Terhzaz) qui est une honte pour tout le pays. C'est digne du moyen âge - je reste persuadé que le roi n'a pas connaissance de ce fait ou bien on lui a donné un autre motif comme cela se faisait dans le passé- Le général Hosni Benslimane n’a rien inventé. C’est l’«école Dlimi», amélioré, qui continue.
Aziz Enhaili: Les FAR occupent-elles une position privilégiée au sein du système sécuritaire et de l’administration territoriale du pays ?
Mahjoub Tobji: Ne parlez pas des FAR ! Le pouvoir, l'unique, est entre les mains de Hosni Benslimane, avec une petite délégation au général Abdelaziz Bennani. Quand on ne possède pas les forces de sécurité et les services de renseignement, on n’a pas de pouvoir. Et tout ceci échappe au roi. (NB : Lisez le dernier alinéa du livre: majesté vous avez la légitimité pour…).
Aziz Enhaili: Comment les FAR perçoivent-elles la montée de l’islamisme au Maroc? Le considèrent-elles comme «l’ennemi à abattre»? Ou pensent-elles pouvoir s’en accommoder?
Mahjoub Tobji: Les FAR ne sont pas une personne morale. Comme le peuple marocain, elles sont constituées de toutes les mouvances de la nation. Si vous voulez parler de celui qui dirige le pays, vous avez la réponse.
Aziz Enhaili: Les FAR, jouent-elles un rôle important dans l’élaboration et la conduite de la politique étrangère du pays?
Mahjoub Tobji: Même réponse que ci-dessus, les ministres et les ambassadeurs sont désignés sur la base de fiches de renseignement établis par qui? Lorsqu’un personnage est appelé par Benslimane avant sa désignation officielle, il sait à qui il doit le poste.
Aziz Enhaili: Que pensez-vous des relations des FAR avec l’OTAN? Renforcent-elles la sécurité du pays?
Mahjoub Tobji: La position géographique du Maroc fait de lui un allié important. Quant à la sécurité, de quelle sécurité parlez-vous. Les États-Unis ne laisseront ni les «vandales» ni les «huns» occuper notre pays. J’espère qu'ils n'ont pas oublié que le Maroc a été le premier pays à reconnaître leur indépendance.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire