par Salka EMBAREK, 10/11/2009. Traduit par Esteban G. et édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : Soy el Sáhara
Voici comment l’auteure explique son poème : « (…) Je ne peux pas dire que ce soit de la POÉSIE, j’aimerais bien pourtant !!! J’ai seulement senti monter ma colère face aux paroles blessantes du ministre marocain de la Communication, quand il nous a appelés des « fanfarons » ou lorsqu’il a dit que nos avertissements d’un retour à la guerre étaient des « menaces puériles ». J’ai eu besoin d’être bien claire avec lui et avec tous les autres, qu’une fois déjà nous y sommes allés et nous nous sommes avancés, nous avons beaucoup perdu et il ne nous reste plus guère de portes ouvertes, alors n’ayez pas de doutes, mais vous pouvez avoir peur …Personnellement, j’espère que nous n’en arriverons pas là…Nous avons déjà trop perdu de frères. » (Salka Embarek, extrait d’une lettre à un ami)
Je serai la guerre
et quand ce sera nécessaire, je serai la paix.
je serai la paix de la guerre
et la limite entre les deux
c’est moi qui la tracerai.
Que plus jamais ils ne m’appellent fanfaronne,
qu’aucun ministre ne se risque plus jamais
à me provoquer,
car durant les années de ma tragédie,
j’ai déjà détruit quelques murs
et je suis parvenue à faire tomber vos faux étendards.
Il n’existe pas de gouvernement usurpateur,
ni cruel,
ni roi si souverain
qu’il puisse me regarder dans les yeux,
et nier qu’il est coupable.
Il ne pourra pas car il n’a pas oublié
le nombre de fois où je l’ai affronté,
mis à nu et gagné.
Regarde-moi bien,
car le timon est entre mes mains,
et le vent souffle en ma faveur,
ce n’est pas moi qui aurai peur,
ce n’est pas moi qui perdrai,
tu n’entendras pas mes paroles en vain.
Je suis déjà vieille,
trente-quatre ans sont passés,
piétinant mon corps,
enterré sous des mètres de terre.
Plus de trente ans ont laissé
dans ma bouche des saveurs amères,
il y en a certaines que je ne sens plus,
d’autres sont devenues des bras,
de leaders inconnus,
de femmes en espérance,
bras de martyrs qui reviennent
tendus à la surface,
répondant à mon appel,
à celui de cette vieille que je suis,
et qui aujourd’hui redevient jeune
et renouvelée.
Qu’ils ne m’appellent plus fanfaronne,
car mes enfants leur répondent,
que ma voix n’est pas seule et unique,
je suis le Sahara,
ÉCOUTE BIEN MON NOM.
L'auteure
Salka Embarek est une poétesse, engagée dans la défense des droits du peuple sahraoui. Elle vit à Ténérife (Canaries). Voici comment un quotidien de l’île la présente :
"C'est l'un des plus actives défenseures des droits des Saharouis qui existent dans l'Île (Ténérife). Une fille de tinerfeños installés à Laâyoune, Salka frissonne quand elle se souvient de l'invasion de cette ville et comment elle eut une demi-heure pour s’échapper avec sa mère et ses soeurs.
Son père, Mohamed Embarka, se vantait de connaître n'importe quel coin du Sahara et de savoir où il se trouvait rien qu’en respirant le sable. C'était un apprentissage acquis après des mois et des mois de voyager dans le désert avec une expédition de géologues et d’ingénieurs espagnols qui exploraient les richesses du sous-sol saharien. C’est ainsi qu’ils découvrirent les gisements de phosphates de Boukraa, les plus riches et purs du monde, où Embarka fut chargé de recruter la main-d'oeuvre.
Cependant, Mohamed Embarka, qui figure dans certaines annales comme l'un des fondateurs de Laâyoune, n'est pas né dans le désert, mais à Ténérife, comme son épouse. Dans les années cinquante, nouveau marié, il émigre au Venezuela mais ça se passe mal. Il retourne à Ténérife pour aussitôt s’embarquer dans une nouvelle aventure. à la recherche d'un avenir meilleur. Et c’est ainsi qu’il arrive au Sahara, où quelques Canariens et péninsulaires étaient déjà installés. Peu à peu, le tinerfeño est devenu sahraoui.
C’est là, à Laâyoune, qu’est née Salka, qui devait devenir l'une des plus actives défenseures des droits des Sahraouis qui existe dans l'Île. Salka se souvient avec effroi de la Marche Verte. « Mon père a alerté le Polisario : l'armée espagnole se retirait de certains points stratégiques en ouvrant la voie aux soldats marocains, qui sont entrés dans Laâyoune armés jusqu'aux dents. Ils ont tué des milliers de personnes et ont rasé toutes les maisons. Un jour, mon père est venu très nerveux à la maison et a dit à ma mère que nous devions partir immédiatement. La nourriture est restée dans la marmite. Nous n'avons pu prendre que nos documents d’identité parce qu'un petit avion postal plein de sacs de courrier à destination de Ténérife nous attendait. Et en effet, une demi-heure après que nous avions quitté la maison, les Marocains venaient nous chercher. »
Il y a seulement quelques mois, Salka est retournée à Laâyoune. Elle a été retenue dans un commissariat pendant cinq heures On l’a avertie: "Un de ces jours, tu disparaîtras dans le désert et nous, nous dirons qu’on regrette énormément », lui a murmuré un policier.
Source : La Opinión de Ténérife, 25 de noviembre de 2007
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