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dimanche 16 août 2009

Sans-papiers: à Notre-Dame, des portraits pas en odeur de sainteté

Par Willy le Devin, Libération, 15/8/2009
TEMOIGNAGES
A Paris, le Réseau Education sans frontières craint une interdiction par la préfecture de ses affichage de photos de familles séparées. Récits.


Lors d'un rassemblement le 9 août dernier sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame à Paris. (AFP)


Drôle de partie de cache-cache à laquelle se livrent le Réseau Education sans frontières (RESF) et la préfecture de police de Paris. Chaque dimanche matin depuis le début du mois d’août, les militants de RESF exposent sur le parvis de Notre-Dame des photos dédiées aux familles sans-papiers victimes d’un démembrement.

Selon l’association, les cas de séparation se multiplient après que l’un des parents en situation irrégulière a été expulsé par la police aux frontières. «Notre campagne recueille un certain écho, si bien que la préfecture de police de Paris envisage de nous interdire l’accès au parvis de Notre-Dame. Ils désirent dissimuler par la force une action qui met en lumière la politique nauséabonde de l’Etat français en matière d’immigration», dénonce un membre de RESF.
La préfecture de police a affirmé vendredi qu’«il n’y avait absolument aucun problème avec l’action menée par RESF»: «L’association nous a averti de son intention de procéder à cet affichage. Pour nous tout est en règle.»
Mais il semble que la version du service de presse ne soit pas exactement la même que celle signifiée à RESF. Une militante chargée de l’exposition des portraits a assuré à Libération que «Jean-François Desmarais, qui dirige la Direction de l’ordre public et de la circulation, a interdit à RESF l’accès au parvis de Notre-Dame à titre exceptionnel pour cause, dimanche 16 août, de célébrations religieuses. Mais à la question de savoir si nous pourrions y retourner les dimanches suivants, il nous a répondu également par la négative, et ce, sans arguments plausibles»…
Libération s’est procuré certains portraits que RESF projette d’exposer, dimanche, au public parisien.

Un compagnon chassé par l’Elysée
Jimia Sylla aurait préféré découvrir les dorures du palais de l’Elysée dans un contexte plus joyeux. Le 20 juillet, accompagnée d’une délégation de parlementaires verts et communistes, cette Ivoirienne titulaire d’une carte de séjour valable dix ans rencontrait un émissaire du président de la République afin qu’un visa soit délivré en urgence à son compagnon nigérian, Emmanuel Oladipo.
Décision personnelle. Celui-ci, père de l’une des deux filles de Jimia et beau-père de la seconde, a en effet été expulsé le 15 juillet sur décision personnelle de Nicolas Sarkozy. «Ce sont les conseillers de la présidence de la République qui ont informé eux-mêmes, le 14 juillet dans l’après-midi, madame Sylla, du choix de Nicolas Sarkozy de reconduire son compagnon à la frontière», affirme un militant de RESF.
Emmanuel Oladipo embarque donc avec une compatriote et six policiers français dans un appareil, direction… Amsterdam. Aux Pays-Bas, 33 autres Nigérians sont placés dans l’avion, qui prend cette fois la direction de Madrid où d’autres sans-papiers sont embarqués. Alors que le Nigeria approche, l’avion est victime en plein vol d’une grave avarie technique qui le contraint à faire demi-tour pour réatterrir en urgence à Madrid. Finalement, ce n’est que le lendemain, après plus de vingt-quatre heures de voyage, qu’Emmanuel pose le pied à Lagos. Depuis, celui qui vivait à Evreux, dans l’Eure, ne cesse d’appeler Jimia, qui, enceinte de plus de huit mois, doit accoucher de leur second enfant dans les jours qui viennent.
«Prier». Econduite par les services de l’Elysée, Jimia Sylla est entrée en contact, par l’intermédiaire du député vert Yves Cochet, avec Simone Veil. Celle-ci, touchée par la situation, a invitée Jimia Sylla a lui faire parvenir un dossier complet dans les meilleurs délais. «Aujourd’hui, il ne reste plus qu’à prier pour que les autorités françaises entendent raison», confie un ami de la famille.
Mari et père expulsé en pleine nuit
Nadia, la quarantaine, Française d’origine marocaine, vit à Montrouge, dans les Hauts-de-Seine. En 2006, elle tombe amoureuse de Mohamed, son aîné de quelques années, ex-boxeur professionnel tunisien qui a vécu près de quinze ans en Italie. A l’époque, cette mère célibataire élève son fils Naoufel avec le soutien de ses parents. La jeune femme, qui est malentendante et muette et ne communique qu’à l’aide de la langue des signes, travaille à mi-temps dans une maison de retraite grâce à un contrat adapté. Nadia et Mohamed se marient le 3 février 2007 à Clichy (Hauts-de-Seine). Mohamed prend la décision de reconnaître Naoufel, aujourd’hui âgé de 11 ans. Le couple obtient même un logement de la municipalité de Montrouge.
Enquête. Mohamed, qui a définitivement renoncé aux gants afin de fuir un milieu où les frontières entre médicaments, dopage et toxicomanie sont parfois poreuses (il a connu les cellules italiennes pour trafic de stupéfiants), trouve un emploi dans une pizzeria. Parent d’un enfant français, mari d’une Française, salarié, et soutien d’une femme handicapée, il remplit les conditions requises pour être régularisé. Mais les autorités ne l’entendent pas de cette oreille, et diligentent une enquête sur une union perçue comme douteuse. Procédure que RESF qualifie de bâclée - «pas d’audition du couple, enquête de voisinage limitée à un témoin, erreurs multiples sur les dates de naissance du couple au sein du dossier».
Rétention. Mohamed est interpellé dans le métro et se voit signifier par le préfet un arrêté de reconduite à la frontière. Le 6 mai 2009, RESF apprend que Mohamed doit être expulsé le lendemain à 8 h 40. Vers 5 heures du matin, une vingtaine de personnes, dont des élus de Montrouge et de la commune voisine de Malakoff, se retrouvent devant le centre de rétention de Palaiseau (Essonne) pour tenter d’arrêter la procédure. Mais Mohamed Allouche est déjà loin. La police l’a emmené à l’aéroport dès 3 h 30…
Les intenables allers-retours des Amedjar
«C’est l’histoire d’une forte tête qui refuse de voir ses enfants grandir loin de lui, et ce, même si les autorités d’un pays tout entier le lui refusent», raconte un militant de RESF. Et pour cause, Ammar Amedjar, 27 ans, a déjà foulé à quatre reprises le tarmac des aéroports français, flanqué de la police aux frontières qui l’expulsait vers le Maroc, son pays de naissance.
«Cavalcade». Par deux fois, Ammar a refusé d’embarquer, aidé par des passagers et des «membres de RESF, devenus des amis qui m’empêchent de craquer», ce qui lui a valu respectivement un et deux mois de prison ferme. Les deux autres fois, Ammar est parti. Mais, bravant la mer Méditerranée et les douanes espagnoles, il a toujours réussi à se frayer un chemin clandestin pour rejoindre sa famille établie en France. «Lorsque je rentre après plusieurs milliers de kilomètres de cavalcade, et que je découvre le visage de mes filles qui entre-temps ont toujours bien changé, je me dis que le jeu en valait la chandelle», confia-t-il à un militant de RESF.
Ammar a épousé Rahma au Maroc, en septembre 2005. De nationalité marocaine mais vivant depuis l’âge de 1 an en France, elle est en situation régulière. Pour son mari, Rahma tente plusieurs fois de s’installer au Maroc entre 2005 et 2007 mais, à chaque fois, elle rentre au bout de quelques mois, n’ayant jamais pu s’acclimater à la vie locale.
Fol espoir. Entre ces multiples allers-retours, Rahma donne naissance dans le Maine-et-Loire à Maria, leur premier enfant. Le couple vit alors avec le fol espoir d’obtenir une procédure de regroupement familial. Malheureusement, les ressources de Rahma sont alors jugées insuffisantes par les pouvoirs publics qui ne valident pas la requête. Ammar entre alors irrégulièrement sur le territoire. Le début d’un interminable jeu du chat et de la souris avec la police. Ammar est aujourd’hui au Maroc. Et vit avec une douleur intenable. «J’ai appris la naissance de ma seconde fille, Amina, au fin fond d’un centre de rétention.»

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