Avec l’instauration de l’état d’urgence, et dans le contexte baptisé
« crise migratoire », on assiste à une recrudescence de poursuites
visant à empêcher l’expression de la solidarité envers migrants,
réfugiés, Roms, sans-papiers... La panoplie des délits au prétexte
desquels des personnes ayant manifesté leur solidarité à l’égard de
personne étrangères sont intimidées et souvent poursuivies, voire
condamnées, s’est étendue.Une nouvelle mobilisation associative s’impose.
On trouvera dans la rubrique « actualité et mobilisations en cours » les affaires les plus récentes concernant les « délinquants solidaires » et les actions menées pour les soutenir.
N’hésitez pas à nous signaler tout cas dont vous souhaitez la diffusion en écrivant à l’adresse contact-delit-de-solidarite[AROBASE]gisti.org.
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[ Sommaire ]
Tandis
que se manifestent de plus en plus clairement les conséquences souvent
dramatiques, parfois cruelles, d’une politique d’immigration fondée sur
la répression, a-t-on encore le droit de refuser la mise au ban de la
société des étrangers en situation irrégulière, de venir en aide aux
sans papiers, de contester, par la parole ou par les gestes, cette
politique aveugle ?
Ce dossier a été créé sur le site du Gisti en
2009, pour répliquer au ministre de l’immigration d’alors, Eric Besson.
Réagissant à un communiqué de presse du 23 mars 2009 appelant à manifester contre le délit de solidarité signé par une centaine d’organisations, le ministre prétendait, dans une lettre adressée aux organisations signataires : « Toute
personne, particulier, bénévole, association, qui s’est limitée à
accueillir, accompagner, héberger des clandestins en situation de
détresse, n’est donc pas concernée par ce délit. Et j’observe qu’en
65 années d’application de cette loi, personne en France n’a jamais été
condamné pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé un
étranger en situation irrégulière ».
Que le ministre ait été
mal informé ou qu’il mente délibérément, il était clair que ses
déclarations péremptoires travestissaient gravement la réalité. Face à
l’obstination ministérielle à nier l’évidence, le Gisti a donc
entrepris, dès le mois d’avril 2009, de dresser la liste des
condamnations prononcées depuis 1986 contre des personnes ayant apporté
une aide à des étrangers sans papiers, le plus souvent en les
hébergeant.
La page « Délit de solidarité : Besson ment ! », dans laquelle nous énumérions en avril 2009 plus d’une trentaine de décisions est toujours accessible. Vous en retrouverez toutes les décisions, et bien plus, dans le présent dossier.
L’ambition
de ce dossier va plus loin. Il s’agit d’envisager l’ensemble des
« délits de la solidarité », c’est-à-dire l’ensemble des formes de
répression visant ceux qui – par conviction, par générosité, par simple
sentiment d’humanité… – refusent de céder aux injonctions du pouvoir et
manifestent, sous une forme ou sous une autre, leur solidarité avec les
sans papiers.
Au premier rang des textes utilisés, il y a d’abord, bien sûr, ceux qui incriminent spécifiquement l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers
et punissent ses auteurs d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de
30 000 euros d’amende. Contrairement aux affirmations péremptoires du
ministre de l’immigration en 2009, cette disposition introduite dans la
réglementation par le décret-loi de 1938 dans un climat particulièrement
xénophobe, est utilisée aujourd’hui non pas seulement ni même
principalement pour poursuivre les « commerçants » de l’immigration
clandestine mais pour intimider des personnes qui côtoient les étrangers
en situation irrégulière et qui choisissent simplement de leur rendre
service au quotidien.
Au fil des lois, sous la pression de
mobilisations associatives, le cercle des personnes protégées contre ces
poursuites pénales a été un peu étendu jusqu’à ce que le gouvernement
annonce la "suppression" du "délit de solidarité" par la loi du 31 décembre 2012.
Or les protections issues de cette réforme restent très restrictives :
l’aide ne peut porter que sur des domaines précis, essentiellement
humanitaires, et doit être accordée sans contrepartie « directe ou
indirecte » ce qui permet toutes les dérives : on a même vu engager des poursuites
contre une personne qui hébergeait une famille étrangère en faisant
valoir qu’il y avait eu contrepartie, ladite famille ayant participé aux
travaux domestiques et lavé la vaisselle !
Mais les règles
incriminant expressément l’aide apportée aux étrangers en situation
irrégulière ne représentent qu’une partie de l’arsenal législatif
employé pour dissuader et punir les diverses formes de soutien aux
étrangers en situation irrégulière. S’y ajoute une série d’autres délits
utilisés à l’encontre des « aidants » et plus largement de ceux qui
s’opposent à la politique d’immigration française et européenne.
Des
textes généraux sans rapport avec la législation sur l’immigration sont
mobilisés pour incriminer les protestations émises à l’encontre des
politiques migratoires et de leurs conséquences inhumaines. C’est ainsi
que les délits d’outrage, d’injure et de diffamation ou de violences à agent public
sont utilisés pour défendre l’administration et la police contre les
critiques dont leurs pratiques font l’objet : aujourd’hui, on ne saurait
exprimer en des termes un peu virulents sa réprobation à l’endroit des
rafles (ce simple mot fait déjà problème) et des expulsions orchestrées
par les serviteurs de l’État sans craindre d’éventuelles poursuites. A
fortiori si l’on s’aventure à établir quelque parallèle que ce soit
entre la période actuelle et celle de la France de Vichy.
Le délit d’entrave à la circulation d’un aéronef
figurant dans le code de l’aviation civile apporte également sa pierre à
l’édifice répressif. En pratique, les passagers soucieux du sort
réservé aux personnes ligotées et bâillonnées dans l’avion qui les
conduit en vacances, les personnes outrées de la violence de certains
embarquements et qui voudraient manifester leur opposition à de telles
pratiques s’exposent également à des poursuites.
On constate aussi que les textes réprimant l’emploi d’un travailleur étranger dépourvu d’autorisation
peuvent servir à inquiéter des individus qui, en toute bonne foi et
loin des rapports de subordination institutionnalisés, ont accepté
l’aide que leur apportait une personne sans papiers, et qui sont de ce
fait soupçonnés de travail dissimulé. La lutte, d’ailleurs timorée,
menée contre ceux qui exploitent les travailleurs étrangers s’accommode
parfaitement de cette extension abusive de son domaine. Proposer
ponctuellement à un ami de garder ses enfants doit-il être incriminé au
motif que cet ami n’a pas le droit de séjourner en France ?
En
réalité, la panoplie des textes disponibles pour prévenir et punir tant
les actes que les paroles de soutien aux étrangers sans papiers est
encore plus large et l’on a pu voir, ici ou là, l’aide incriminée encore sous divers prétextes. Par delà la diversité des fondements juridiques imaginés, l’ouverture des poursuites comme les pratiques plus sournoises de dissuasion
procèdent de la même volonté politique : il s’agit de priver l’étranger
en situation irrégulière en France de toute forme de soutien : amical,
politique ou juridique mais aussi, au-delà, de signifier à la
population en général et aux militants en particulier qu’on ne peut
s’opposer impunément à la politique gouvernementale quelles que soient
la détresse humaine et les horreurs qui lui sont inhérentes.
Alors que le droit international consacre notamment le droit pour chacun « de participer à des activités pacifiques pour lutter contre les violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales », les incriminations pour « délits de solidarité » se multiplient aussi hors de France.
Le
Gisti s’élève contre la banalisation et la généralisation de ces
« délits de la solidarité ». Alors qu’au nom d’un objectif érigé en
dogme – sous le nom de « maîtrise des flux migratoires » en France ou de
« gestion intégrée des frontières extérieures » au niveau de l’Union
européenne – des atteintes de plus en plus graves sont portées aux
droits fondamentaux des migrants, ceux qui refusent d’endosser les
morts, la misère et les humiliations quotidiennes que secrète
immanquablement cette politique illusoire mais féroce de fermeture des
frontières doivent pouvoir agir et s’exprimer librement.
Voir la suite du dossier :
http://www.gisti.org/spip.php?article1399
www.gisti.org/delits-de-solidarite
www.gisti.org/delits-de-solidarite
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