MADANIYA
Le Droit à l’autodétermination :
une variable d’ajustement conjoncturelle
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René Naba
Vendredi 4 novembre 2016
Sahara Occidental –
Dossier spécial
Le
discours disjonctif occidental
Sauf
erreur ou omission, les Palestiniens et
les Sahraouis paraissent devoir être les
deux derniers peuples au Monde à
demeurer sous domination de type
coloniale. Sans nul doute du fait du
discours disjonctif occidental sur un
principe fondamental du Droit
International Public, le Droit à
l’autodétermination des peuples,
paradoxalement, constamment bafoué par
ses promoteurs.
Ce principe, pourtant intangible,
connaît une application modulée, soumis
à des infléchissements circonstanciels,
au point de constituer une variable
d’ajustement conjoncturelle en fonction
des intérêts des grandes puissances
occidentales, qui furent longtemps le
groupe hégémonique de la géostratégie
mondiale. Valable un temps en un lieu,
inopérant ailleurs, en d’autres temps.
Le
conflit du Sahara occidental en fait
l’amère expérience de même que le
conflit palestinien. Le droit à
l’autodétermination, le principe de base
du conflit, souffre de la flexibilité de
sa mise en œuvre. S’il trouve sa pleine
vigueur et sa pleine justification
lorsqu’il s’agit de promouvoir sur la
scène internationale des entités
conformes aux intérêts des pays
occidentaux, il est, paradoxalement,
combattu ou nié lorsqu’il s’agit
d’éradiquer toute velléité nationaliste
ou indépendantiste d’états situés hors
de la sphère d’influence occidentale.
Une étude diachronique, combinant les
données spatiotemporelles sur la
question, révélerait un comportement
échappant à la rationalité immédiate, en
contradiction avec la plus élémentaire
justice.
Le
constat est ahurissant : Georges Bush
avait assuré du temps de sa présidence
(2000-2008) qu’il était las d’attendre
dix ans que le Kosovo obtienne son
indépendance. Comme par enchantement,
aussitôt après ce cri d’amour, un coup
de baguette magique, qui relève non de
la prestidigitation mais de l’imposture,
conférait au Kosovo son indépendance, en
ce qu’il participait d’un projet plus
vaste visant à parachever le
démembrement de l’ancienne Fédération de
Yougoslavie, un obstacle majeur à
l’expansion économique occidentale dans
l’Europe centrale.
Il en a
été de même du Sud Soudan, un nouvel
état pétrolier et ami d’Israël sur le
cours du Nil. Une donne non négligeable,
alors qu’une guerre de l’eau se profile
dans la zone du fait des bouleversements
climatiques.
Le droit à l’autodétermination a ainsi
posé deux micro-états -le Kosovo et le
Sud Soudan- comme jalons du maintien de
l’hégémonie occidentale, face à la
montée en puissance de la Chine et le
contournement chinois de l’Europe par
l’Afrique.
Dans ce
panorama : deux cas -le Tibet et les
Kurdes- font exception en ce que dans le
premier cas, celui du Tibet, les
États-Unis se heurtent à une cible
située dans la sphère géostratégique de
la Chine et dans le deuxième cas, les
Kurdes, à un allié de l’Amérique, la
Turquie, la sentinelle avancée de l’Otan
sur le flanc sud.
Dans le
cas du Tibet, les États-Unis encouragent
les autonomistes tibétains dans leurs
revendications, mais veillent à ménager
la puissance chinoise dans son pré
carré. Le soutien des Occidentaux au
Dalaï Lama constitue tout au plus un
instrument de pression pour servir de
monnaie d’échange à des concessions
diplomatiques ou économiques chinoises.
Dans le cas des Kurdes, les supplétifs
exemplaires des États-Unis lors de
l’invasion américaine de l’Irak, en
2003, -puis dans la guerre de Syrie
depuis 2014-, s’estimaient en mesure
d’obtenir un état en récompense de leur
collaboration. Ils n’y ont pas eu droit
en raison de l’hostilité de la Turquie à
un projet qui pourrait la déstabiliser
du fait de la présence d’un fort
sentiment irrédentiste kurde sur son
territoire.
La
solution médiane auxquels ont souscrit
les Kurdes -une zone de large autonomie
dans le nord kurdophone de l’Irak- si
elle les satisfait partiellement,
enchante pleinement les Américains en ce
que l’enclave kurde englobe les riches
champs pétrolifères de Kirkouk, de
surcroît liée économiquement et
militairement à Israël. La solution est
provisoire. Beaucoup à Washington et à
Paris nourrissent l’ambition de
constituer une entité indépendante
Kurde, sur les débris de la Syrie, dans
le nord du pays, dans la zone de Jisr al
Choughour, par adjonction du Kurdistan
irakien, assurant ainsi à l’État Kurde
un débouché sur la mer.
C’est le
cas notamment Bernard Kouchner et
Bernard Henry Lévy, les tandem du
Darfour, les deux philosionistes les
plus actifs dans la désintégration du
Monde arabe.
Les troubles en Syrie, justifiées sans
nul doute par les d’abus du pouvoir
baathiste, sont alimentées de
l’extérieur dans un but annexe. Le
règlement par défaut de la question
kurde par démembrement de la Syrie,
comme cela avait déjà été le cas avec
Alexandrette et le Liban. Le Kosovo a
attendu 10 ans pour son indépendance,
mais la Palestine attend depuis 70 ans,
sans émouvoir les Occidentaux de son
sort.
Pourquoi une telle duplicité ?
Au-delà
du tribut compensatoire des Occidentaux
au génocide juif et des considérations
bibliques, Israël, -le choix de son
implantation ne relève pas du hasard-,
est située à l’intersection de la rive
asiatique et la rive africaine du Monde
arabe, au point de jonction de la route
continentale des Indes et de la route
maritime, le bassin syro palestinien et
son prolongement égyptien, au point de
convergences des voies d’eau du Moyen
orient (Jourdain, Oronte, Hasbani,
Zahrani) et des gisements pétroliers de
la péninsule arabique.
L’existence d’Israël, de par son
positionnement géographique, signe
stratégiquement la rupture de la
continuité territoriale de l’espace
arabe. Pour le malheur du peuple
palestinien qui paie le prix de cette
entreprise de délocalisation de
l’antisémitisme récurrent de la société
occidentale. Et pour le plus grand
malheur des Arabes entravés de la
possibilité de constituer une masse
critique à l’effet de peser sur les
relations internationales.
Mais ce
qui est bon pour le Kosovo et le Sud
Soudan ne saurait être vrai ni pour la
Palestine, ni pour le Sahara occidental.
L’ostracisme n’est nullement le fait du
hasard : Les Palestiniens font face à
Israël, les Sahraouis, au Maroc, le
principal allié souterrain d’Israël.
Il n’est
pas indifférent de noter dans ce
contexte que le Kosovo et Israël sont
les deux seuls pays au monde créés par
une décision unilatérale. L’indépendance
s’accorde donc en fonction des intérêts
stratégiques. Le conflit du Sahara
n’aurait peut-être sans doute pas duré
autant s’il ne servait à attiser et à
affaiblir deux pays au bénéfice de la
stratégie hégémonique occidentale aussi
bien américaine que française dans la
zone, et surtout, s’il ne constituait un
excellent stimulant pour les industries
d’armement.
Un
conflit budgétivore, stimulant pour les
industries d’armement
Le Maroc
est parmi les pays africains qui
consacrent le plus d’effort budgétaire à
leur armement. Près de 2, 8 milliards
d’euros sont consacrés annuellement à
l’armée marocaine, représentant 15% du
budget marocain, soit le double de celui
de la Santé. Les besoins militaires du
Maroc absorbent 5% de son PIB, ce qui
lui vaut de figurer au top 20 des pays
les plus dépensiers pour leurs armées.
Si l’on tient compte de la croissance du
PIB, le Maroc dépense plus de 7 millions
d’euros par jour pour sa défense. Parmi
les grosses commandes ont figuré deux
escadrilles de F-16, en plus de la
modernisation de 27 Mirage F-1 français
pour 400 millions d’euros, une frégate
française Fremm pour 470 millions
d’euros, trois hélicoptères américains
CH-47D pour 93,4 millions d’euros,
quatre avions de transport tactique
C-27J Spartan à l’Italie pour 130
millions d’euros et 1.200 blindés
espagnols pour 200 millions d’euros.
L’Algérie, lui, est le second
importateur d’armes du continent,
derrière l’Afrique du sud selon le
SIPRI, l’Institut international de
recherche pour la paix (SIPRI), basé à
Stockholm. L’Algérie consacre en moyenne
3% de son PIB par an aux dépenses
militaires, ce qui représente environ
4,5 milliards d’euros pour 2011.
La
conclusion par l’Algérie d’un contrat
d’acquisition d’une soixantaine d’avions
de combat avec la Russie en 2006 avait
immédiatement suscité une réaction de
Rabat, qui s’est empressé de moderniser
sa flottille de Mirage F-1 vétustes et
de conclure le mirifique contrat des
F-16 avec Lockheed Martin, la
bénédiction de Washington et l’aide
technologique israélienne.
Le budget militaire algérien s’accroît
d’environ 10% par an. Des sommes
colossales sont ainsi allouées par ces
deux pays dont le secteur militaire
occupe la première place en termes de
budgétisation.
L’épreuve de force entre l’Algérie et le
Maroc : un conflit de deux mémoires
Le Maroc
dispose de deux atouts incomparables
dans son épreuve de force avec
l’Algérie. Il est, avec la Jordanie, le
meilleur allié souterrain d’Israël dans
le monde arabe. Pour aller plus loin sur
les relations Maroc-Israël.
Cf. à ce propos
http://www.renenaba.com/le-collier-de-la-reine
Sa
diplomatie corruptive de la Mamounia
bride toute velléité intellectuelle
critique de la classe politique
française. Le Maroc est en effet la
destination préférée du personnel
politique français où pas moins d’une
quarantaine de personnalités de premier
plan en font office comme pied à terre
pour des vacances parasitaires aux frais
de la princesse.
L’ancien président Jacques Chirac, à
Taroudant, dans le sud du pays, à
l’ancien directeur du Fonds Monétaire
international (FMI) Dominique Strauss
Kahn et l’écrivain médiatique Bernard
Henry Lévy y ont leurs habitudes.
Nicolas Sarkozy, le Président de la
République, y a passé des vacances de
Noël en 2009 et en 2010, à la résidence
royale de Jinane Lekbir (le grand
jardin), à trois kilomètres de
Marrakech. Son ancienne adversaire
socialiste de 2007, Ségolène Royal, y a
séjourné également en 2010, avec son
compagnon André Hadjez, au sein d’un
«palace de Ouarzazate», dans le sud du
pays. Elevé en partie à Agadir,
Dominique Strauss Kahn possède un ryad,
une maison de luxe située à Marrakech,
où il passe quelques jours de vacances
pour les fêtes.
Jean Louis Borloo a, lui aussi, choisi
le royaume chérifien comme destination
de vacances en 2010, ainsi que le couple
Balkany, Isabelle et Patrick Balkany,
maire de Levallois et proche de Nicolas
Sarkozy. La liste est longue. Elle
englobe Hervé Morin (et 18 membres de sa
famille à l’hôtel Es-Saâdi de
Marrakech), Brice Hortefeux et
naturellement Philippe Douste Blazy,
ancien ministre des Affaires étrangères
qui fit l’objet d’un scandale.
L’afflux de ces touristes d’un genre
particulier amuse la presse marocaine.
Les invitations spéciales sont l’atout
maître de l’arsenal diplomatique du
royaume chérifien pour séduire les
politiques français. La pratique est
érigée en politique d’État. On l’appelle
la «diplomatie Mamounia», du nom du
célèbre palace de Marrakech, propriété
de l’État marocain, qui accueille depuis
toujours les plus grandes célébrités de
la planète.
Depuis
qu’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé
ont lancé la mode des ryads, ces riches
demeures nichées au cœur des médinas
marocaines, c’est une véritable
déferlante gauloise qu’a connue le
Maroc. Plus de 5.000 ressortissants
français, la plupart retraités, y ont
élu domicile, à la suite de la diffusion
en 1999 sur M6 d’une émission de la
série Capital vantant les charmes de
Marrakech, Tanger, Essaouira, Fès ou
Agadir.
Mais si le Maroc est devenu une
destination privilégiée des Français,
elle l’est surtout pour les «amis du
royaume». Certains y ont des liens
généalogiques comme Elisabeth Guigou,
Dominique De Villepin, Rachida Dati ou
Eric Besson.
Mais la «tribu Maroc» s’étend bien
au-delà de ces attaches. Elle est pour
ainsi dire tentaculaire. De
Bernard-Henri Lévy à Thierry de Beaucé,
nombre de dirigeants politiques, chefs
d’entreprise, intellectuels médiatiques
et célébrités du showbiz ont à Marrakech
ou ailleurs une résidence secondaire.
Le «plus
beau pays du monde», comme le veut la
publicité de l’Office marocain du
tourisme, devient ainsi un lieu de
rendez-vous culte pour la classe
politique française, où la
délocalisation d’un Conseil des
ministres serait presque envisageable
durant les fêtes de fin d’année,
ironisait un élu.
Dans
bien des cas, le charme exotique du pays
constitue aussi la botte secrète de
l’influence marocaine dans les hautes
sphères de l’Hexagone. Ces vacances,
certes privées, sont bien trop souvent
l’occasion de contacts plus ou moins
informels avec les premiers cercles du
roi. Des invitations «spéciales», des
«prix d’amis» appliqués dans des lieux
d’agrément gérés par des hommes proches
du pouvoir, sont pratique courante. Ces
gâteries sont d’ailleurs
systématiquement appliquées aux VIP de
la République.
La Mamounia est la carte maîtresse de
cette politique de séduction du Makhzen,
le pouvoir féodal marocain. Tous y sont
reçus avec les attentions particulières
que sait déployer le Maroc pour ses
hôtes de marque. Les turpitudes de MAM
en Tunisie avec l’homme d’affaires Aziz
Miled pourraient cependant sonner le
glas d’une tradition qui autrefois ne se
refusait pas.
Voltigeur de pointe de la stratégie
occidentale en Afrique, bras armé de
l’Arabie Saoudite pour la protection des
régimes honnis, tel celui du satrape
zaïrois Mobutu, dans le cadre du Safari
Club, ce royaume des bagnes et de la
terreur -qui se sera octroyé toutes les
licences, qui aura bafoué la
souveraineté française en ordonnant
l’enlèvement de Mehdi Ben Barka, le chef
charismatique de l’opposition marocaine,
en plein centre de Paris avec la
complicité des services français,
l’homme qui aura ridiculisé le plus
illustre dirigeant français Charles De
Gaulle-, sera pourtant vanté comme le
paradis sur terre sous l’œil vigilant du
«groupe d’Oujda», animé par Maurice
Lévy, le patron de Publicis, le grand
groupe de communication français. Le
Maroc fonde son passe-droit du rôle de
base de repli à l’État Français assigné
au royaume par les stratèges occidentaux
à l’apogée de la guerre froide dans le
cas d’un nouvel effondrement français
face à une poussée soviétique.
Mais ce
Royaume souverain est un pays frappé de
servitude. Le commandeur des croyants ne
commande pas son détroit, le détroit de
Gibraltar, qui assure la jonction
stratégique de l’Océan Atlantique à la
Mer Méditerranée, comme en témoigne
l’incident de l’ilot persil.
Se greffe ainsi sur le conflit du Sahara
une donne particulière, un conflit de
deux mémoires. Les deux pays n’ayant pas
accédé d’une façon identique à
l’indépendance et n’ont pas été soumis à
la même histoire coloniale.
L’histoire algérienne a été faite dans
la douleur. Bien avant l’enfumage des
caves de Bora Bora, en Afghanistan, en
2001, Bugeaud et ses soldats avaient
enfumé toute l’Algérie.
L’histoire algérienne est beaucoup plus
douloureuse que ne l’a été l’histoire
marocaine, ne serait-ce que par sa
durée, et par l’imposition du code de
l’Indigénat en Algérie, un des facteurs
majeurs de l’acculturation algérienne,
suscitant par réaction un nationalisme
chatouilleux particulièrement en ce qui
concerne la France.
132 ans de colonialisme en Algérie,
contre 36 de protectorat français au
Maroc, soit le quadruple, avec à la clé,
Sétif, le symbole de la victoire de la
deuxième Guerre Mondiale, noyé dans le
sang, une guerre d’Indépendance de huit
ans et son cortège d’1 million de morts.
Avec en prime, un lobby pieds noirs
algériens c’est-à-dire un lobby
d’anciens colons français en Algérie,
sans pareil au Maroc, ni dans aucune des
anciennes colonies françaises,
expliquent et justifient l’extrême
réactivité algérienne à toute atteinte à
sa souveraineté ou aux principes moteurs
de la dynamique de la guerre de
Libération nationale.
L’histoire marocaine ne l’a pas été
autant. Il y eu certes la guerre du Rif,
mais le protectorat français sur le
Maroc a été dans la durée infiniment
moindre que le colonialisme français en
Algérie et dans sa manifestation atténué
par la complaisance d’une fraction du
trône, notamment le Glaoui de Marrakech.
Au conflit de la construction de la
mémoire entre les deux pays se superpose
leurs orientations divergentes tant sur
le plan international que sur le plan
interne. Un des drames du monde arabe
réside dans le fait que les deux
monarques les plus cultivés de leur
génération, -Hassan II du Maroc, diplômé
de la faculté de droit de Bordeaux et
Hussein de Jordanie, de l’académie
militaire britannique de Sandhurst- au
lieu de mettre en pratique le modernisme
pour la promotion de leurs peuples et de
leurs pays, ont instrumentalisé ce
modernisme au service d’un absolutisme
rétrograde.
La
balkanisation du Monde arabe et la
nécessité d’un seuil critique
Plaie
béante qui entrave son élan, le Monde
arabe souffre de balkanisation, dont la
dernière en date, en 2011, a été
l’amputation du sud Soudan du Soudan au
mépris du principe de l’intangibilité
des frontières issues de la
colonisation.
Auparavant, l’amputation de la Palestine
par l’implantation d’une entité
occidentale Israël à l’articulation de
la rive africaine et de la rive
asiatique du monde arabe, la
dissociation du Liban de la Syrie,
l’amputation du district d’Alexandrette
de la Syrie et son rattachement à la
Turquie, enfin le Koweït de l’Irak et la
Transjordanie (la Jordanie actuelle) de
la Cisjordanie.
Source
de faiblesse face aux grands ensembles
de son voisinage immédiat, telle l’Union
européenne, la fragmentation du monde
arabe devrait le conduire à œuvrer non
pour la division et la désunion, mais
pour l’union.
La constitution d’un ensemble homogène
résoudrait le problème du Sahara
occidental par l’entente et la
coopération, à l’effet de jeter une
passerelle entre les deux grands pays du
Maghreb central, l’Algérie et le Maroc,
plutôt que de maintenir un abcès de
fixation entravant tout projet
transarabe.
La
construction du Grand Maghreb ne saurait
demeurer une vue de l’esprit. Elle se
doit de se concrétiser, au besoin au
forceps, pour durcir le ventre mou de la
Méditerranée, première étape vers la
mise sur pied d’un groupement atteignant
un seuil critique par le regroupement de
l’Iran, la Turquie, l’Irak, la Syrie, le
Liban, la Palestine, l’Algérie, le
Maroc, l’Egypte, la Libye et le Soudan.
Un ensemble de 550 millions d’habitants,
équivalent à la structure des 27 pays de
l’Union européenne, agrégeant sunnites
et chiites, chrétiens et musulmans,
arabes, turcs, iraniens, berbères,
kurdes dans une mosaïque humaine
créative, non une guerre intestine
destructive.
Anormal
à cet égard qu’un convoi humanitaire
venant d’Europe pour aller à Gaza soit
tributaire d’une brochette
d’autorisation entre l’Algérie, le
Maroc, la Libye et l’Egypte.
Une ère s’achève, une autre s’ouvre.
Au-delà du point d’abcès malien, en
raison de la talibanisation du Sahel du
fait de la prolifération du septentrion
malien, la confédération se doit être
l’objectif majeur pour faire pièce aux
tendances centrifuges de la zone,
attisées par les particularismes
régionaux, les irrédentismes et le
chauvinisme religieux.
La
donne Libyenne
La
satisfaction légitime de la chute d’un
dictateur ne saurait occulter le gâchis
stratégique provoqué par l’effondrement
d’un pays à la jonction du Machreq et du
Maghreb et son placement sous la coupe
de l’OTAN, le plus implacable adversaire
des aspirations nationales du Monde
arabe.
Acte stratégique majeur comparable par
son ampleur à l’invasion américaine de
l’Irak, en 2003, le changement de régime
politique en Libye, sous les coups de
butoirs des occidentaux, paraît destiné
au premier chef à neutraliser les effets
positifs du «printemps arabe» en ce
qu’il accrédite l’alliance atlantique
comme le gendarme absolu des
revendications démocratiques des peuples
arabes.
42 ans
après leur expulsion de la base
américaine de Wheelus AirField-Okba Ben
Nafeh (Tripoli) et de la base anglaise
d’Al Adem-Abdel Nasser (Benghazi), les
Anglo saxons ont repris pied en Libye
pour en faire leur plateforme
opérationnelle majeure de la contre
révolution arabe, la zone de
sous-traitance par excellence de la
lutte contre l’immigration clandestine à
destination de l’Europe occidentale, le
siège occulte de l’Africa Command pour
la mise sous observation du Maghreb et
la lutte contre l’AQMI au Sahel.
Dans
cette nouvelle configuration, la Libye
et le Maroc paraissent devoir faire
office des deux mâchoires d’une tenaille
destinée à enserrer l’Algérie.
La diversification des sources
d’armement de l’Algérie avec l’Allemagne
(14 milliards de dollars sur dix ans),
le Royaume uni et l’Italie, en sus de la
Chine et la Russie, ne saurait suffire.
L’immobilisme porte condamnation de
l’Algérie. 50 ans après l’indépendance,
la génération des Moudjahidine arrive au
terme de sa prestation.
Sous peine de marginalisation, sous
peine de sclérose du pays, sous peine de
nécrose de la revendication sahraouie,
l’Algérie se doit de se mettre au
diapason des nouvelles équipes
dirigeantes de son environnement, en
réactivant sa relation jadis stratégique
avec l’Egypte du temps du tandem
Nasser-Boumediene, en vue de stabiliser
la Libye et la prémunir des effets
centrifuges des rivalités internes, en
favorisant une convergence avec la
relève contestataire marocaine pour une
nouvelle approche du règlement du
conflit du Sahara.
Sur le
flanc sud de l’Europe tenu par les rets
de la Mondialisation se dresse désormais
un monde rebelle, dans son ancienne
chasse gardée, une zone qu’elle vouait à
faire office de glacis stratégique
contre la percée chinoise en Afrique, la
zone d’externalisation de la politique
de la lutte contre l’immigration sauvage
arabo africaine.
Au
lendemain du printemps arabe de 2011, le
plus grand défi du monde arabe est de
porter la dynamique de réformes au sein
des monarchies arabes, curieusement
épargnée par la contestation,
particulièrement les pétromonarchies du
golfe. Ce foyer de l’intégrisme et de la
régression sociale, se trouve par
ailleurs être le principal allié du
Maroc dans le conflit du Sahara
occidental en même temps que les alliés
objectifs d’Israël dans la confrontation
palestinienne.
Le règlement du conflit palestinien et
du conflit sahraoui paraisse, nt devoir
passer par le rééquilibrage des rapports
interarabes par le placement en état
défensif des pétromonarchies, prélude à
une modification radicale de leurs
alliances internationales,
particulièrement leur allégeance
inconditionnelle aux États-Unis, le
protecteur d’Israël.
Dans la décennie 1970-1980, alors que le
Liban servait de guerre de dérivation au
processus de paix égypto-israélien, la
pression s’est portée sur la Syrie et
l’Algérie en vue de briser la
détermination des deux principaux foyers
du «Front de refus arabe» aux menées
israélo-américaines dans la zone.
La crise
cardiaque du président syrien Hafez Al
Assad, en 1976, en plein siège du camp
palestinien de Tall el Zaatar, dans la
banlieue est de Beyrouth, a laissé
espérer une brèche pour une
redistribution des cartes à l’échelle
régionale. Son rétablissement suivi de
la maladie fatale du président algérien
Houari Boumediene, en 1979-1980, a
privilégié la déstabilisation de
l’Algérie, via le financement d’un
prosélytisme islamique par les fonds
saoudiens.
Le ralliement de la dynastie wahhabite à
la coalition occidentale anti Saddam
Hussein a quelque peu distendu les liens
entre les islamistes algériens et leurs
parrains saoudiens, sans pour autant
mettre un terme à la dynamique de la
guerre intestine qui ravagera l’Algérie
pendant dix ans, entraînant sa
marginalisation au niveau de la
diplomatie régionale arabe.
Le même
schéma paraît se reproduire avec la
constitution d’un glacis pétro
monarchique contre révolutionnaire par
l’adjonction du Maroc et de la Jordanie,
les deux grands alliés d’Israël au
Conseil de Coopération du Golfe.
Sauf à se résoudre au fait accompli, le
bloc républicain arabe devrait veiller à
créer les conditions d’un Fukushima
politique sur les pétromonarchies,
particulièrement l’Arabie saoudite, le
cœur nucléaire de l’intégrisme mondial
et le foyer absolu de la régression
sociale, afin de redonner une plus
grande cohérence sociale et économique
entre les deux versants du monde arabe,
la zone méditerranéenne de pénurie et la
zone d’abondance du golfe pétrolier, à
l’effet d’établir un rapport de force
qui lui soit favorable en vue de
favoriser un règlement du conflit du
Sahara occidental et les autres points
du contentieux interarabe.
Et pour les Sahraouis de désenclaver
leur problème pour le sensibiliser à
l’échelle du monde arabe. Tant il est
vrai qu’ «il ne saurait y avoir de
victoire politique possible sans une
victoire culturelle préalable» (Antoine
Gramsci)
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