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vendredi 3 juin 2016

Sahara occidental : qui était Mohamed Abdelaziz, chef intransigeant du Front Polisario ?
Nécrologie


par Youssef Aït Akdim يوسف آيت اقدم
 Le Monde
31/05/2016
 
Il en était le chef depuis près de quarante ans. Le Front Polisario, qui revendique l’indépendance du Sahara occidental, a perdu son secrétaire général, Mohamed Abdelaziz, le 31 mai. Il est décédé à 68 ans des suites d’une longue maladie. L’Algérie, qui accueille le gouvernement en exil de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), a décrété un deuil national de huit jours.



Le président de la République arabe sahraouie démocratique, Mohamed Abdelaziz, à Madrid en novembre 2014. Photo ANDREA COMAS / REUTERS
Depuis sa création en 1982, Mohamed Abdelaziz était le président de la RASD, un embryon d’Etat reconnu par quelques dizaines de pays en Afrique et en Amérique latine, mais par aucune grande puissance. En février 1982, justement, Mohamed Abdelaziz, réputé pour son intransigeance, avait obtenu sa première grande victoire diplomatique, lorsque l’Organisation de l’unité africaine (OUA) admettait la RASD en tant que 51e membre. La brouille qui s’en était suivie avec le royaume du Maroc aboutit au retrait de ce dernier de l’OUA, lors du sommet de Nairobi, deux ans plus tard.
Mohamed Abdelaziz est né à Marrakech, au Maroc, en août 1947. Son père, Khalili Erguibi, était sous-officier des forces armées royales marocaines, ce que ne manquent pas de souligner les autorités chérifiennes qui ont d’ailleurs nommé ce patriarche au sein du Conseil royal consultatif des affaires sahariennes (Corcas). A la fin des années 1960, Mohamed est étudiant en médecine, à Rabat, quand il rejoint un groupe de militants actifs contre la colonisation du Sahara par l’Espagne. En 1968, le Mouvement pour la libération du Sahara est ainsi créé par Mohamed Bassiri. Pacifiste, ce premier mouvement n’en subit pas moins la répression de Madrid. Le 17 juin 1970, la Légion espagnole tire sur les manifestants à Tan-Tan. Arrêté, emprisonné à la prison de Al-Ayoun, Mohamed Bassiri est porté disparu. Tirant les leçons de cet échec, ses jeunes compagnons mettent en place les fondements d’un mouvement de lutte armée.

Le 10 mai 1973, le Front Polisario (Front populaire pour la libération de la Saguia Al Hamra et du Rio de Oro) publie son premier communiqué. La chute du texte claque comme un avertissement : « La liberté est au bout du fusil. » C’est Moustapha Sayed Al-Ouali qui s’impose comme le chef des révolutionnaires sahraouis et devient le premier secrétaire général du Front. Mohamed Abdelaziz est l’un des sept membres fondateurs. Après la « marche verte », en novembre 1975, le Polisario poursuit sa lutte mais change d’adversaire. L’Espagne s’étant retirée du territoire en février 1976, la guerre de libération oppose désormais le Polisario aux armées marocaine et mauritanienne. Al-Ouali meurt au combat, en juin 1976, lors de l’assaut contre Nouakchott.



Mohamed Adelaziz sur une fresque au Musée de l'Armée populaire de libération à Rabouni, près de Tindouf (Algérie). Photo Farouk Batiche/Getty Images

Longévité plus grande que Hassan II
« A la mort d’Al-Ouali, tout le monde paraissait terne », estime l’universitaire tunisienne Khadija Mohsen-Finan, spécialiste du conflit au Sahara occidental. De fait, pour succéder au charismatique père fondateur, la direction du Polisario choisit Mohamed Abdelaziz, qui a abandonné ses études de médecine pour une formation militaire. Il est de la tribu des Reguibat, la plus importante de la région. Installé en exil dans le camp de réfugiés près de Tindouf, en Algérie, avec deux de ses sœurs, sa femme et ses six enfants, il conserve huit frères et sœurs au Maroc, la plupart employés par l’administration du royaume. Réélu sans interruption à la tête du Front Polisario, Mohamed Abdelaziz aura dirigé pendant trente-neuf ans le mouvement sahraoui, soit un an de plus que la durée du règne de Hassan II, son vieux rival.
Ce règne sans partage est marqué par un long conflit avec le Maroc, jusqu’au cessez-le-feu de 1991, surveillé depuis par une mission de maintien de la paix onusienne, la Minurso. Laquelle n’a pas réussi, à ce jour, à organiser un référendum d’autodétermination. Depuis mars 2016, la région connaît d’ailleurs un regain de tension, à laquelle la disparition de Mohamed Abdelaziz ajoute un surcroît d’incertitude. Le Maroc a expulsé, le 17 mars, les membres de la mission civile et politique de la Minurso. De son côté, le Front Polisario menace de reprendre la lutte armée.
La dérive autoritaire de Mohamed Abdelaziz, dénoncée par certains de ses compagnons de la première heure, atteint son acmé en 1988 avec la démission de trois membres fondateurs du Front. Certains se rallient au Maroc et plaident pour une solution négociée avec Hassan II. C’est le cas notamment de son rival Omar Hadrami, ancien chef de la sécurité des camps de réfugiés de Tindouf, qui occupe depuis de hautes fonctions dans l’administration marocaine. Les critiques dénoncent également la mainmise des Reguibat, la tribu de Mohamed Abdelaziz, à tous les échelons, notamment militaires, de la RASD. Après un intérim qui doit être assuré, selon la Constitution sahraouie, par le président du conseil national, Khatri Addouh, la succession de Mohamed Abdelaziz s’annonce ardue.
« Au-delà des personnes, les deux questions qui se posent au Polisario sont la poursuite du mouvement et son orientation idéologique, estime Khadija Mohsen-Finan. Sa forme actuelle paraît obsolète et immobile, à la traîne de l’Algérie, un pays également en difficulté. » La disparition de Mohamed Abdelaziz, qui ne s’est jamais écarté de la ligne du Polisario – l’autodétermination ou la mort – rend théoriquement possible un aggiornamento idéologique du mouvement. Plus probablement, elle offre pour les puissances concernées, la France, les USA et l’Espagne, l’occasion de pousser, une nouvelle fois, l’option d’une solution négociée.

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