«Expulsion». Un mot en vogue chez les autorités marocaines. Après avoir expulsé des journalistes prétextant une absence d’autorisation de filmer, voilà qu’elles s’en sont pris ce mercredi 6 avril à un collectif d’avocats et de juristes français, espagnols et belges, venus défendre la cause des détenus sahraouis condamnés dans le cadre du procès de Gdeim Izik de février 2013 (inculpés à l’époque par un tribunal militaire marocain pour «meurtres sur des membres des forces»).
Composé de l’avocate française Ingrid Metton, du professeur de droit international belge Eric David, du magistrat espagnol Jesus Maria Martin Morillo, ainsi que des avocats espagnols Maria Nieves Cubas Armas, Juan Carlos Gomez Justo et Altamira Guelbenzu Gonzalo, ce collectif est né dans l’urgence la semaine dernière «vu les conditions de détentions terribles et le déni de justice subis par ces prisonniers», selon Ingrid Metton.
Sur les 25 Sahraouis arrêtés en 2013, 21 ont été condamnés à des peines allant de vingt ans de prison à la perpétuité. Selon Ingrid Metton, ils étaient en grève de la faim depuis le 1er mars. Le but du collectif était de discuter avec les autorités marocaines des conditions de détention des prisonniers que certains d’entre eux représentent.

«Téléphones et ordinateurs fouillés»

Ingrid Metton raconte à Libé que son collectif avait sollicité une entrevue avec le Comité national des droits de l’homme du Maroc (un organisme qui travaille sous la tutelle du gouvernement) ainsi qu’avec le ministère de la Justice. Si le comité en question a contacté Ingrid Metton au moment où elle a foulé le sol du royaume marocain, le ministère de la Justice n’aura pas pris cette peine. A noter que le rendez-vous pris pour le lendemain avec le comité n’aura jamais eu lieu compte tenu de l’évacuation de tous les membres du collectif…
Arrivés à 13 heures, ils seront tous interpellés à leur hôtel vers 17 heures, relate Ingrid Metton : «Nous sommes restés jusqu’à 21h30 au commissariat à Rabat sans qu’on nous présente le moindre motif d’interpellation ni même qu’on nous pose la moindre question. On n’a eu le droit ni de contacter un avocat ni de prévenir nos ambassades respectives. Ils ont manifestement profité de tout ce temps pour fouiller nos téléphones portables et nos ordinateurs : le mien était allumé avec tous mes fichiers ouverts, je l’ai retrouvé éteint avec ces mêmes fichiers fermés".
En outre, on les aurait menacés de les expulser dans la nuit vers l’Espagne par bateau à partir de Tanger, en leur signifiant qu’ils n’étaient pas du tout les bienvenus sur le territoire marocain, avant de se rétracter et de les raccompagner à l’hôtel, poursuit l’avocate. Le lendemain matin, ce jeudi, ils auraient été renvoyés sans avis d’expulsion, à Paris, en toute illégalité.

Par ailleurs, le collectif avait également rendez-vous avec l’ambassade de Belgique et la délégation de l’UE et devait tenir ce jeudi une conférence de presse pour dénoncer «le déni de justice fait à ces prisonniers sahraouis». Finalement, ils n’auront eu le temps de rencontrer que l’ambassadeur de Belgique.

«Atteinte à l’ordre public»

Selon le site d’informations marocain Hespress, la préfecture de police marocaine a publié à ce propos ce jeudi le communiqué suivant : «La préfecture de police à Rabat-Salé a décidé d’expulser huit étrangers du territoire national, de nationalité française, belge et espagnole. Les concernés, qui représentent le soi-disant ''Collectif international des avocats en soutien aux détenus de Gdeim Izik'', étaient entrés sur le territoire national dans le but de semer le trouble et porter atteinte à l’ordre public.» Tout en niant la grève de la faim de ces prisonniers et leur état de santé déplorable.
LIBERATION