La guerre et les persécutions ont engendré un nombre record de réfugiés dans le monde entier, indique un rapport du bureau du Haut-Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies. Actuellement, ce sont 59,5 millions de personnes - soit près d’un pourcent de la population mondiale – qui sont réfugiés, demandeurs d’asile ou déplacées dans leur pays. La moitié d’entre eux sont des enfants. Cette crise a fait couler beaucoup d’encre, notamment sur la réponse à lui apporter, mais très peu se demandent à qui profite cette situation tragique.
La réalité est que la guerre et les conflits actuels au Moyen-Orient
nourrissent la migration et l’extrémisme. La guerre bénéficie également à
l’industrie de l’armement en augmentant ses profits et, par la même
occasion, son influence sur les politiques publiques. Par exemple, l’US
Air Force a déjà tiré tellement de missiles et de bombes (plus de
20,000) sur les positions de Daech qu’elle est sur le point d’être à
court de ce type d’armement, selon un article
d’USA Today daté du 3 décembre 2015. Une bonne nouvelle pour Lockheed
Martin (première entreprise américaine et mondiale de défense et de
sécurité), qui fabrique les missiles Hellfire.
Selon Zacks.com, un site de recherche d’investissement, les tensions
géopolitiques obligent les nations du monde à améliorer leurs capacités
défensives : On peut y lire
que « L’augmentation de la menace… a stimulé la demande d’armes
américaines […] Ce qui bénéficie aux entreprises américaines
d’armement ».
Les cadres du complexe militaro-industriel ont assuré aux géants de la
finance mondiale que plus de guerre signifie plus de marchés pour leurs
produits. Le directeur financier de Lockheed Martin, Bruce Tanner, a
annoncé lors d’une conférence au Crédit Suisse que la guerre au
Moyen-Orient donnerait à son entreprise « un avantage non négligeable »
et qu’elle a augmenté la demande de jets F-22 et F-35. A la même
réunion, le journal The Intercept a rapporté
que le président d’Oshkosh, Wilson Jones, avait affirmé que la menace
grandissante de l’Etat Islamique allait multiplier la demande de
véhicules armés.
Pendant ce temps, les Etats du Golfe fournissent déjà des armes
fabriquées aux Etats-Unis aux rebelles en Syrie. C’est en tout cas une information
du Daily Mail qui cite le directeur d’une entreprise d’armement basée
aux Etats-Unis « La Syrie est une zone de croissance exponentielle pour
nous ».
Selon une analyse
de The Intercept, ce n’est pas une coïncidence si la valeur des stocks
d’entreprises telles que Raytheon, General Dynamics, Booz Allen,
Lockheed Martin et Northtop Grumann ont bénéficié d’une augmentation
inopinée au lendemain des attaques terroristes sur Paris.
La tendance est à la hausse pour la vente d’armes au niveau
international, et les Etats-Unis s’accrochent à leur position de leader
mondial. « Le volume du transfert d’armes majeures s’est élevé de 16%
durant la période 2010-2014 par rapport à la période 2005-2009 » rapporte l’Institut International de Recherche pour la Paix basé à Stockholm.
Pour les Etats-Unis, la vente d’armes a augmenté de 23%. « Plus que
n’importe quel autre fournisseur, les Etats-Unis ont livré des armes
majeures à au moins 94 destinataires entre 2010 et 2014 », selon une
recherche de l’Institut. Les armes ont été dispersées partout dans le
monde, mais un tiers des exportations états-uniennes ont été destinées
au Moyen-Orient.
Les armes vendues aux alliés des Etats-Unis, comme l’Irak ou l’Arabie
Saoudite, ne restent pas au même endroit. « Les combattants de Daech
utilisent principalement des armes pillées dans les stocks de l’armée
irakienne, armes qui ont été fabriquées dans plus de douze pays, y
compris la Russie, la Chine, les Etats-Unis et des pays européens »,
selon Amnesty International.
« La quantité et la diversité du stock d’armes et de munitions de Daech
témoignent de décennies d’irresponsabilité quant aux transferts
d’armement vers l’Irak, mais aussi de multiples erreurs commises lors de
l’occupation états-unienne pour la sécurisation des livraisons et des
stocks d’armement, ainsi que de la corruption endémique régnant en
Irak », selon le récent rapport d’Amnesty
La Recherche sur les Conflits Armés, un groupe basé à Londres qui a
analysé l’arsenal djihadiste, indique que « Daech n’a pas eu beaucoup de
difficultés à piocher dans l’immense stock d’armes qui entretient le
conflit en Irak et en Syrie. Armes fournies non seulement par des
grandes puissances mondiales, mais aussi par des allers-retours
d’exportateurs tels que le Soudan », selon un rapport
du Centre pour l’Intégrité Publique. L’un des fournisseurs de munitions
est une usine de Lake City, dans le Missouri, gérée par Alliant
Techsystems qui a, en 2014, dépensé $1,35 milliards en lobbying.
Et le cycle continue. Le complexe militaro-industriel utilise son poids
de lobby et les contributions de la PAC (Comité d’Action Politique) pour
remporter des contrats de production d’armes. Les armes utilisées
outre-Atlantique créent de nouveaux ennemis. Ces ennemis interceptent
ces armes et les retournent vers des cibles états-uniens.
Les migrants désespérés recherchant la sécurité ont provoqué des vagues
accrues de xénophobie, entraînant de nouvelles violences en Occident.
Plus de peur et plus de violence : voilà ce qui crée de nouveaux marchés
pour l’industrie de l’armement. L’augmentation des ventes fournit plus
d’argent à dépenser dans le lobbying, dans les campagnes présidentielles
et chez les groupes d’experts pro-conflit.
Nous pouvons briser cette spirale en arrêtant la guerre, en accueillant
les réfugiés et en interrompant l’influence injustifiée de ceux qui
profitent de la violence. Le président Dwight D. Eisenhower avait raison
lorsque, il y a 54 ans déjà, il mettait en garde contre « l’acquisition
d’une influence injustifiée, voulue ou non voulue, par le complexe
militaro-industriel ».
« Seuls un signal d’alarme et des citoyens éduqués peuvent contraindre
l’immense réseau de l’industrie et de la manufacture militaire de
défense, en utilisant des méthodes et des objectifs pacifiques, afin que
la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble », insistait
Eisenhower.
Il est temps de répondre à son appel !
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Traduit de l’anglais par Thomas Freneat pour Investig’Action
Source : Truthout
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