Par Hania A.
Le Maroc a observé un recul inhabituel, le 10 avril, à l'annonce par le juge Pablo Ruz de la Haute Cour d'Espagne, de l'envoi au Maroc d'une quatrième commission rogatoire sur le génocide commis au Sahara occidental entre 1975 et 1992. A la différence des trois précédentes, le gouvernement marocain a ménagé cette fois l'Espagne. Aucune menace d'une crise diplomatique n'a plané depuis Rabat, et pas la moindre polémique autour de cette procédure judiciaire visant 11 hauts gradés et personnalités politiques marocaines. Le poids de l´Espagne Pour des faits beaucoup moins graves, dans le passé, de sérieuses représailles avaient perturbé les relations entre les deux pays. Les autorités marocaines n'avaient pas hésité alors à remettre sur la table des négociations périodiques entre Madrid et Rabat la question de Ceuta et Melilla, «villes occupées», et à observer un grand laxisme sur les flux migratoires et le trafic de drogue vers les côtes espagnoles. Conformément à leurs habitudes, les autorités marocaines ont bien entendu pointé du doigt les ennemis du Maroc (en allusion à l'Algérie et au Front Polisario). Pas un mot déplacé envers le voisin espagnol, à une semaine exactement du débat au Conseil de sécurité de l'ONU sur le renouvellement du mandat de la Minurso, prévu le 28 avril. L'Espagne a son mot à dire, en effet, en sa qualité d'ancienne puissance coloniale du Sahara occidental. C'est à ce titre qu'elle fait partie du «Groupe des pays amis du Sahara occidental» composé des Etats-Unis, de la Russie, du Royaume-Uni et de la France. Le poids de l'Espagne dans le débat sur la question du renouvellement du mandat de la Minurso chargé du contrôle du cessez-le-feu dans ce territoire non autonome qu'elle a cédé illégalement, en 1975, au Maroc, s'est vu renforcer en janvier 2015 avec son entrée au Conseil de sécurité, sous le statut de non permanent, jusqu'à la fin de l'année 2016. La France, alliée traditionnelle du Maroc dans cette affaire, mais aussi les autres puissances occidentales qui jouissent du droit de veto, laisseront à l'Espagne le soin non de parrainer tout projet sur le Sahara occidental mais d'en amender les dispositions de fond pour le bloc occidental. Ce qu'elle avait fait en 2014 en vidant le projet de résolution déposé par l'ambassadeur américain sur la surveillance des droits de l'homme au Sahara occidental par la Minurso. La primauté des intérêts sur les principes C'est dans ce cadre que l´Espagne se livre discrètement à un double jeu, a rapporté récemment le célèbre journaliste espagnol Ignacio Cembrero. Madrid développe en apparence une position qui colle au principe du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination, tout en agissant pour préserver le statu quo qui se prolonge indéfiniment à l'avantage du Maroc depuis les Accords de Houston en 1991 sur le cessez-le-feu sur le Sahara occidental. Les associations civiles espagnoles unanimement acquises à la cause sahraouie dénoncent, elles aussi, le double jeu de leur pays dont le souci majeur est de préserver ses intérêts avec le Maroc plutôt que d'honorer sa dette historique envers le peuple de son ancienne colonie. Cette remarque vaut aussi bien pour les socialistes que pour les populaires qui gouvernent par alternance depuis l'avènement de la démocratie à la mort du général Franco en 1995. C'est le gouvernement socialiste espagnol qui a torpillé le «Plan Baker» que le Conseil de sécurité de l'ONU avait, pourtant, adopté à l'unanimité de ses membres le 16 juillet 2003. Ce plan prévoyait une période d'autonomie de 5 ans au terme de laquelle sera organisé un référendum. Moratinos, le ministre des Affaires étrangères de José Luis Zapatero, avait contré cette initiative en suggérant au Roi Mohammed VI un nouveau plan inspiré du modèle des autonomies en Espagne. Le bloc occidental a suivi. C'est à l'initiative de José Manuel García-Margallo, l'actuel ministre des Affaires étrangères de Mariano Rajoy, que l'Espagne a bloqué l'initiative américaine en 2014 sur l'élargissement de la mission de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme au Sahara Occidental. Le groupe des «Amis du Sahara occidental» En coulisses et au sein du «groupe des Amis du Sahara occidental», l'Espagne manœuvre, aujourd'hui, en profondeur pour que le projet de résolution qui sera adopté le 28 avril ne fasse pas de référence à cette question. Le gouvernement espagnol s'est refusé de commenter la proposition faite, cette semaine, par le Haute Représentante de l'ONU pour les droits de l'Homme qui vient relancer cette question. Conscient que le Maroc refusera cette proposition, avec le soutien direct de la France et plus discret de l'Espagne, le Secrétaire général de l'ONU a dû proposer une nouvelle formule qui permet à la Haute Représentante de l'ONU de surveiller le droits de l'homme depuis l'extérieur. Et non directement dans les territoires occupés. Interpellé la semaine dernière par le sénateur Urko Aiartza, de la formation politique basque, sur le double jeu de son gouvernement sur le Sahara occidental, le chef de la diplomatie espagnole a répondu qu'en 2014, l'Espagne avait appuyé le contenu de la résolution américaine 2152. Or que dit cette résolution dont la version initiale avait été vidée de sa substance à l'initiative de l´Espagne ? «Les parties (le Front Polisario et le Maroc) sont invitées à poursuivre leurs efforts pour améliorer la protection des droits de l´Homme au Sahara Occidental et dans les camps de réfugiés de Tindouf». Une manœuvre qui conduit droit vers l'impasse sur la question des violations des droits de l'homme dans le dernier territoire encore colonisé en Afrique.
Hania A.
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