JUSTICE - Environ 2.000 Marocains ont été recrutés dans les années 70 par la SNCF en France. Dans les gares de triage, le travail était "tellement dur" que "les Espagnols restaient un mois et se tiraient", on était "aptes à tout", se souviennent des cheminots interrogés par l'AFP.
En manque de main d’œuvre, la SNCF a recruté sur place à grande échelle pendant plusieurs années, en vertu d'une convention signée en 1963 entre la France et le Maroc fraichement indépendant. Les sélections et visites médicales "étaient organisées surtout dans les régions qui avaient fourni des militaires lors de la seconde guerre mondiale, là où il y avait des gens costauds et en bonne santé", raconte Ben Dali, 63 ans.
Comme lui, plus de 800 ressortissants, sur environ 2.000 Marocains embauchés recensés par leur association, attaquent la SNCF pour discrimination. Leurs recours sont examinés à partir de lundi aux Prud'hommes de Paris. La moitié sont devenus français.
"Disponibles à noël"
Après la signature du contrat à l'Office national de l'immigration à Casablanca, quatre jours de bateau et train, la plupart sont arrivés à la gare d'Austerlitz à Paris, "un voyage inoubliable avec neuf autres Marocains" pour Abdelghani Azhari, envoyé à la gare de triage d'Achères, en banlieue parisienne, où il était logé avec d'autres dans un foyer préfabriqué.
"On calait les wagons. C'était dur l'hiver de faire l'attelage des trains de 700 mètres mais quand il fait chaud c'est pire", lâche-t-il. "On était des cheminots aptes à tout, disponibles à Noël".
"On roulait en 3x8 mais on ne craignait pas le travail. On était jeunes et forts. On nous avait triés sur le volet", se rappelle également Abdel (prénom modifié), débauché d'un village minier de l'Atlas pour atterrir lui aussi en banlieue de Paris, à Villeneuve-Saint-Georges. Agent "de mouvement", "reconnaisseur", "aiguilleur", "au charbon" ou "au graissage", il a enchaîné les postes.
"On a fait le même boulot mais on n'avait pas les mêmes avantages que les collègues français pour la retraite, la médecine ou les jours de carence", poursuit ce Franco-marocain resté contractuel de droit privé, "trop vieux" pour décrocher, quand il sera naturalisé, le "statut" particulier des cheminots."Blessé des pieds à la tête"
"Frustré", il se plaint d'avoir été plusieurs fois refoulé à des examens internes, "attend qu'on (lui) explique les raisons de ce gâchis, pourquoi j'ai été bloqué alors que les collègues pouvaient évoluer". Une partie des cheminots marocains ont raccroché à 55 ans, usés. "Je n'en pouvais plus, j'étais blessé des pieds à la tête alors je suis parti en 2010 quand ils m'ont proposé une prime de 16.000 euros", confie Aziz (prénom modifié), un cheminot entré en 1974.
"J'ai eu un grand choc en découvrant le montant de ma retraite de base: 1.004 euros", diminuée des années de cotisation manquantes, avoue-t-il. "On aimait nos collègues, notre métier, on l'a fait avec joie, dit-il en implorant: je voudrais que la SNCF fasse quelque chose pour nous".
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