Mélenchon : "L'Histoire de l'Europe est en train de basculer"
L’effet domino, vite !
La victoire de Syriza est un évènement
historique. L’ère de la toute-puissance arrogante des néo-libéraux en
Europe commence sa fin. Une occasion extraordinaire se présente pour
refonder l’Europe, c’est-à-dire une occasion d’abolir les traités qui en
ont fait ce monstre libéral monétariste. A partir de notre victoire en
Grèce on peut imaginer un effet domino. Ce serait comparable à celui qui
a touché l’Amérique latine. Là bas c’est ce qui s’est passé après qu’un
premier pays se soit débarrassé de son gouvernement du PS ou de la
droite, ou des deux en coalition, qui obéissaient au doigt et à l’œil du
FMI. En effet, les mêmes le font ici avec la Troïka et madame Merkel !
La vague commencée là-bas vient d’arriver en Europe en passant par le
sud de celle-ci qui en est le plus proche culturellement.
Evidemment, les puissants et le système cherchent la parade.
L’opération de la BCE en est une illustration dont je parlerai la
prochaine fois. Dans l’immédiat, un premier barrage idéologique se met
en place. Son objectif est de dénaturer le sens de ce qui vient de se
passer. Hier infréquentable et qualifié de « Mélenchon grec » pour mieux
le diaboliser, Tsipras semble faire désormais l’unanimité. La
description à présent veut en faire un quasi membre du PS quand bien
même les électeurs grecs ont pourtant envoyé dans les poubelles de
l’Histoire le lamentable président de l’Internationale socialiste
Georges Papandréou et son parti clanique, le PASOK.
En France, comme madame Le Pen était absente du tableau une fois de plus,
les commentateurs ont repris leur ritournelle pour la ramener dans le
débat à n’importe quel prix. Elle soutient la victoire de Syriza ! Pas
un commentateur qui ne relaie la question stupide qu’elle a réussi à
leur imposer : « ça ne vous dérange pas ? ». Avec le gros sous-entendu :
« les deux extrêmes se rejoignent gnagnagna… ». Il y a même eu un
commentaire joyeux pour dire qu’elle avait réussi à me « couper l’herbe
sous le pied » et que cela expliquerait l’annulation de mon séjour prévu
à Athènes et au meeting d’Héraklion ! Naturellement, le rédacteur n’en
croit pas un mot. Il s’agit seulement de provoquer une réaction outrée
de ma part et une de ces bonnes indignations créatrices de buzz sans
lequel les médias ne peuvent plus vivre. En fait, les enquêtes montrent
que personne ne croit à cette thèse. « L’opinion » mesurée par les
sondages y voit plus clair que les perroquets du système !
Ils n’ont jamais reçu une seule fois Tsipras ! Ils ont toujours appuyé à
tous les niveaux le PS grec, le PASOK, ce parti de voyous corrompus qui
a appliqué huit plans d’austérité et gouverné sans interruption depuis
2010, y compris avec la droite et l’extrême droite ! Hollande est allé
sur place embrasser sur la bouche Papandréou, encourager la coalition de
la droite et du PS/PASOK, y compris dans la séquence commune avec
l’extrême droite des lepénistes locaux ! Il a recommandé aux entreprises
françaises de participer au dépeçage des biens publics grecs et fait
leur publicité sur place ! Depuis que le PASOK est devenu enfin un
groupuscule, les mêmes bouche en cœur décrivent dorénavant Tsipras comme
un des leurs ! Et même, excusez du peu, un « appui pour François
Hollande » ! On a le droit de bien rire ! Les voilà en train de nous
courir derrière ! Le peuple grec a dit non aussi à ces faux amis,
perfides et opportunistes. Maintenant ceux qui disent « respecter le
choix des Grecs » (c’est quoi l’alternative ? L’intervention punitive ?)
doivent en tirer la leçon. Ils doivent capituler et renoncer à leur
part du pillage de la Grèce.
Les solfériniens ne tiendront pas un mètre sur le terrain de leur nouvelle affection.
Voici ma mise au pied du mur : la France de Hollande et du PS doit être
la première à proposer le moratoire sur la dette grecque ! Elle doit
renoncer à toucher les intérêts sur les titres de dette grecque. Elle
doit proposer la négociation de la dette. On verra bien alors que comme
d’habitude le PS ment dans son prétendu soutien et que Hollande est
juste un adversaire de son soi-disant nouvel ami grec !
Le sort de la dette de la Grèce est évidemment le cœur du futur de ce pays !
Syriza l’a emporté par ses propositions sur la gestion de cette
affaire. Beaucoup de commentateurs sont absolument paralysés devant
cette question. Pour eux, cette dette est une sorte de fétiche dont la
réalité ne peut être mise en cause. Voyons cela. Vous qui me lisez,
venez faire provision d’arguments… Âmes sensibles s’abstenir…
Certains prétendent même que son annulation provoquerait une catastrophe financière majeure.
« Payez ou ce sera le désastre », disent-ils. En réalité c’est payer
qui est le désastre. Tout le monde peut le constater en regardant l’état
dans lequel se trouvent les pays qui payent. En réalité, tout le monde
sait que cette dette est impayable. Je demande que l’on prenne cette
expression au pied de la lettre. On ne peut pas la payer. Dire qu’elle
sera payée est absurde. Cela revient à annoncer au peuple concerné qu’il
devra consacrer toutes ses ressources, à perpétuité, à payer la dette.
Car ce genre de dette est une boule de neige. Elle représentait 120 % de
la richesse annuelle de la Grèce au début de la crise. Après 5 ans de
cure d’austérité totale elle représente 190 % de la richesse produite en
une année ! La discussion ne peut donc avoir qu’un objet : comment
effacer la dette sans casse, c’est-à-dire sans que le système bancaire
s’effondre. Aujourd’hui, dans ce post, je veux d’abord donner des
arguments qui montrent pourquoi la question de la dette grecque ne se
pose pas dans les termes simplistes dans lesquels nombre de
commentateurs la posent. Je veux montrer que l’Histoire récente donne
des arguments forts pour contester la prétendue intangibilité de cette
dette.
Dans mon prochain post, je présenterai mon
analyse sur ce que cette dette est déjà actuellement et comment
l’effacer techniquement sans précipiter tout le système dans un bug
géant.
Avant d’examiner les questions techniques, il faut bien réfléchir à la philosophie de cette affaire. Les puristes disent « une dette est un accord entre deux parties, il faut le respecter » :
donc il faut la payer. C’est ce qu’a répété en Grèce Pierre Moscovici,
le commissaire européen du PS, ces jours derniers : « Une dette n’est pas faite pour être effacée, elle existe, elle doit être remboursée ».
Il va de soi que la vie en société repose sur le respect des conventions signées.
Car annuler unilatéralement un accord c’est s’exposer à ce que les
parties adverses en fassent autant sur d’autres accords et il n’est pas
certains que le bilan final soit positif pour celui qui prend
l’initiative de la chaîne des ruptures. Mais un premier débat porterait
évidemment sur la légitimité de l’accord conclu. Un bon accord suppose
l’égalité des parties et donc la liberté d’agir de chacune d’entre
elles. Exemple : une signature donnée sous la contrainte n’entre pas
dans cette catégorie. Ensuite, on distinguera ce qui est dû au titre du
capital et ce qui est dû au titre des intérêts. Le capital peut être
considéré comme une propriété, même si dans le cas du prêt bancaire sa
valeur n’existe pas puisque la banque n’a pas dans ses coffres l’argent
qu’elle prête. Au moment de la discussion sur la dette, on pourrait
vérifier si la valeur du capital emprunté a été ou non remboursée. La
surprise, ce sera de constater que dans la plupart des cas, le capital
initial est largement remboursé. Ainsi quand on entend dire « il faut rembourser la dette » la phrase est souvent un mensonge. Il faudrait dire « il faut payer les intérêts ». On comprend pourquoi cela n’est pas dit de cette façon…
Car tout le monde serait tenté de s’interroger sur le taux d’intérêt
payé et sur sa justification. Ce fait banal touche aussi au cœur de la
doctrine financière. Car les taux d’intérêt usuraires sont imposés au
nom du « risque de défaut », non ? Bien sûr, ces taux augmentent le
risque de défaut, c’est bien pourquoi ce système est absurde. Mais ce
n’est pas le plus important ! Le plus important, c’est que si l’on fait
payer un risque c’est donc qu’il est prévu aussi qu’il puisse se
réaliser. Ceux qui ont saigné la Grèce au nom du risque ne peuvent
protester quand il se concrétise !
Une fois posé ceci en général, voyons les cas concrets.
Car en sens inverse, il arrive que les prêteurs soient conscients du
fait que leurs exigences sont insoutenables et que, s’ils les
maintiennent, tout le système qui les contient eux-mêmes pourrait
s’effondrer. C’est ce qui s’est produit au lendemain de la seconde
guerre mondiale à propos de l’Allemagne vaincue. Sa dette à l’égard des
autres pays fut effacée en quasi-totalité. Il s’agissait d’empêcher que
le martyr du remboursement des immenses dégâts et carnages dus aux
armées allemandes dans toute l’Europe pousse les citoyens dans les bras
des communistes et de l’Allemagne de l’est. Le 27 Février 1953, la
Conférence de Londres aboutit à l’annulation de près des deux tiers de
la dette allemande (62,6%) par ses créanciers étrangers ! La dette
d’avant-guerre, qui avait été une des causes directes de la victoire des
nazis fut radicalement réduite de 22,6 milliards à 7,5 milliards de
Marks. La dette d’après-guerre est réduite de 16,2 milliards à 7
milliards de Marks. Ce sont des effacements considérables. L’accord fut
signé entre la toute nouvelle RFA et pas moins de 22 pays créanciers.
Parmi les 22 créanciers, on trouve les États-Unis, la Grande Bretagne,
la France, mais aussi la Grèce elle-même ! Cet exemple montre comment
parfois on peut décider d’une annulation radicale pour sauver
l’équilibre d’un système !
J’ai un exemple de ce que je viens d’énoncer que je juge encore plus parlant.
C’est celui de la dette… de l’Irak. Après la deuxième guerre du Golfe,
celle que ne firent ni la France, ni l’Allemagne, ni le Canada et ainsi
de suite, les États-Unis dénoncèrent la dette contractée par le régime
de Saddam Hussein. Bush fils la nomma « dette odieuse », reprenant un
terme que seuls utilisaient déjà les altermondialistes. Ces derniers
l’avaient eux-mêmes emprunté à une doctrine du 19e siècle. Elle est
apparue lors du conflit opposant l’Espagne et les États-Unis en 1898. A
cette date, Cuba, jusque-là colonie espagnole, passe sous le protectorat
musclé des États-Unis. L’Espagne exige alors des États-Unis le
remboursement la dette de Cuba auprès d’elle. Les USA refusent. Ils
déclarent cette dette « odieuse », c’est-à-dire contractée par un régime
despotique pour mener des politiques contraires aux intérêts des
citoyens. « Ce qui est important, c’est que cette déclaration,
finalement reconnue par l’Espagne, est inscrite dans un traité
international, le Traité de Paris, qui fait donc jurisprudence. » note Eric Toussaint à qui j’emprunte ce savoir.
Peu importe à cette heure les démêlées sur le sujet de cette dette en particulier.
En suivant le lien mes lecteurs en apprendront davantage et je leur
demande de le faire pour fortifier leurs arguments quand ils devront les
porter dans leur environnement. Au final, la dette irakienne fut
annulée à 80% ! Cela représentait 120 milliards de dollars ! Retenez ce
chiffre. C’est plus du tiers du montant de la dette grecque au début de
la crise ! Suivez le raisonnement. Chacun s’accorde à dire que les
comptes publics étaient maquillés par les gouvernements de droite sur la
base des conseils donnés dans ce sens par Goldman-Sachs ! On peut donc
qualifier cette dette de « dette odieuse » dans le sens que Bush lui
donnait à propos de l’Irak !
Mais pour l’instant, faisons comme si nous
acceptions la thèse du remboursement obligatoire indépendamment de
toutes circonstances. Dans ce cas, si la Grèce doit payer la dette, ne
doit-on pas lui rembourser d’abord celle qu’elle détient auprès des
autres, de façon à lui permettre de payer la sienne ? C’est exactement
ce que dit Tsipras. Les Allemands ont occupé la Grèce au cours de la
seconde guerre mondiale et ils se sont livrés dans ce pays à plusieurs
massacres de masse en plus des destructions habituelles. Le comble du
cynisme, c’est qu’ils ont fait payer à la Grèce les « frais
d’occupation ». Cela représente 168 milliards d’euros actuels. Tsipras a
donc prévu de les réclamer à l’Allemagne. « Dès que notre gouvernement sera en fonction, cette question fera l’objet d’une demande officielle
» a-t-il déclaré. C’est en effet l’équivalent de la moitié du montant
de la dette actuelle. Est-il légitime de réclamer cette somme ? Tenons
compte du fait que l’Allemagne actuelle se sent assez comptable des
exactions de l’Allemagne nazi pour servir des rentes aux survivants de
la Shoah et même pour avoir fait des dons conséquents à Israël, non pour
réparer ce qui restera à jamais irréparable, mais comme reconnaissance
de sa culpabilité. Cette culpabilité ne peut être ignorée en Grèce et la
responsabilité de l’Allemagne dans l’extorsion de fonds violente en
Grèce, bien signalée par le terme de « frais d’occupation », ne peut
être abrogée. Peut-être dira-t-on que c’est de l’histoire ancienne et
qu’il faut savoir tourner la page. Soit. Mais alors la règle doit
s’appliquer dans tous les cas.
Ce n’est pas ce qu’a fait la France quand
elle a réclamé au nouveau pouvoir russe de monsieur Poutine le paiement
des emprunts russes contractés à la fin du dix-neuvième siècle par les
Tsars de Russie. Cette dette avait été annulée par le gouvernement des
bolchevicks. Cette question des emprunts russes a été réglée par un
accord signé en 1997 entre la France et la Russie. Il a consisté en un
versement par la Russie à la France 400 millions de dollars ! Les Russes
ont donc payé à la fin du vingtième siècle pour une dette dont les
premiers titres datent de 1898 ! Mais l’affaire n’est pas close pour
autant. Des arrêts du Conseil d'État, déclarent que cet accord entre
États n'éteint pas les droits des porteurs privés vis-à-vis de leur
débiteur (Conseil d'État n° 226490 à 236070 séance du 12 mars 2003, et
Conseil d'État n° 229040 séance du 7 janvier 2004). Peu avant son
élection Nicolas Sarkozy avait confirmé cette position. Il l’a fait par
écrit. Il s’agit d’une lettre signée le 19 mars 2007 adressée aux
porteurs privés réunis en association. En voici le passage clef : « L'accord
franco-russe signé le 27 mai 1997 a eu pour effet la renonciation
mutuelle des réclamations respectives des gouvernements français et
russe. Néanmoins, il n'a pas pour autant éteint les droits de créance
des ressortissants français sur le gouvernement russe. La situation
n'est donc pas figée ». On ne peut être plus clair. Dès lors, ce
qui est vrai face aux Russes cent vingt ans plus tard cesse-t-il d’être
vrai face aux Allemands soixante-cinq ans après les faits ? Doit-on
rappeler que les crimes des nazis sont imprescriptibles ?
Tout ce qui précède est destiné à donner l’environnement historique et culturel de
la question de la dette grecque, qui est présentée comme une sorte
de fait indiscutable avec la dose de terrorisme intellectuel habituelle
dans ce type de situation. Voici ce qui me frappe le plus : on considère
comme un fait d’évidence qu’il y aurait une sorte de « responsabilité
collective » des Grecs vis-à-vis de la dette. Pourquoi imputer à tout un
peuple les pillages de quelques-uns ? Surtout quand ce petit nombre
maquillait les comptes publics pour cacher ses turpitudes. Et cela avec
l’aide d’une banque, Goldman-Sachs, que nul n’a inquiétée depuis pour
ces faits ? Et pourquoi imputer aux Grecs cette responsabilité
collective vis-à-vis d’une telle question alors que l’on se refuse à
juste titre à établir une responsabilité collective du peuple allemand
dans les crimes du nazisme, alors même que ceux-ci furent commis avec
une participation individuelle assez massive, que les moindres images
d’archives rappellent sans contestation possible.
http://www.francetvinfo.fr/economie/crise/crise-de-la-dette/video-jean-luc-melenchon-l-histoire-de-l-europe-est-en-train-de-basculer_807159.html
La dette ? Quelle dette ?
- L'Allemagne doit payer
- Victoire de Syriza : « C'est un grand soir démocratique ! » – BFMTV
- Syriza : « L'Histoire de l'Europe est en train de basculer » – France 2
- Victoire de Syriza : « C'est un moment historique » – France 2
- « Les athées en ont par-dessus la tête des querelles religieuses » – France 5
- Conférence « Laïcité et Paix civile »
- En République, le blasphème n'existe pas – argument
- Je signe pour la 6e République
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