par Aziz Enhaili, Rédacteur en chef adjoint, membre de Tolerance.ca®, 17/8/2012
Le journaliste marocain Ali Lmrabet a été agressé par des policiers à Tétouan. Une agression qui s’est produite après la publication par son magazine d’un article relatif à la présence aux Jeux Olympiques de Londres du général Hosni Benslimane. Un homme recherché par la justice française dans le cadre de l’affaire de la disparition du leader de gauche Mehdi Ben Barka.
Ali Lmrabet est un journaliste marocain. La ligne éditoriale de ses magazines ''Demain'' et ''Doumane'' n’a pas été du goût du régime autoritaire de Mohamed VI. Elle lui a valu la détention et en 2005 une interdiction de dix ans d’exercice de son métier de journaliste au Maroc! Tout comme d’autres journaux et hebdomadaires, ses deux publications ont été elles aussi interdites. Leur ''crime''? Toucher aux tabous, lesdites ''valeurs sacrées'', de la monarchie alaouite.
Et ça recommence…à Tétouan
Comme Ali Lmrabet l’a expliqué à Tolerance.ca, tout a commencé dans la nuit du vendredi à samedi, le 11 août dernier, à Tétouan, une ville du nord du Maroc, lieu de sa résidence. «Un ivrogne, bouteille de vin en main (en plein mois de Ramadan!), a attaqué ma maison vers 1h00 du matin. En dépit de mes plaintes réitérées auprès de la préfecture de police, aucun élément des forces de l’ordre n’a daigné se présenter chez moi». À 6 heures du matin, le journaliste a constaté que le fauteur de troubles était toujours sur les lieux.
Quand on sait la gravité au Maroc des chefs d’accusation d’attaque caractérisée contre les biens privés et se trouver en état d’ébriété ou en train de consommer de l’alcool sur la voie publique en plein mois de Ramadan, un mois sacré de jeûne, on ne peut qu’être étonné de la passivité de la police. Celle-ci aurait dû, comme le prévoit la loi, se rendre sur les lieux, ouvrir une enquête, constater les faits et tenter de confronter la version du plaignant à celle de la partie adverse, tout en interrogeant d’éventuels témoins. Facteur aggravant: au moment des faits, la police ne pouvait justifier son indifférence par un quelconque manque d’effectifs, puisqu’en raison de la présence du roi à Tétouan au cours de cette période, les forces de l’ordre ont vu leurs effectifs grossir significativement.
M. Lmrabet a également raconté à Tolerance.ca que sa mésaventure avec la police ne s’est pas arrêtée là.
Le lendemain, toujours selon le journaliste, il a été, vers 1 heure 30 minutes du matin, «pris à partie, insulté et agressé physiquement par trois policiers devant des dizaines de témoins». L’un des trois agents de la force publique lui a également «vidé les poches et a confisqué» une somme d’argent de «200 dirham (l’équivalent de 20 dollars américains, ndlr) et la carte d’identité nationale». Sur les lieux, on a, toujours selon ses dires, refusé de noter ses affirmations et un des policiers l’a même «menacé de mort».
Comme il l’a expliqué à Tolerance.ca, M. Lmrabet s’est rendu à la préfecture de police pour porter plainte contre les policiers qui l’avaient agressé. Mais, sous prétexte de l'absence de l'inspecteur responsable de la permanence, le policier qui a rédigé le procès-verbal, ne lui a finalement donné ni une copie de la plainte ni son numéro d’identification. Un refus qui va à l'encontre de la procédure en la matière.
Hosni Benslimane, un général sous le coup d’un mandat d’arrêt international
La nouvelle mésaventure du journaliste a fait le tour de la blogosphère marocaine. Tous voulaient en savoir la raison. Faute de mieux, les suppositions ont fusé de toute part. On a un moment présumé que cela était dû à la publication d’un article par le magazine électronique de M. Lmrabet, ''Demainonline.com'', où il est question de «La police marocaine au service de l’ambassadeur d’Israël».
Sans être dans le secret des dieux, l’auteur de ces lignes n’a pu s’empêcher de mettre son grain de sel dans cette ''soupe chaude''.
Un élément est troublant.
Sans aller jusqu’à affirmer l’existence d’une relation causale entre la mésaventure du journaliste et celle d’un personnage clé du régime marocain, force est de constater que le calvaire de M. Lmrabet s’est produit après la publication dans les colonnes de son magazine d’un article intitulé «Le général Hosni Benslimane à Londres. Que fait Scotland Yard?». Son auteur a révélé la présence du général de corps d’armée et commandant de la Gendarmerie royale à Londres à titre de président du Comité national olympique marocain. Tout en rappelant au passage une partie controversée de son passé. Comme il fallait s’y attendre, le juge français Patrick Ramaël a saisi cette occasion pour demander à Scotland Yard de le «retenir». Pour la petite histoire, le magistrat français tente depuis 2006 d’entendre le militaire dans le cadre de son enquête sur l’affaire de la disparition de Mehdi Ben Barka, le leader charismatique de la gauche marocaine. En vain! Excédé, il a lancé le 22 octobre 2007 des mandats d’arrêt international, dont un le concernant, et les a transmis à Interpol. Mais coup de théâtre: 24 heures plus tard, le parquet parisien les a retirés pour «information incomplète»…
Pour éviter l'embarras de l’arrestation, le général Benslimane a précipitamment quitté la Grande-Bretagne et a regagné son pays. Mais cette ''fuite'' ne permettra pas de le disculper du soupçon d'être au fait de ce qui s'était passé ou peut-être pire d'avoir été associé d'une façon ou d'une autre à la tragique affaire Ben Barka. D'ailleurs, la récente adoption par les députés marocains d'une loi garantissant l'immunité aux forces armées ne changera rien à l'épée de Damoclès qui pend au dessus de sa tête si d'aventure il décidait de partir en voyage en Europe par exemple. C'est pourquoi il ferait mieux de collaborer le plus tôt possible à la commission rogatoire du juge Ramaël.
**
La mésaventure du directeur de Demainonline.com n'est pas passée inaperçue. Elle a elle aussi fourni l'occasion de soumettre les prétentions démocratiques de la Constitution octroyée par Mohamed VI en 2011 au principe de la réalité. Montrant les limites de la rhétorique officielle.
Relire :
Hosni Benslimane, tortionnaire attitré du royaume et général de l’esquive et
Le journaliste marocain Ali Lmrabet a été agressé ce soir à Tetouan
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Ali Lmrabet est un journaliste marocain. La ligne éditoriale de ses magazines ''Demain'' et ''Doumane'' n’a pas été du goût du régime autoritaire de Mohamed VI. Elle lui a valu la détention et en 2005 une interdiction de dix ans d’exercice de son métier de journaliste au Maroc! Tout comme d’autres journaux et hebdomadaires, ses deux publications ont été elles aussi interdites. Leur ''crime''? Toucher aux tabous, lesdites ''valeurs sacrées'', de la monarchie alaouite.
Et ça recommence…à Tétouan
Comme Ali Lmrabet l’a expliqué à Tolerance.ca, tout a commencé dans la nuit du vendredi à samedi, le 11 août dernier, à Tétouan, une ville du nord du Maroc, lieu de sa résidence. «Un ivrogne, bouteille de vin en main (en plein mois de Ramadan!), a attaqué ma maison vers 1h00 du matin. En dépit de mes plaintes réitérées auprès de la préfecture de police, aucun élément des forces de l’ordre n’a daigné se présenter chez moi». À 6 heures du matin, le journaliste a constaté que le fauteur de troubles était toujours sur les lieux.
Quand on sait la gravité au Maroc des chefs d’accusation d’attaque caractérisée contre les biens privés et se trouver en état d’ébriété ou en train de consommer de l’alcool sur la voie publique en plein mois de Ramadan, un mois sacré de jeûne, on ne peut qu’être étonné de la passivité de la police. Celle-ci aurait dû, comme le prévoit la loi, se rendre sur les lieux, ouvrir une enquête, constater les faits et tenter de confronter la version du plaignant à celle de la partie adverse, tout en interrogeant d’éventuels témoins. Facteur aggravant: au moment des faits, la police ne pouvait justifier son indifférence par un quelconque manque d’effectifs, puisqu’en raison de la présence du roi à Tétouan au cours de cette période, les forces de l’ordre ont vu leurs effectifs grossir significativement.
M. Lmrabet a également raconté à Tolerance.ca que sa mésaventure avec la police ne s’est pas arrêtée là.
Le lendemain, toujours selon le journaliste, il a été, vers 1 heure 30 minutes du matin, «pris à partie, insulté et agressé physiquement par trois policiers devant des dizaines de témoins». L’un des trois agents de la force publique lui a également «vidé les poches et a confisqué» une somme d’argent de «200 dirham (l’équivalent de 20 dollars américains, ndlr) et la carte d’identité nationale». Sur les lieux, on a, toujours selon ses dires, refusé de noter ses affirmations et un des policiers l’a même «menacé de mort».
Comme il l’a expliqué à Tolerance.ca, M. Lmrabet s’est rendu à la préfecture de police pour porter plainte contre les policiers qui l’avaient agressé. Mais, sous prétexte de l'absence de l'inspecteur responsable de la permanence, le policier qui a rédigé le procès-verbal, ne lui a finalement donné ni une copie de la plainte ni son numéro d’identification. Un refus qui va à l'encontre de la procédure en la matière.
Hosni Benslimane, un général sous le coup d’un mandat d’arrêt international
La nouvelle mésaventure du journaliste a fait le tour de la blogosphère marocaine. Tous voulaient en savoir la raison. Faute de mieux, les suppositions ont fusé de toute part. On a un moment présumé que cela était dû à la publication d’un article par le magazine électronique de M. Lmrabet, ''Demainonline.com'', où il est question de «La police marocaine au service de l’ambassadeur d’Israël».
Sans être dans le secret des dieux, l’auteur de ces lignes n’a pu s’empêcher de mettre son grain de sel dans cette ''soupe chaude''.
Un élément est troublant.
Sans aller jusqu’à affirmer l’existence d’une relation causale entre la mésaventure du journaliste et celle d’un personnage clé du régime marocain, force est de constater que le calvaire de M. Lmrabet s’est produit après la publication dans les colonnes de son magazine d’un article intitulé «Le général Hosni Benslimane à Londres. Que fait Scotland Yard?». Son auteur a révélé la présence du général de corps d’armée et commandant de la Gendarmerie royale à Londres à titre de président du Comité national olympique marocain. Tout en rappelant au passage une partie controversée de son passé. Comme il fallait s’y attendre, le juge français Patrick Ramaël a saisi cette occasion pour demander à Scotland Yard de le «retenir». Pour la petite histoire, le magistrat français tente depuis 2006 d’entendre le militaire dans le cadre de son enquête sur l’affaire de la disparition de Mehdi Ben Barka, le leader charismatique de la gauche marocaine. En vain! Excédé, il a lancé le 22 octobre 2007 des mandats d’arrêt international, dont un le concernant, et les a transmis à Interpol. Mais coup de théâtre: 24 heures plus tard, le parquet parisien les a retirés pour «information incomplète»…
Pour éviter l'embarras de l’arrestation, le général Benslimane a précipitamment quitté la Grande-Bretagne et a regagné son pays. Mais cette ''fuite'' ne permettra pas de le disculper du soupçon d'être au fait de ce qui s'était passé ou peut-être pire d'avoir été associé d'une façon ou d'une autre à la tragique affaire Ben Barka. D'ailleurs, la récente adoption par les députés marocains d'une loi garantissant l'immunité aux forces armées ne changera rien à l'épée de Damoclès qui pend au dessus de sa tête si d'aventure il décidait de partir en voyage en Europe par exemple. C'est pourquoi il ferait mieux de collaborer le plus tôt possible à la commission rogatoire du juge Ramaël.
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La mésaventure du directeur de Demainonline.com n'est pas passée inaperçue. Elle a elle aussi fourni l'occasion de soumettre les prétentions démocratiques de la Constitution octroyée par Mohamed VI en 2011 au principe de la réalité. Montrant les limites de la rhétorique officielle.
Relire :
Hosni Benslimane, tortionnaire attitré du royaume et général de l’esquive et
Le journaliste marocain Ali Lmrabet a été agressé ce soir à Tetouan
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