Ghali Benmoussa* est un jeune militant âgé de 21 ans, membre actif du mouvement du 20 Février à Hoceima.
Comment le mouvement du 20 Février est-il né ?
L’idée est apparue au lendemain de la chute de Ben Ali et de la révolution tunisienne. Plusieurs groupes sur les réseaux sociaux appelaient à la création de ce mouvement au Maroc, car il nous semblait que des similitudes existaient et que la situation sociale et démocratique au Maroc était catastrophique. Le mouvement est donc né le 20 février avec des premières manifestations. Nous n’avons cessé de grossir depuis avec une centaine de comités dans les villes et les campagnes marocaines.(et quelques uns en France -ndlr)
Quelles sont les principales revendications du mouvement ?
Nous revendiquons la fin des privilèges, de la corruption et de la Hogra**. Nous exigeons la dissolution du Parlement, du gouvernement et la traduction en justice des pilleurs. Nous souhaitons un Maroc nouveau avec une monarchie parlementaire où le roi règne mais ne gouverne pas, un Maroc avec plus de justice sociale, moins de chômage, avec des services publics gratuits et de qualité.
Plus globalement, nous exprimons un ras-le bol partagé par une majorité de la population contre la vie chère.
Qui compose ce mouvement ?
Des jeunes, beaucoup de jeunes… Pour la plupart sans expérience politique, des indignés, des chômeurs, des étudiants, des travailleurs, des femmes. Pour la grande majorité : des Marocains sans engagement qui cherchent à améliorer les conditions de vie du plus grand nombre.
Mais aussi, des partis politiques allant de l’extrême gauche jusqu’aux islamistes d’Al Adl Wa Alihssane.
Il existe aussi des associations des droits de l’homme, des droits des femmes, des syndicalistes etc. Un beau melting-pot qui fonctionne ensemble et qui avance sur des revendications claires et même si ce n’est pas tous les jours facile, nous continuons d’avancer ensemble.
Existe-t-il véritablement une exception marocaine comme le prétendent les médias et les gouvernements occidentaux ?
Une exception ? (rires) Tout le monde ne le sait pas, mais au Maroc nous avons aussi eu des morts lors des manifestations comme Kamal Ammari mort à la suite des violences policières à Safi. Le Maroc a aussi ses martyrs, ses prisonniers politiques et ses persécutés.
Par ailleurs, la répartition des richesses au Maroc est tellement inégalitaire que je ne vois pas où est l’exception.
Non, cela fait partie de la propagande officielle du gouvernement marocain relayée par les gouvernements occidentaux complices, mais comme pour le soutien de Michèle Alliot-Marie à Ben Ali, attention ! Le retour de manivelle pourrait être brutal !
Y a-t-il eu des victoires même partielles ?
Oui, le bilan du mouvement est très positif. La première chose, qui est en soi une victoire, c’est d’avoir réussi à créer un mouvement de masse étendu, d’avoir suscité des débats au sein de la population qui s’est mise à réfléchir, à élaborer, à rêver et à revendiquer, et rien que ça, c’est énorme !
Ensuite grâce à la pression exercée par le mouvement, plusieurs luttes ont pu obtenir quelques victoires, comme l’augmentation des salaires des fonctionnaires, la baisse des prix de certains aliments. Ce n’est pas encore grand-chose mais nous continuerons à lutter et rien ne nous arrêtera, car aujourd’hui il y a deux choses fondamentales qui nous animent : la détermination et la dignité.
Que pensez-vous du référendum et de la victoire du oui à 98, 5 % ?
Ce référendum est une mascarade. Depuis quand organise-t-on un référendum dix jours après le discours du roi, sans débat contradictoire, avec une propagande officielle des plus insupportables ? Nous avons été pour le boycott du scrutin, car cela ressemblait plus à un simulacre de démocratie qu’à autre chose.
Les chiffres annoncés sont plus que contestables, plusieurs observateurs étrangers ont constaté des irrégularités.
Et puis, pour un pays de 35 millions d’habitants, ne compter que 9 millions de prétendus votants c’est plutôt un échec, non ?
Un dernier mot ?
Je tiens à vous remercier de votre soutien à notre lutte et à celle de tous les peuples opprimés dans le monde entier. Pour notre part, nous continuons le combat jusqu’à la victoire.
* Nom modifié à sa demande.
** Terme en arabe dialectal désignant une sorte de mépris exercé par le makhzen (serviteurs de l’État).
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