Par APSO, 7/10/2010
M. Nicolas Sarkozy
Président de la République française
objet : lettre ouverte de Sahraouis prisonniers politiques
Monsieur le Président,
Compte tenu du rôle historique de la France comme berceau des droits de l'homme, et étant donné le rôle actuel du pays dans la promotion et la protection de la démocratie et des droits de l'homme dans le monde entier, nous souhaitons vous exposer ici notre cas.
Nous sommes des Sahraouis, défenseurs des droits de l'homme. Nous avons déjà subi beaucoup d'épreuves du fait de nos opinions et de nos activités en faveur des droits de l'homme. Aujourd'hui, cela fait un an que nous sommes en prison et les autorités marocaines n'ont procédé ni à notre jugement ni à notre libération malgré les demandes le nombreuses organisations dans le monde entier. Dans ce cas particulier, l'État marocain ne respecte pas le droit international, qui garantit le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable et acceptable.
Nous vous écrivons à propos de la persistance des violations graves des droits de l'homme dans la partie du Sahara Occidental occupée par le Royaume du Maroc. Nous sommes d'autre part très préoccupés du pillage continuel des ressources naturelles de notre territoire.
Monsieur le Président,
Le 8 octobre 2009, nous avons été arrêtés par les autorités marocaines dans l'aéroport Mohammed V de Casablanca, en particulier par la Brigade Nationale de la Police Judiciaire, en présence des différents services de sécurité et de renseignement. Nous revenions d'une visite aux campements de réfugiés sahraouis du sud-ouest algérien. Après avoir été arrêtés, nous avons été emmenés au siège de la brigade nationale de la police judiciaire, où nous avons subi huit jours d'un interrogatoire uniquement politique. Cet interrogatoire a été caractérisé par une série de violations, dont la violation de la confidentialité de l'interrogatoire quand les fonctionnaires ont tenté d'influencer le cours de l'enquête en lançant une campagne médiatique diffamatoire contre nous.
L'arrestation n'a pas été basée sur des faits criminels, contrairement à ce qu'a dit la campagne de calomnie lancée par l'État marocain contre nous. Un large éventail d'institutions de la société civile se sont engagés dans cette campagne : la majorité des partis politiques, syndicats, quelques organisations marocaines des "droits de l'homme" et l'ensemble des médias populaires du Maroc. En outre, des représentants du gouvernement et des parlementaires ont fait des déclarations incitant à la haine, nous qualifiant de "traîtres", "ennemis" et "espions algérien». Cela contrastait fortement avec la façon dont d'autres organisations marocaines et internationales de défense des droits percevaient notre cas.
Ce n'est pas la première fois que le gouvernement marocain qui contrôle les médias marocains, fabrique des accusations contre les Sahraouis qui s'expriment. Dans la plupart des cas, les Sahraouis défenseurs des droits humains sont dépeints comme «espions», «comploteurs» et «terroristes» - des qualifications qui ont été constamment réfutées par des organisations sérieuses, marocaines et internationales, de défenses des droits humains, ainsi que par les commissions d'enquête internationales qui ont visité le territoire du Sahara Occidental. En outre, la lutte pacifique des Sahraouis pour l'autodétermination a toujours été l'objet de tentatives de déformation. Dans tous les cas, le choix de la protestation non-violente contre l'occupation de notre patrie par le Maroc est une indication des valeurs humanistes des Sahraouis et de notre croyance fondamentale dans le dialogue et la justice.
Monsieur le Président,
Le 15 octobre suivant, nous avons été amenés devant le juge d'instruction du tribunal militaire de Rabat, qui a ordonné de nous mettre en détention préventive dans la prison locale de Salé.
Un précédent dangereux est créé lorsque des civils qui défendent les droits fondamentaux de l'homme doivent être jugés par un tribunal militaire. Cela démontre clairement comment les autorités marocaines traitent les partisans du droit légitime des Sahraouis à l'autodétermination. Après presque un an de prison, le 21 septembre 2010, le tribunal militaire a déclaré son incompétence sur notre cas, et les accusations de trahison ont été abandonnées. Par la suite nous avons été transférés à un tribunal civil à Casablanca, où notre cas sera présenté le 15 octobre de cette année. Pourtant, les autorités marocaines ont toujours à présenter le premier élément de preuve contre nous.
Monsieur le Président,
Le Maroc a acquis un statut avancé auprès de l'Union Européenne et a des liens importants avec une quantité de puissances internationales. Pourtant, le partenariat avancé accordé au Maroc et les liens privilégiés avec de nombreux États n'ont pas réussi à convaincre Rabat de mettre fin à ses politiques d'oppression, ni n'ont réussi à mettre le pays plus en phase avec les normes des pays européens et leurs critères élevés en matière de droits de l'homme. Au lieu de cela, le changement de statut est utilisé par les autorités marocaines comme couverture aux violations flagrantes et répétées des droits de l'homme. Tout en maintenant l'image d'un pays démocratique, il opprime les voix dissidentes et continue à opprimer les Sahraouis qui s'opposent ouvertement à la présence illégale et indéfendable du Maroc au Sahara Occidental.
Il devient de plus en plus difficile pour notre peuple de croire en la justice fondamentale, lorsque la revendication du Maroc sur notre territoire est soutenue par une série d'accords commerciaux bilatéraux qui comprennent notre terre. En vendant nos ressources naturelles et en utilisant l'argent pour nous réduire au silence, le Maroc noircit l'image des nations démocratiques, comme la France, en les rendant complices d'un vol. Comme il est stipulé dans l'avis juridique de 2002 des Nations Unies sur la question, et répété en 2009 dans l'avis juridique du Parlement européen, les ressources sahraouies ne peut être exploitées que si cela est conforme à la volonté du peuple Sahraoui et à son intérêt. Monsieur le Président, nous n'avons jamais eu voix au chapitre dans cette exploitation, et le seul résultat de ces accords économiques pour notre peuple, c'est que nos voix sont encore davantage étouffées, puisque le Maroc se sent soutenu par l'Union Européenne dans sa revendication illégale et non fondée sur notre patrie.
Monsieur le Président,
Nous demandons respectueusement que tous les accords avec le Maroc excluent clairement notre terre, conformément au droit international. Quant à notre situation personnelle, nous vous demandons d'appeler le gouvernement du Maroc à assumer ses responsabilités et nous juger rapidement dans un procès équitable en présence d'observateurs internationaux ou nous libérer ainsi que tous les défenseurs sahraouis des droits de l'homme et prisonniers d'opinion dans les prisons marocaines.
En vous remerciant de prendre le temps de considérer ce courrier, recevez, Monsieur le Président, l'assurance de notre haute considération,
Les Défenseurs des droits de l'homme, prisonniers d'opinion
Ali Salem Tamek, Brahim Dahane; Ahmed Naciri
Prison locale de Salé / Maroc, le 8 octobre 2010.
Note : une copie de ce courrier a été adressée au :
- président de l'assemblée Nationale M. Bernard Accoyer.
- président du sénat M. Gérard Larcher.
- ministre français des affaires étrangères M. Bernard Kouchner.
- le représentant permanent de la France à l'ONU M. Gerard Araud.
- le Secrétaire Général des Nations Unies M. Ban Ki-Moon.
- le Représentant Personnel du Secrétaire Général des Nations Unies M. Christopher Ross.
Publié par APSO à l'adresse 19:36
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