C'est enfin chose faite. Après sept ans de la promulgation de la loi 13.03 sur la lutte contre la pollution de l'air, le décret du Premier ministre fixant les valeurs limites de dégagement, d'émission ou de rejet de polluants dans l'air émanant de sources de pollution fixes et les modalités de leur contrôle, vient d'être publié dans le dernier BO.
Ce texte représente le vrai soubassement de la loi, sa composante la plus importante et surtout la plus précise. Tout en fixant les seuils tolérables d'émission de gaz, le décret fixe les modalités de contrôles des différents types de polluants ainsi que les dispositions transitoires. Composé de 21 articles, ce décret fixe les normes à ne pas transgresser.
Ainsi, pour tout ce qui a trait aux émissions poussiéreuses, la limite est de 50 mg/m3 pour un débit massique supérieur ou égal à 0,5 kg/h.
Pour les polluants cancérigènes, particulièrement décriés, les limites varient entre 0,1 mg/m3 et 5 mg/m3 selon la classe des substances incriminées. Par ailleurs, le décret ne perd pas de vue les seuils d'émission de polluants pour chaque secteur. Dans ce cas, les valeurs limites sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'Environnement et de celui dont relève le secteur d'activité.
Pour le reste des polluants dont les degrés d'émission ne sont pas définis, le recours à des valeurs limites à caractère préventif doit être fait de manière conjointe entre les départements de la Santé, de l'Environnement et du ministère concerné.
Plus encore, les seuils d'émission peuvent être rendus plus restrictifs dans le cas où ils s'avèrent insuffisants pour protéger la santé des citoyens et pour préserver l'environnement de leurs effets négatifs. Ainsi, selon l'article 8 du décret, tout gouverneur d'une province ou préfecture concernées par la pollution atmosphérique peut proposer la fixation de valeurs limites sectorielles plus serrées.
Il peut y avoir recours dans le cas où le cumul des émissions émanant de plusieurs installations avoisinantes engendre des effets jugés excessifs sur la santé et l'environnement ou si les valeurs fixées pour un secteur dans une zone donnée ne permettent pas d'atténuer les effets néfastes. Il y a lieu aussi de préciser que le texte en question se veut évolutif dans la mesure où il doit suivre l'évolution économique et industrielle du pays.
A cet effet, les valeurs limites générales et sectorielles seront révisées tous les 10 ans ou dans un délai moindre si la nécessité s'en fait sentir. Quid du contrôle ? Il est expliqué que les agents définis par la loi 13.03 procèdent à des contrôles périodiques ou inopinés des rejets de polluants dans l'air.
Leurs mesures doivent être établies en respect des méthodes d'analyse et d'échantillonnage conformes à la loi en vigueur sur la normalisation. Ainsi, le taux de conformité aux valeurs limites doit être de 95%, tandis que les 5% restants ne doivent pas dépasser les seuils limites de plus de 10%. Enfin, le rapport de contrôle doit être remis à la partie concernée dans un délai qui ne dépasse pas 10 jours. Pour les sociétés hors-la-loi dont les émissions s'avèrent au-dessus des seuils de tolérance, elles ont un délai de 6 mois pour s'y conformer. Si la partie concernée n'obtempère pas, elle sera passible des sanctions prévues par la loi 13.03. Etant donné que le principe de pollueur-payeur n'a pas trouvé son chemin à l'application, la répression reste souvent sans effet réellement contraignant, estime-t-on. Toutefois, il y a des sociétés qui font des investissements considérables en matière de respect de l'environnement.
Elles sont souvent les plus polluantes qui disposent de département dédié à l'environnement, de moyens de valorisation d'intrants, principalement les combustibles ou encore de mécanismes performants d'autocontrôle.
Ceci étant, les tendances de dégradation de l'environnement au Maroc pèsent 3,7% du PIB. Les émissions de monoxyde de carbone, de CO2, de l'oxyde d'azote et de poussières sont responsables de maladies et partant d'un coût de plus en plus exorbitant pour la santé publique. Les études épidémiologiques menées par des organismes officiels révèlent qu'il existe un lien de cause à effet entre la pollution de l'air et la santé publique. Elles ont montré que la pollution est responsable de 9% de mortalité et de 42% des maladies des yeux.
A Casablanca et Mohammedia, la pollution atmosphérique dépasse 5 fois les normes admises par l'OMS. Les relevés effectués par le réseau de la qualité de l'air font état d'une concentration très élevée dans l'air de plusieurs polluants nocifs : dioxyde de souffre, oxyde d'azote, monoxyde de carbone, les particules en suspension appelées fumée noire et le plomb. Il n'en reste pas moins que l'application de la loi dans le domaine de l'environnement pose un problème d'imbrication politico-économique. C'est pour cette raison que la taxe carbone a soulevé un vrai tollé en France et que le principe de pollueur-payeur a été tué dans l'œuf face aux lobbies forts des industriels. Avoir des lois, c'est bien, les faire respecter est encore mieux.
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