Après seulement quatre jours d’audience étalées entre décembre
et janvier, les irrégularités constatées posent un sérieux doute sur
l’équité du procès et l’impartialité des magistrats.
ACAT , 23 / 2 / 2017
Le nouveau procès des 24 militants sahraouis arrêtés
dans le cadre du démantèlement du camp de Gdeim Izik en 2010 a débuté le
26 décembre dernier. Après seulement quatre jours d’audience étalées
entre décembre et janvier, les irrégularités constatées posent un
sérieux doute sur l’équité du procès et l’impartialité des magistrats.
Ils avaient été condamnés à de lourdes peines pour leur participation
présumée au meurtre de onze agents de sécurité marocains tués dans le
cadre du démantèlement de Gdeim Izik. La Cour de cassation marocaine
ayant cassé leur condamnation pour manque de preuve – entre autre
l’absence de certitude sur les décès, ils sont rejugés devant la Cour
d’appel de Rabat.
Alors que les avocats des familles des onze agents décédés ont pu
jusqu’à présent s’exprimer en toute quiétude, les plaidoiries des
avocats des accusés font l’objet d’un traitement bien différent :
interruptions répétées par le président du tribunal, le procureur et les
avocats des parties civiles qui n’hésitent pas à interrompre sans être
rappelés à l’ordre ; refus d’écouter les arguments juridiques soulevés
par les avocats notamment lorsqu’ils évoquent la torture subie par leurs
clients ou encore revendiquent l’application du droit international
humanitaire au motif que le Sahara occidental est un territoire occupé ,
refus de recevoir les conclusions écrites.
S’ajoutent à cela le cantonnement des accusés dans une cage en verre
d’où ils ne peuvent entendre les débats, le refus de leur délivrer
papiers et crayons pour qu’ils puissent prendre des notes au motif
qu’ils pourraient s’en servir comme armes, le refus de laisser entrer
leurs familles à quelques exceptions près alors que des dizaines de
journalistes marocains sont autorisés à photographier et filmer les
audiences et les accusés, sans leur consentement. Ces mêmes médias
marocains qui multiplient depuis des semaines les articles et émissions
présentant les accusés comme des terroristes ou encore de dangereux
meurtriers, au mépris de la présomption d’innocence.
C’est dans ce contexte hostile que les militants sahraouis et leurs
avocats bataillent pour faire valoir leurs arguments, face à des
magistrats qui ne cachent pas leur parti-pris, leur hostilité et le peu
de cas qu’ils font des engagements internationaux pris par le Maroc en
matière de droit de l’homme et de droit humanitaire. En seulement quatre
jours d’audience, l’obligation d’impartialité essentielle à la garantie
de l’équité du procès a déjà été sérieusement mise à mal.
Seule exception à cette partialité, les magistrats ont ordonné que
les accusés soient soumis à une expertise médico-légale concernant les
allégations de torture. Cette mesure, réclamée depuis des années par les
accusés, intervient toutefois avec plus de six ans de retard et
l’expertise a été confiée à des médecins marocains qui, au-delà de leur
partialité éventuelle, n’ont pas été formés à la documentation
spécifique de la torture.
Suspendu le 25 janvier, le procès reprendra le 13 mars. Entre temps,
le Maroc a fait savoir au Comité contre la torture des Nations unies
qu’il n’a aucunement l’intention de respecter sa décision condamnant le
Royaume pour la torture de Naâma Asfari et pour son emprisonnement sur
la base d’aveux forcés.
Tout ceci laisse augurer que les accusés vont à nouveau être condamnés à l’issue d’un simulacre de procès.
Contexte
Le Sahara occidental est considéré par les Nations unies comme un
territoire non autonome tel que défini à l’article 73 de la Charte des
Nations unies. Il est en outre occupé par le Royaume du Maroc depuis
1975. Une occupation illégale, le Maroc n’étant pas reconnu par les
Nations unies comme la puissance administrante. En situation
d’occupation, comme en Palestine, le droit international humanitaire
s’applique et notamment les Conventions de Genève.
Les 24 accusés ont été arrêtés, torturés et condamnés à de lourdes
peines sur la base d’aveux signés sous la torture en raison de leur
participation au camp de protestation sahraoui de Gdeim Izik en 2010.
Les condamnations ont été prononcées le 16 février 2013 par le tribunal
militaire à l’issue d’un procès inique marqué notamment par le refus
d’entendre les témoins cités par la défense et d’ordonner une expertise
médico-légale concernant les allégations de torture. Les noms des
victimes que les accusés sont présumés avoir tuées n’ont même pas été
mentionnés lors du procès.
Le 27 juillet 2016, la Cour de cassation a cassé le jugement et
renvoyé les accusés devant la Cour d’appel de Rabat. Cela constitue une
violation du droit international humanitaire qui fait obligation à la
puissance occupante de détenir et juger les Sahraouis dans le territoire
occupé. Les tortures, détention arbitraire et procès inéquitable
infligés aux accusés sont aussi des violations graves du DIH et
devraient faire l’objet d’une enquête immédiate.
Source de l'appel urgent : Victimes
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